Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Auguste (suite)

Dès 27 av. J.-C., les règles essentielles de l’administration des provinces ont été posées ; les anciennes provinces, pacifiées, sont laissées au gouvernement du sénat (ainsi l’Asie et l’Afrique) ; les gouverneurs portent le titre de proconsul et ne peuvent commander de troupes. Les autres provinces sont dites « impériales », et elles nécessitent la présence de troupes (ainsi la Syrie, la Gaule, l’Espagne). Les gouverneurs en sont des légats propréteurs, choisis par l’empereur lui-même dans l’ordre sénatorial, sauf le préfet d’Égypte, qui est pris dans l’ordre équestre, car Auguste interdit à tout sénateur de pénétrer dans cette province sans son autorisation. Les petites provinces, mal connues, peu développées, sont aussi gouvernées par des magistrats de rang équestre, les procurateurs.

Cette réforme laisse entièrement dans les mains de l’empereur la direction de l’Empire. Certes, les proconsuls sont désignés par le sénat, mais, en réalité, ils n’échappent pas au contrôle impérial. Quant aux légats et aux procurateurs, ce sont des fonctionnaires que le prince déplace comme il l’entend ; ils reçoivent un traitement fixe et ne peuvent agir qu’avec l’accord de l’empereur. C’est une garantie pour le pouvoir central, mais c’est aussi une assurance pour les provinciaux, qui, en cas de conflit avec leur gouverneur, peuvent toujours faire appel au princeps.

L’administration financière rend encore plus évident le caractère absolu du pouvoir d’Auguste. Il fait remettre à jour le cadastre général de l’Empire, ce qui permet de faire une grande carte du monde, mais aussi de remanier les impôts, qui continuent à être affermés ; cependant, le contrôle effectué par les fonctionnaires impériaux est de plus en plus strict. Dorénavant, il y a distinction entre le trésor du sénat, l’Aerarium, formé des revenus de Rome, de l’Italie et des provinces sénatoriales, et le fiscus, trésor de l’empereur, alimenté par les revenus des provinces impériales. En réalité, les sénateurs à la tête de l’Aerarium sont des hommes de confiance de l’empereur, et les passages de fond d’une caisse à l’autre ne sont pas rares. De plus, dans toutes les provinces sénatoriales, l’empereur est présent dans le domaine financier par l’intermédiaire d’un procurateur. La subordination du sénat est presque totale ; d’ailleurs, en 15 av. J.-C., Auguste se réserve la frappe de l’or et de l’argent, et ne laisse au sénat que la frappe des monnaies de bronze.

Cette puissance de l’empereur est accentuée par le fait qu’il est le maître des armées. À partir d’Auguste, l’armée est permanente, et le service est de longue durée (vingt ans), si bien que, si les citoyens forment toujours les légions, ce sont pour la plupart des volontaires. Les chevaliers fournissent les officiers supérieurs, mais le commandement est donné dans chaque légion à un légat de légion, délégué de l’empereur, et que ce dernier peut nommer ou destituer selon sa volonté. Cette armée, complétée par deux flottes, l’une à Misène, l’autre à Ravenne, est puissante, mais peu nombreuse relativement à l’immensité de l’Empire : 350 000 hommes avec les corps auxiliaires, les cohortes prétoriennes de Rome et les contingents alliés.

L’armée n’est pas pour Auguste un instrument de conquête. Sa politique extérieure est fondamentalement pacifique. Trois fois au cours de son règne il ferme le temple de Janus en signe de paix retrouvée. Mais l’Empire est loin d’être achevé ; de nombreuses régions sont encore mal contrôlées par les Romains ; sur les frontières existent un grand nombre de royaumes, ou principautés « protégées » : en Orient, les royaumes de Judée et de Commagène, les principautés de Palmyre, d’Émèse ; en Asie Mineure, les royaumes de Galatie, de Cappadoce, de Paphlagonie ; en Afrique, le royaume de Mauritanie. Auguste agit avec beaucoup de prudence ; il les laisse subsister, ne les transformant en provinces romaines que dans les cas de disparition du roi ou de force majeure ; c’est ainsi que, en 25 av. J.-C., Amyntas, le roi de Galatie, meurt ; le territoire devient province ; la Judée a le même sort en 6 apr. J.-C. En revanche, Auguste refait de la Mauritanie un royaume, qu’il confie à Juba II, homme profondément pénétré de culture gréco-latine.

L’empereur doit pourtant se résoudre parfois à intervenir pour rétablir le calme à l’intérieur de certains territoires qui, par leur instabilité, risquent de menacer l’équilibre de l’Empire tout entier. C’est le cas de 27 à 25 av. J.-C., où il dirige lui-même les opérations en Espagne ; les combats contre les Astures et les Cantabres durent jusqu’en 19, date à laquelle le territoire est réorganisé. Il en est de même pour la conquête des hautes vallées des Alpes, en 26, et pour la formation de la province des Alpes-Maritimes, en 14.

Cependant, les plus graves dangers devaient venir des frontières mal stabilisées et menacées par les Barbares. En Orient, profitant des difficultés intérieures des Arsacides, Auguste réussit à s’entendre avec le roi parthe Phraatès IV, qui, en 20 av. J.-C., doit rendre les enseignes prises aux Romains en 53 av. J.-C. Les difficultés en Occident sont plus grandes ; plusieurs campagnes, menées par Tibère, Agrippa et Germanicus, permettent de soumettre, le long du Danube, les Bastarnes et les Mésiens, puis les Pannoniens. De nouvelles provinces viennent s’ajouter à l’Empire : la Mésie en 6 apr. J.-C., la Pannonie en 10. Il en est de même dans les Alpes du Nord, où sont créés le Norique et la Rhétie.

Cette politique ne prend jamais un caractère offensif et agressif ; grâce à elle, Auguste peut donner à l’Empire des frontières solides. Cependant, le cas de la Germanie est plus complexe. À cause du danger présenté par des populations belliqueuses, à cause du désir de succès militaires éclatants de Drusus et de Tibère, parce qu’on croit la Germanie riche pays agricole et qu’Auguste voit dans l’Albis (l’Elbe) une meilleure frontière que le Rhin, une expédition offensive est préparée. Après des campagnes menées par Drusus (15 av. J.-C.), Tibère parvient à l’Elbe en 5 apr. J.-C., malgré les Sicambres et les Chattes. Mais l’administration maladroite et présomptueuse de P. Quintilius Varus exaspère les Germains, qui trouvent un chef dans un officier de l’armée romaine, le Chérusque Arminius. En septembre 9 apr. J.-C., trois légions sont anéanties dans la forêt de Teutoburg ; Varus y périt. Auguste décide d’abandonner la Germanie ; la frontière est de nouveau fixée au Rhin, bien fortifié. C’est le seul véritable insuccès de l’empereur, mais il est stratégiquement grave.