Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Succession d’Autriche (guerre de la) (suite)

En 1745, une animation intense règne sur tous les fronts. Battue au Canada à Louisbourg (juin), la France, par sa victoire de Fontenoy (11 mai), force les portes des Pays-Bas autrichiens, et les jacobites menacent Londres (déc.). À trois reprises, de juin à décembre, Frédéric II bouscule les Austro-Saxons du beau-frère de Marie-Thérèse, Charles de Lorraine (1712-1780), aux confins bohêmo-silésiens (Hohenfriedeberg [auj. Dąbromierz], Soor, Kesselsdorf). Cependant, la mort imprévue de Charles VII Albert (20 janv. 1745) ranime la querelle impériale. Malgré les pressions françaises, François de Lorraine est élu empereur le 13 septembre ; la Bavière, en reconnaissant enfin la pragmatique sanction par le traité de Füssen (22 avr.), et la Saxe ont rallié sa cause et neutralisé Frédéric II. Isolé, ce dernier négocie avec George II (convention de Hanovre, juill.) et met fin à la deuxième guerre de Silésie. Le traité de Dresde (25 déc.) confirme celui de Berlin et restitue la Bohême à Marie-Thérèse.

Achevée à l’est, la guerre s’intensifie ailleurs par la volonté du marquis d’Argenson (1694-1757), du duc de Newcastle (1693-1768) ensuite. Si la défaite de Culloden anéantit les espoirs et la diversion jacobites (16 avr. 1746), les Français, malgré l’invasion de la Provence par les Austro-Sardes (été), accumulent les succès aux Indes (prise de Madras, sept.) et aux Pays-Bas, méthodiquement conquis par le maréchal de Saxe après sa victoire de Rocourt (oct.), prélude à une action générale, au printemps de 1747, contre les Provinces-Unies, alliées à l’Angleterre, et inaugurée par la prise de Bergen op Zoom (16 sept.).

Cette menace sur les bouches de l’Escaut inquiète l’Angleterre après l’échec de sa tentative de dissocier l’alliance franco-espagnole lors des conversations de Breda, avec la France, et de Lisbonne, avec le nouveau roi d’Espagne Ferdinand VI. L’Angleterre consent alors à rejoindre à Aix-la-Chapelle les plénipotentiaires des sept puissances encore belligérantes (janv. 1748). Pressé d’en finir et soucieux de ne pas indisposer la Prusse ni d’alarmer l’Angleterre, Louis XV* rejette les propositions, faites par H. von Brühl (1700-1763) et W. A. von Kaunitz (1711-1794), d’un rapprochement franco-autrichien en échange d’avantages territoriaux aux Pays-Bas. Aussi traite-t-il d’abord avec Londres et la Hollande sur la base d’une restitution réciproque des conquêtes coloniales et l’évacuation sans compensation des Pays-Bas (30 avr.). Le traité final du 18 octobre est à la charge exclusive des Habsbourg. Leurs possessions italiennes sont entamées : la Sardaigne-Savoie conserve le Milanais occidental entre la Sesia et le Tessin ; les duchés de Parme et de Plaisance passent à une branche cadette des Bourbons d’Espagne, déçus de ne pas recouvrer Gibraltar et Minorque. Enfin, la reconnaissance de la pragmatique sanction et de l’élection de 1745 compense mal la garantie, accordée à la Prusse par les signataires, des cessions consenties à Dresde, à l’exception des duchés de Teschen, de Troppau (auj. Opava), de Jägerndorf, fragments résiduels d’une Silésie que Marie-Thérèse ne désespère pas de récupérer en totalité, à l’occasion d’une nouvelle agression prussienne, grâce à l’alliance d’Élisabeth de Russie conclue en 1746.

Au total, déceptions et rancœurs mal dissimulées l’emportent. L’ampleur des concessions françaises déconcerte le royaume, qui y voit précipitation et imprévoyance, dues à une surestimation de la puissance anglaise, encore contestée pourtant par la résistance de l’Empire hispano-américain et le dynamisme colonial français. Pour les Habsbourg, le prix de la paix est excessif. Par rapport à 1740, le rétablissement est spectaculaire et le démantèlement territorial limité au maximum, mais au prix d’un surcroît d’autonomie à la Hongrie et d’une alliance trop humiliante avec l’Angleterre. Rien d’essentiel n’est réglé : la rivalité franco-anglaise demeure, et le dualisme austro-prussien mine l’Empire germanique au milieu d’une incertitude diplomatique profonde.

F. Y. L. M.

➙ Autriche / Frédéric II le Grand / Marie-Thérèse.

Succession d’Espagne (guerre de la)

Conflit européen qui dura de 1701 à 1714.



La difficile succession de Charles II*

Le roi d’Espagne Charles II, dernier des Habsbourg espagnols, prince maladif et qui ne pouvait avoir d’héritiers, avait désigné pour lui succéder un fils de l’Électeur de Bavière, Joseph Ferdinand.

Depuis la paix de Ryswick en 1697, la diplomatie européenne s’employait à régler les problèmes de cette succession. Il y avait de nombreux compétiteurs, les deux principaux étant Louis XIV et l’empereur Léopold Ier, tous deux petits-fils de Philippe III d’Espagne, tous deux époux de sœurs de Charles II. Louis XIV et la reine Marie-Thérèse avaient bien jadis renoncé à leurs droits, mais cette renonciation, subordonnée à des clauses qui n’avaient pas été respectées, était considérée comme nulle.

L’Angleterre et les Provinces-Unies surveillaient attentivement les projets de règlement, car, si un Habsbourg de Vienne était désigné, c’était l’empire de Charles Quint reconstitué, situation menaçante pour l’équilibre européen, si cher à l’Angleterre, dangereuse pour les Provinces-Unies et aussi pour le pape, qui voyait déjà les forces impériales installées en Italie, aux portes de Rome. Si, par contre, un Bourbon régnait en Espagne, c’était le commerce anglais et hollandais menacé en Méditerranée et en Amérique espagnole.

Louis XIV, pour apaiser les craintes des Anglais et les Hollandais, signa un accord provisoire à La Haye (oct. 1698), qui démantelait l’Empire espagnol en attribuant diverses possessions aux Bourbons, aux Habsbourg d’Allemagne et au prince électoral de Bavière. À Madrid, cette solution se heurta au patriotisme des Espagnols et provoqua indignation et fureur. Aussi Charles II, désireux de préserver l’unité territoriale de sa monarchie, désigna-t-il pour unique héritier le prince bavarois, seul susceptible de recueillir la totalité de l’héritage espagnol sans alarmer l’Europe (nov. 1698).