Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Stwosz (Wit)

Ainsi nommé par les Polonais, Veit Stoss pour les Allemands ; sculpteur d’origine et de formation inconnues (? v. 1440 - Nuremberg 1533).


Un texte le désignant comme « Alemanus de Norimberga » a fait supposer que Nuremberg* était sa ville natale. En réalité, le caractère cosmopolite de cette cité, plaque tournante de l’Europe centrale, et le manque de rapports entre l’art de Wit Stwosz et les œuvres nurembergeoises ne permettent pas de conclure. Peut-être Stwosz a-t-il fait son apprentissage en Souabe ou dans les pays danubiens. Il semble qu’il ait connu Nikolaus Gerhaert de Leyde (v. 1430-1473).

On ne sait rien de ses premiers travaux. En 1477, le conseil de fabrique de l’église Notre-Dame de Cracovie*, au pied du château royal du Wawel, le charge de l’exécution d’un grand retable de bois. Ce retable de Cracovie est, avec celui de Sankt Wolfgang (Salzkammergut), dû à Michael Pacher (v. 1435-1498), le type le plus accompli de ces ensembles monumentaux si répandus en terre d’Empire et très différents des retables de style brabançon, peuplés de figurines sculptées. Œuvre sans égale et sans suite dans la production de l’artiste, il se compose d’un corps central de 5,34 m sur 7,25 m, orné de dix figures colossales hautes de 2,80 m, en tilleul, représentant la Dormition de la Vierge (v. Pologne [l’art en Pologne]), dominée par une sorte de frise mutilée au centre de laquelle subsiste le Couronnement de la Vierge accueillie au ciel. Fermés, les volets illustrent six scènes des Joies de la Vierge ; ouverts, douze scènes de ses Douleurs. L’ensemble repose sur une prédelle représentant l’arbre de Jessé. C’est là une somme iconographique sans doute imposée par le contrat, mais, cependant, d’une grande importance, car exécutée en liaison avec le mouvement dominicain au moment où s’affirment les dévotions du Rosaire, que Wit Stwosz représentera plusieurs fois. À la veille de la Réforme, on peut considérer l’ensemble comme la dernière grande somme mariale, témoin du Moyen Âge finissant.

Dans cette œuvre, Wit Stwosz ne cherche pas à s’évader des formes et des techniques traditionnelles. Il combine avec virtuosité sculpture et peinture, cette dernière étant utilisée aussi bien pour le décor des fonds que pour la polychromie des figures. Il ne se préoccupe pas tant de l’ampleur des volumes, de la monumentalité, de la liaison de chaque élément à l’ensemble que d’une intensité expressive obtenue par des silhouettes mouvementées, des plis creusés, des profils burinés, d’un graphisme aigu, peut-être reflet d’une activité de graveur.

Le retable achevé en 1496, Wit Stwosz quitte Cracovie, où il avait épousé une Polonaise. Son influence se prolongera en Pologne grâce à l’activité de son fils Stanislaus († v. 1527), qu’il laisse à la tête de son atelier. Quant à lui, il exécute encore quelques travaux dans le pays, comme le tombeau de Casimir IV Jagellon (1492) à la cathédrale du Wawel de Cracovie et les tombeaux de plusieurs archevêques, avant de tout abandonner pour s’établir à Nuremberg jusqu’à la fin de sa vie, marquée par des épisodes sordides et dramatiques : joues marquées au fer rouge pour falsification de créance de dette, accusation de meurtre. Les œuvres de cette période — tels : à Nuremberg, le bas-relief du chœur de l’église Sankt Sebald représentant les premières scènes du cycle de la Passion (1499), le Rosaire de Notre-Dame (aujourd’hui au musée) et le Grand-Rosaire de Sankt Lorenz ; à la cathédrale de Bamberg, le retable de l’Enfance du Christ (ou retable des Carmélites, 1520-1523) — ne sont qu’un reflet à la fois plus doux et plus grêle du grand retable de Cracovie, qu’on ne peut donc relier logiquement à l’ensemble de la production de Stwosz.

Colossal, d’un réalisme purement technique, le retable de Cracovie met en évidence l’influence que la peinture flamande et l’art bourguignon ont exercée en Europe centrale ; mais il exprime aussi, à une époque où les sculpteurs florentins ont déjà renouvelé le vocabulaire des gestes et rejeté la convention des drapés gothiques, la rudesse lyrique de l’Allemagne médiévale.

M. L.

 T. Szydłowski, le Retable de Noire-Dame à Cracovie (Les Belles Lettres, 1935). / E. Lutze, Veit Stoss (Berlin, 1938 ; 4e éd., 1968). / T. Dobrowolski et J. E. Dutkiewicz, Wit Stwosz, le retable de Cracovie (Varsovie, 1964).

stylistique

Partie de la linguistique qui étudie les procédés de style.



Introduction

Si le terme de style, étymologiquement relié à la pratique matérielle de l’écriture (du lat. stylus, poinçon), s’applique aujourd’hui à de nombreux domaines (on peut tout autant parler du style d’un fauteuil, d’un comportement, d’une vie que du style d’une œuvre littéraire), le terme de stylistique désigne essentiellement la discipline s’intéressant au style des objets linguistiques. Sans dire avec Pierre Guiraud que « la vocation de la linguistique est l’interprétation et l’appréciation des œuvres littéraires », on ne saurait oublier que ce n’est pas l’attention portée au langage qui a donné naissance dans l’Antiquité à la linguistique, mais que celle-ci s’est constituée pour répondre aux questions qu’on se posait sur des textes anciens, religieux ou artistiques. C’est dire que, dès ses débuts, la linguistique s’est occupée d’œuvres écrites valorisées.

Si l’histoire a pu, par la suite, séparer les préoccupations linguistiques et stylistiques, celles-ci restent aujourd’hui conjointes pour un grand nombre de linguistes. Ainsi, pour R. Jakobson* : « S’il est encore des critiques pour douter de la compétence de la linguistique en matière de poésie, je pense à part moi qu’ils ont dû prendre l’incompétence de quelques linguistes bornés pour une incapacité fondamentale de la science linguistique elle-même. [...] Un linguiste sourd à la fonction poétique comme un spécialiste de la littérature indifférent aux problèmes et ignorant des méthodes de la linguistique sont d’ores et déjà, l’un et l’autre, de flagrants anachronismes. » Les progrès dans ces deux disciplines vont donc de pair, le rapport de détermination n’allant pas toujours, pour ce qui est de notre époque, de la linguistique vers la stylistique.