Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Stuarts (les) (suite)

Ayant assuré sa mainmise sur l’Écosse, Jacques IV adopta une attitude plus offensive à l’égard de l’Angleterre, à laquelle il voulait reprendre Berwick, en protégeant l’imposteur Perkin Warbeck (v. 1474-1490), qui se faisait passer pour le défunt duc d’York Richard, prétendant yorkiste à la couronne d’Angleterre. Lui ayant fait épouser sa cousine Catherine Gordon, fille du comte de Huntly, il le traita en souverain et, à deux reprises (1496 et 1497), l’aida à mener des expéditions en Angleterre : mais celles-ci furent infructueuses, et Warbeck, fait prisonnier par les Anglais, fut exécuté en 1499. Aussi une nouvelle trêve avec l’Angleterre fut-elle conclue. Peu après, Jacques IV accepta de rejoindre l’Angleterre et l’Espagne dans la Sainte Ligue, et il épousa en 1503 Marguerite Tudor*, fille d’Henri VII : c’est de là que vinrent les droits des Stuarts à la couronne d’Angleterre.

Les dispositions pacifiques de Jacques IV furent, cependant, mises à rude épreuve par l’attitude arrogante d’Henri VIII*, qui, après avoir favorisé divers incidents de frontière, alla jusqu’à faire attaquer la flottille du plus célèbre marin écossais, sir Andrew Barton, qui fut tué dans l’affaire. Dès lors, Jacques IV se rapprocha de la France et commença d’intenses préparatifs militaires : une flotte neuve fut construite, qui comprenait l’un des plus grands vaisseaux de l’époque, le Great Michael, et un parc d’artillerie exceptionnel fut constitué. Sitôt la guerre déclarée en juillet 1513, l’armée écossaise, forte de 80 000 hommes, prit facilement, grâce à son artillerie, les places fortes de la frontière, et en particulier Norham (août). Les perspectives de la campagne étaient donc brillantes : mais l’armée anglaise, mal nourrie, mal équipée et moins nombreuse, était à la fois mieux commandée (par Thomas Howard, 3e duc de Norfolk) et plus homogène. La bataille décisive eut lieu à Flodden le 9 septembre 1513 : les frontaliers de lord Home, qui tenaient l’aile gauche, bousculèrent leurs adversaires directs, mais se dispersèrent aussitôt pour piller, tandis que les Highlanders, qui tenaient la droite, n’offraient pas la résistance attendue. Au lieu de diriger la bataille, Jacques IV se jeta dans la mêlée, où, avec de très nombreux grands seigneurs écossais, il trouva la mort (on ne retrouva pas même son corps). La « saignée » de Flodden tient dans l’histoire de l’Écosse la même place que celle d’Azincourt dans l’histoire de France.


Jacques V (1512-1542), roi de 1513 à 1542

Une nouvelle minorité commençait, celle de Jacques V, âgé seulement de dix-huit mois. Sa mère fut assistée d’un conseil de régence composé d’Archibald Douglas, 6e comte d’Angus (v. 1489-1557), de James Hamilton, 1er comte d’Arran (1475?-1529), d’Alexandre, 3e comte de Huntly († 1524), et de l’archevêque de Saint Andrews, James Beaton († 1539), auxquels s’adjoignit bientôt Jean Stuart, duc d’Albany (v. 1481-1536), qui avait, jusque-là, vécu en France et vint représenter les intérêts français en Écosse. En fait, la politique européenne d’Henri VIII interdisait à celui-ci une intervention directe en Écosse : aussi spécula-t-il sur le jeu des partis et l’action de sa sœur Marguerite, la reine mère. Cette dernière eut d’ailleurs une vie amoureuse et matrimoniale à peu près aussi compliquée que celle de son frère ; si l’on ajoute à cela le pourrissement progressif de l’Église d’Écosse, uniquement préoccupée de ses intérêts temporels, on comprend que la minorité de Jacques V ait été la plus tragique que l’Écosse ait connue.

Marguerite ayant épousé en 1514 le comte d’Angus, une violente rivalité mit bientôt ce dernier aux prises avec Albany : jusqu’en 1524, celui-ci semble, cependant, avoir à peu près dominé la situation. Mais la victoire du parti pro-anglais d’Angus le contraignit à regagner la France. Le succès d’Angus fut cependant de peu de durée, car Marguerite, tombée amoureuse d’Henry Stewart, demanda le divorce (1527) et prit le parti d’Arran. Angus dut s’exiler en Angleterre. L’imbroglio politique était à peu près démêlé, et Jacques V commença à régner effectivement à partir de 1529 : mais, pendant une quinzaine d’années, le pays avait été mis à feu et à sang...

Cavalier infatigable, bon soldat, Jacques V n’avait pourtant aucune des qualités de son père sur le plan intellectuel. Il ne fit preuve ni de volonté ni de clairvoyance. Ses réactions, face aux atteintes aux prérogatives royales, étaient violentes, parfois d’une cruauté criminelle ; mais elles étaient sporadiques et venaient le plus souvent mal à propos. Voulant ramener l’ordre sur la frontière anglaise, Jacques V ne réussit qu’à transformer en héros du patriotisme écossais les quelques seigneurs pillards qu’il fit traîner au supplice. La noblesse fut tout entière indignée par la mort cruelle qu’il réserva à la sœur du comte d’Angus, lady Janet Glamis, et à son fils, qui n’avait pas seize ans, ou encore au populaire sir James Hamilton. Ces exécutions furent ressenties non pas comme des mesures de justice, mais comme des vengeances personnelles assouvies à l’ombre de la Couronne.

La crise de confiance qui atteignait la monarchie était d’autant plus grave que le principal appui du souverain, l’Église, était tout aussi critiqué. N’entendant rien aux subtilités politiques ou administratives, Jacques V abandonna au clergé, dirigé par le cardinal David Beaton (v. 1494-1546) une part de plus en plus exorbitante dans le gouvernement du pays. Or, l’Église d’Écosse n’était plus qu’un édifice vermoulu : l’urgence d’une réforme radicale ne pouvait échapper à personne, et la politique religieuse d’Henri VIII ou des princes d’Allemagne du Nord était considérée avec sympathie par une large fraction de l’opinion écossaise. Jacques V, en fait, ruina rapidement le capital de prestige que ses ancêtres avaient accumulé. Son seul mérite fut peut-être la création en 1532 du collège de justice, cour suprême du royaume.