Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Strasbourg (suite)

Les églises sont nombreuses dans la ville : Saint-Étienne remonte au xiie s. ; Saint-Thomas a été construite aux xiiie et xive s., et abrite le tombeau du maréchal Maurice de Saxe sculpté par Pigalle* ; Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Pierre-le-Jeune ont gardé leurs jubés de la fin du Moyen Âge ; Saint-Guillaume, fondée en 1300, possède une série de vitraux flamboyants.

L’architecture civile n’est pas moins bien représentée. Le musée de l’Œuvre remonte en partie au xive s. Les maisons à pans de bois, aux grands toits pentus, aux pignons à rampants décorés, aux façades ornées de loggias et de balcons sculptés de motifs flamboyants ou renaissants, abondent dans le quartier de la Petite France, rue du Bain-aux-Plantes, dans la Grand’Rue, dans les quartiers Saint-Thomas et Saint-Nicolas, quai des Bateliers, où l’hôtellerie du Corbeau accueillit Turenne, Jean Casimir de Pologne, Frédéric II et l’empereur Joseph II, dans le quartier de la cathédrale, où se dresse la maison Kammerzell, dans le quartier Saint-Étienne, où s’élève la maison Zum Ritter. La plupart de ces maisons datent des xvie et xviie s. Cent cinquante et une d’entre elles sont datées. Tous ces vieux quartiers, avec leurs canaux et la rivière de l’Ill, concentrés autour de l’altière silhouette de la cathédrale, confèrent au paysage urbain de Strasbourg un caractère exceptionnel. Mais Strasbourg est encore une ville du xviiie s. Au sud de la cathédrale s’élève le château des Rohan, bâti de 1730 à 1742 par Joseph Massol sur les plans de Robert de Cotte*. Les statues de la Foi et de la Charité par Robert Le Lorrain ornent la façade. La salle du Synode, la salle des Évêques, la chambre du Dais, les appartements de l’évêque ont gardé leurs boiseries de style Louis XV. Le château conserve les collections du musée des Beaux-Arts, d’une grande valeur. Joseph Massol a été aussi l’architecte du collège des Jésuites, qui est devenu lycée ; Armand La Gardelle construisit l’évêché en 1727 et Jean-François Blondel fit les dessins de la place de l’Aubette, rebaptisée place Kléber. La rue Brûlée est bordée d’hôtels du xviiie s. : l’hôtel de ville (ancien hôtel de Hesse-Darmstadt), l’hôtel des princes des Deux-Ponts, l’hôtel Marmoutier, l’hôtel de la Préfecture (ancien hôtel de Klinglin). D’autres demeures moins nobles dressent leurs sobres façades du xviiie s. dans différents quartiers et s’associent aux maisons à pans de bois pour le plaisir des yeux. Si l’on ajoute à cette architecture les richesses des musées déjà cités et celles du musée des Arts décoratifs, du Musée historique et du Musée alsacien, on constatera que Strasbourg est une des villes d’art les plus exceptionnelles de France.

A. P.

➙ Alsace / Rhin / Rhin (Bas-).

 M. Rochefort, l’Organisation urbaine de l’Alsace (Les Belles Lettres, 1960). / P. Dollinger, Strasbourg. Du passé au présent (Éd. des « Dernières Nouvelles », Strasbourg, 1962). / H. Haug, l’Art en Alsace (Arthaud, 1962). / P. Martin, les Corporations de Strasbourg, du viiie siècle à la Révolution (Istra, 1964). / H. Nonn, Strasbourg, des densités aux structures urbaines (Les Belles Lettres, 1966). / A. Traband, Villes du Rhin. Strasbourg et Mannheim-Ludwigshafen. Étude de géographie comparée (Les Belles Lettres, 1967). / M. Reinhardt, la Cathédrale de Strasbourg (Arthaud, 1972). / R. Aron, Penser la guerre, Clausewitz (2 vol., Gallimard, 1976).

stratégie

Art de coordonner l’action des forces militaires, politiques, économiques et morales impliquées dans la conduite d’un conflit ou dans la préparation de la défense d’une nation ou d’une communauté de nations.



De l’art militaire à la stratégie

« Pour protéger les Sociétés et pour les défendre contre les invasions, hostilités, etc., la politique ouvre la porte de l’Arsenal d’où l’on verra sortir l’Art Militaire, ultimam rationem regum. La Science Militaire, la Science de la Guerre, ou celle qui convient à tous les officiers pour agir par règles et principes [...] appartiennent à la mécanique de l’Art Militaire. » Ainsi se trouve défini, par l’Encyclopédie de Diderot (1751-1772), le dérivé de la politique qu’elle nomme Art militaire. Dans cet immense ouvrage, on chercherait en vain le terme de stratégie, qui ne commence à être employé en France qu’à la fin du xviiie s. Mais l’Encyclopédie se fait largement l’écho de l’intense bouillonnement des idées sur la guerre qui caractérise cette époque. Jean-Charles de Folard (1669-1752), l’un des auteurs les plus influents, souligne que, si, dans l’art de la guerre, l’étude ne peut tenir lieu d’expérience, elle est indispensable pour la compléter : « Quelque avantage qu’on ait reçu, écrit-il, si l’on ne cultive pas ses talents par l’étude et la méditation, il ne faut pas espérer que Dieu accorde la science de la guerre par infusion. » Cette étude portera d’abord sur des auteurs anciens comme Xénophon, Polybe et Végèce, mais aussi sur les modernes comme Turenne ou le maréchal de Saxe. Son premier objectif est de définir une volonté : « Avant de commencer la guerre, il faut avoir des vues et des desseins. » En même temps, alors que la guerre tend à se figer en d’interminables opérations de sièges, Folard milite pour rendre leur valeur à l’offensive et au mouvement, dont l’objectif ne se limite pas à la conquête d’une position, mais vise la destruction de l’adversaire.

Préparer et penser la guerre, organiser ses forces pour les rendre capables d’imposer sa volonté à l’adversaire, ainsi se dégagent les deux pôles essentiels de ce qu’on va appeler la stratégie ; cependant, au xviie s., le domaine de celle-ci ne dépasse guère encore la conduite des opérations militaires. Raimondo Montecuccoli (ou Montecucculi, 1609-1680) et Antoine de Pas de Feuquières (1648-1711) la nomment dispositions générales ; l’approche du problème se poursuit beaucoup plus loin avec François de Guibert (1744-1790), qui voit dans la stratégie l’art de former des projets de guerre compatibles avec les moyens de l’État, annonce déjà les guerres nationales et révèle la part que prennent dans un conflit la politique, la démographie et l’économie des nations.