Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Stanislas Ier Leszczyński (suite)

« [...] roi de Pologne toujours élu et toujours détrôné »

Après 1725, le mariage de sa fille Marie avec le jeune Louis XV améliore sa position. Installé à Chambord, doté d’une modeste pension, Leszczyński reçoit l’appui des riches Potocki, qui rallient autour de son nom tous ceux qui rêvent d’un « Piast » par haine du roi saxon. À la mort d’Auguste II (1733), le soutien de la France achève de faire de lui le champion de l’indépendance nationale. Leszczyński traverse l’Allemagne sous un déguisement pour être élu dans l’enthousiasme le 12 septembre 1733. Trois semaines plus tard, une armée russe le chasse au profit d’Auguste III et l’assiège dans Dantzig : une guerre européenne commence. Les 2 000 hommes envoyés enfin par la France ne peuvent débloquer Stanislas : celui-ci s’évade déguisé en paysan, mais il refuse de prendre la tête de la guérilla menée par ses partisans confédérés et, de Königsberg, il revient en France. La diplomatie française l’oblige à abdiquer (26 janv. 1736) et à se contenter du titre de roi et d’une souveraineté nominale sur Bar et la Lorraine* (traité de Vienne, 1738).


Épilogue en légende dorée : la cour de Lorraine

À plus de soixante ans, le roi-duc en retraite commence la carrière qui va assurer sa gloire. Méfiants à son arrivée, ses sujets lorrains ne tardent pas à célébrer les mérites du « duc bienfaisant », qui, malgré des moyens modestes, fonde un grand nombre de collèges, d’hôpitaux, de greniers d’abondance et d’établissement philanthropiques tout en embellissant Lunéville, où il réside, Commercy et surtout Nancy*, qu’il dote d’un des plus beaux ensembles architectoniques du xviiie s. (sur les plans de E. Héré). Stanislas, dont les écrits devaient être réunis en 1763 sous le titre d’Œuvres du philosophe bienfaisant, reçoit à sa cour de Lunéville Montesquieu, et Voltaire y trouve refuge en 1748. Celui-ci encensera longtemps le « meilleur des rois » avant de brocarder le « père Stanislas » par trop soumis au jésuite Joseph de Menoux. L’essentiel des activités littéraires et philosophiques du roi Stanislas gravite autour de l’anarchie de son pays et des moyens d’y remédier. Son œuvre principale, la Voix libre du citoyen (1749), qui aura un grand retentissement en Pologne, propose à ses compatriotes de courageuses réformes (abolition du liberum veto, réorganisation militaire, émancipation des serfs). L’Academia Stanislai, fondée à Nancy, et l’école militaire de Lunéville forment un grand nombre de jeunes patriotes polonais.

Le somptueux mausolée sculpté par L. C. Vassé en l’église Notre-Dame-du-Bon-Secours de Nancy comme la statue colossale par G. Jacquot, érigée en 1831 sur la place Stanislas, célèbrent cette belle « période lorraine » de l’éphémère roi de Pologne, dont l’ambition contribua à ruiner son pays.

C. G.

➙ Lorraine / Nancy / Pologne.

 J. Feldman, Stanislaw Leszczynski (en polonais, Wrocław, 1948 ; nouv. éd., Varsovie, 1959). / M. Garçot, Stanislas Leszczynski (Berger-Levrault, 1953). / M. Langrod, la Philosophe politique du roi Stanislas (P. U. F., 1956). / G. Doscot, Stanislas Leszczynski et la Cour de Lorraine (Rencontre, Lausanne, 1969).

Stanislas II Auguste Poniatowski

Dernier roi de Pologne (Wołczyn 1732 - Saint-Pétersbourg 1798).



Un « nom » récent

La vieille aristocratie polonaise méprisait des « parvenus » en la famille des Poniatowski, restés obscurs jusqu’à la guerre du Nord (1700-1721). Stanislas (1676-1762), père du futur monarque, établit habilement sa fortune en servant le roi de Suède Charles XII* : de modeste client et régisseur du prince Sapieha, il devint castellan de Cracovie (charge la plus élevée du Sénat). Voltaire, à qui il communiqua le manuscrit de ses Mémoires, consacra sa renommée avec l’Histoire de Charles XII. Poniatowski fortifia sa position dans son pays en épousant, avec Constance Czartoryski, le puissant parti de sa « famille » (v. Pologne), laquelle, en relation avec l’Europe éclairée, songeait aux moyens d’enrayer la décadence et l’anarchie du pays.

Fils aîné, doué d’une vive intelligence, le jeune Stanislas reçut de cet entourage une instruction solide, complétée, selon l’usage, par de nombreux voyages à travers l’Europe (1748-1755). La France et l’Angleterre en firent un fervent de la philosophie des lumières, un admirateur de la Constitution anglaise, qu’éblouissait pourtant la puissance du despotisme éclairé, et enfin un amateur d’art raffiné. Au retour, les mœurs sarmates lui furent d’autant plus insupportables que sa carrière l’obligeait à cultiver ses « frères » de la szlachta, dont ses Mémoires brocardent la grossièreté et l’orgueilleuse ignorance. Aussi le grand écuyer de Lituanie préféra-t-il partir pour Saint-Pétersbourg comme secrétaire de l’ambassade anglaise (1755) : il ne tarda pas à devenir l’amant de la grande-duchesse Catherine (future Catherine II*), à qui il confiait ses « idées de gloire et d’utilité pour (sa) patrie ». Auguste III (1733-1763) en fit son ambassadeur auprès de la cour de Russie, où il séjourna trois ans. Les Czartoryski intégraient la liaison de Stanislas aux atouts politiques de la « famille », et la prise du pouvoir par Catherine (1762) les décida à viser le trône.


« Créature » de la Russie ou « roi philosophe » ?

Auguste III mort, Poniatowski fut proclamé roi de Pologne, le 6 septembre 1764, par une diète unanime sous la « protection » des troupes privées de la « famille », forte de la présence d’une armée russe. Le roi changea son second prénom en celui, plus majestueux, d’Auguste, symbole de la haute idée qu’il avait de sa mission. L’Europe éclairée ne doutait pas qu’appuyé par la tsarine ce « philosophe couronné » moderniserait enfin l’anarchique Sarmatie, alors que la faiblesse de sa position était extrême. La vieille oligarchie, irréductible, rêvait de le détrôner ; Catherine ne l’avait imposé que pour s’assujettir le pays ; ses « oncles » Czartoryski entendaient exercer leur tutelle. Poniatowski inaugura pourtant son règne par une activité intense, qui le révéla habile et tenace. Il poursuivait les réformes préparées par la « famille » et, décidé à renforcer l’autorité royale, il entreprit de recruter son propre parti et chercha à s’entendre avec l’Autriche et la France. Il misait sur le rôle à venir de l’élite « éclairée », formée par les Piaristes et l’École des cadets, qu’il avait fondée en 1765. Il créait les moyens d’« éduquer l’opinion » (revues, théâtre) et patronnait une campagne en faveur de la tolérance religieuse, des villes et des paysans-serfs.