Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Stalingrad (bataille de)

Ensemble des combats qui se sont déroulés de l’été 1942 au 2 février 1943 autour de Stalingrad (aujourd’hui Volgograd*) et au cours desquels les forces allemandes qui assaillaient la ville furent encerclées et contraintes à capituler.



L’offensive allemande

L’origine de cette immense bataille, qui, à l’image de celle de Verdun*, vingt-six ans plus tôt, retint durant de longs mois l’attention du monde entier, remonte à la décision prise le 5 avril 1942 par Hitler de porter sur le front sud l’effort de la campagne d’été. L’objectif stratégique, déjà poursuivi par l’Allemagne en 1918 (v. Guerre mondiale [Première]) et confirmé par le Führer le 23 juillet 1942, est d’ordre économique : c’est le pétrole soviétique du Caucase avec ses centres de Bakou, de Maïkop et de Batoumi, sa grande voie de transit sud-nord de la Volga et la ville de Stalingrad (600 000 habitants), étirée sur 80 km le long du fleuve et dont le nom seul fascine Hitler, mais dont un rapport de l’OKW (Oberkommando der Wehrmacht) du 5 septembre souligne l’importance industrielle.

L’offensive allemande conduite par le groupe d’armée B (Fedor von Bock [1880-1945] jusqu’au 13 juillet, puis Maximilian von Weichs [1881-1954]) débute le 28 juin dans la région de Voronej, où les Soviétiques résistent ; mais, au centre, la VIe armée (15 divisions en 4 corps, dont 2 blindés) du général Paulus (1890-1957) s’avance sans trop de difficultés entre le Don et le Donets, et atteint Millerovo le 15 juillet, couvrant l’avance du groupe d’armées A (Wilhelm List, puis Ewald von Kleist [1881-1954]), lancé le 9 juillet en direction de Rostov et du Caucase. Voulant échapper à l’encerclement, les forces soviétiques de Timochenko* se replient pour tenter de conserver le fond de la boucle du Don ; le 12 juillet est créé le front de Stalingrad, confié au général Ieremenko (1892-1970), assisté de Nikita Khrouchtchev comme représentant du parti. Le 26 juillet, Paulus reçoit l’ordre de franchir le Don (ce qu’il fait le 21 août, près de Kalatch) et de conquérir Stalingrad. Le 23 août, la VIe armée atteint la Volga (large de près de 2 km) à Rynok, au nord de la ville, qui est attaquée au sud le 11 septembre par la IVe armée blindée (Hermann Hoth [1885-1971]). Pour l’armée rouge, la situation devient critique : au nord du front de Stalingrad est créé celui du Don, commandé par le général Rokossovski*, tandis que les partisans reçoivent la mission de saborder les routes et les voies ferrées amenant aux Allemands un ravitaillement qui doit parcourir 1 200 km en pays hostile. Au début d’octobre, l’armée Paulus a pénétré dans de nombreux quartiers de Stalingrad, remarquablement défendus par la LXIIe armée soviétique du général Tchouïkov ; elle a enlevé le combinat « Octobre rouge » (qu’elle perdra peu après), mais n’a pas réussi à franchir la Volga en raison de la puissance des concentrations d’artillerie soviétiques dirigées par le général Voronov (1899-1968). Conscient de sa situation aventurée, Paulus propose alors un repli sur le Don, mais Hitler, qui vient, le 24 septembre, de remplacer à la tête de l’état-major de l’armée de terre le général Franz Halder (1884-1972), jugé trop timoré, par le général Kurt Zeitzler (1895-1963), s’obstine à vouloir prendre Stalingrad, dont il annonce imprudemment la chute !


La riposte soviétique

Alors que la Wehrmacht ne dispose que de faibles réserves et croit les Soviétiques dans la même situation, ces derniers préparent leur riposte au cours de conférences qui réunissent autour de Staline les généraux Joukov*, Voronov, Ieremenko et Vassilevski (adjoint de Chapochnikov*). En secret, une masse de trois armées est réunie sur le Don moyen, face à la IIIe armée roumaine. Le 19 novembre, deux d’entre elles débouchent brutalement des têtes de pont de Serafimovitch (front du Sud-Ouest, sous le commandement de N. F. Vatoutine [1901-1944]) et de Kletskaia (front du Don), franchissent le Don le 22 à Kalatch et, le 23, opèrent à Sovetski leur jonction avec la LIe armée du front de Stalingrad, qui a rompu le 20 novembre les défenses de la IVe armée roumaine au sud de la ville et a percé vers l’ouest en direction de Abganerovo. Les 250 000 combattants de l’armée Paulus sont coupés de leurs arrières et des autres armées allemandes.

C’est alors que commence la dernière phase de la bataille, qui prend la forme d’un véritable siège. Hitler ayant ordonné de résister à tout prix grâce à un ravitaillement par air que Göring s’était fait fort d’exécuter avec la Luftwaffe, Paulus organise au mieux la défense dans l’espoir d’être dégagé par une contre-attaque.

Celle-ci est confiée à Erich von Manstein (1887-1973), promu le 21 novembre commandant du nouveau groupe d’armées allemand du Don, auquel Paulus est rattaché désormais. Avec la IVe armée blindée du général Hoth et deux armées roumaines, Manstein attaque le 12 décembre au nord de Kotelnikovo et progresse jusqu’au 19, date à laquelle le 57e corps blindé atteint la Mychkova, affluent du Don, à 48 km des forces de Paulus. Mais, dès le 16 décembre, le commandement soviétique a lancé sur le Don moyen une nouvelle offensive, élargissant celle du 19 novembre et menée du nord au sud (sur la VIIIe armée italienne) par Vatoutine, commandant du front du Sud-Ouest, et Filipp Ivanovitch Golikov, commandant celui de Voronej, en direction générale de Millerovo et de Rostov. Cette action soviétique fait peser une menace si grave sur les arrières allemands que la contre-attaque de Manstein est définitivement stoppée et que les troupes allemandes du Caucase se replient en hâte sur Rostov.


La fin de Stalingrad

Le sort de l’armée Paulus est devenu sans issue. Pour la ravitailler, il faudrait de 400 à 500 t par jour, alors que la Luftwaffe ne peut dépasser la moyenne de 94 t par jour. Au début de janvier 1943, on doit rationner les vivres à 150 g de pain et à 30 g de graisse quotidiens, et les munitions à quatre ou cinq obus par pièce et par jour. Les hôpitaux regorgent de blessés, et les médicaments se font rares. Le 8 janvier, Voronov adresse un ultimatum à Paulus, que celui-ci repousse sur ordre de Hitler, et, à partir du 22, la bataille prend la forme de combats confus menés par des unités de soldats affamés et mal armés, qui, finalement, doivent se rendre isolément ou par groupes. Le 24, jour où les deux derniers terrains d’aviation de la VIe armée tombent entre les mains des Soviétiques, Hitler, inconscient du caractère dramatique de la situation, cherche à stimuler la résistance en nommant Paulus maréchal..., au moment où ce dernier demande à Manstein l’autorisation de capituler vu « le caractère inévitable de la catastrophe », mais cette autorisation lui est encore refusée. La position de résistance allemande, écrasée par 7 000 pièces d’artillerie soviétiques, est fractionnée en plusieurs tronçons, qui se rendent du 31 janvier au 2 février. Ce jour-là, Paulus doit lui-même capituler avec le dernier d’entre eux, entraînant dans la captivité 91 000 hommes, dont 24 généraux et 2 500 officiers. Douze jours plus tard, les troupes de Rokossovski, après avoir avancé de 200 km, libèrent Rostov...