Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Staline (Joseph [Iossif] Vissarionovitch Djougatchvili, dit) (suite)

Dès lors commence pour lui la vie difficile du militant révolutionnaire. Il vit en donnant des leçons, puis travaille à l’observatoire de Tiflis tout en militant activement et en lisant avec passion les ouvrages socialistes, ceux de Marx en premier lieu. En 1901, il entre dans la clandestinité : il y vivra, à quelques exceptions près, jusqu’à la révolution de février-mars 1917, qui marquera la chute du tsarisme.

Il participe, en septembre 1901, à la création d’un journal clandestin rédigé en géorgien, Brdzola (la Lutte). Il se sépare alors du groupe nationaliste Messame-Dassi et défend, après 1903, les thèses des bolcheviks dans le parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR). À la fin de l’année, il part pour Batoumi (Batoum), important port industriel à la frontière turque. C’est là qu’il prend son premier surnom, Koba (l’Indomptable, nom turc d’un héros populaire géorgien).

En avril 1902, Koba est arrêté à Batoumi : c’est sa première arrestation, mais non sa dernière. Il restera en prison un an, sera condamné ensuite à trois ans de déportation en Sibérie orientale, mais s’évadera en janvier 1904.

À la suite de la guerre russo-japonaise* et des défaites russes de l’année 1904, la révolution gronde en Russie. Grèves et manifestations ont lieu dans tout l’Empire russe et sont particulièrement importantes dans les régions caucasiennes, où milite Koba-Djougatchvili. Celui-ci participe même à la création d’une organisation militaire destinée à préparer l’insurrection : la révolution* de 1905 n’aboutira cependant pas à la chute du tsarisme en raison de la faiblesse du mouvement ouvrier et des incertitudes de la bourgeoisie ; elle ne sera que le prélude de la révolution de 1917.

Koba, toujours clandestin, prend une part active à la révolution de 1905. Il est élu délégué à la conférence nationale du parti bolchevik qui se tient à Tampere (Tammerfors), en Finlande (alors occupée par les Russes). C’était sa première sortie hors du Caucase et sa première rencontre avec Lénine. En avril 1906, Koba se rend à Stockholm au IVe Congrès du POSDR ; son rôle politique est déjà important. En même temps, il participe à la direction de brigades chargées d’organiser des attentats et des rapts contre les banques et les transports d’argent. Les « expropriations » seront nombreuses dans le Caucase ; la plus importante aura lieu à Tiflis et servira, pour une large part, à alimenter les caisses du parti bolchevik.

En 1907, Koba se rend à Londres pour participer au Ve Congrès du parti, où sont condamnées les expropriations, puis gagne Bakou. Dans ce grand centre pétrolier, son activité est considérable chez les ouvriers du pétrole, où se côtoient plusieurs nationalités : Azerbaïdjanais, Géorgiens, Arméniens et Russes. En mars 1908, Djougatchvili est emprisonné et déporté ; il s’évade en juin 1909 et reprend sa place à la direction clandestine du comité de Bakou. Arrêté de nouveau en mars 1910, il s’évade en février 1912. Il n’a pas pu participer à la conférence de Prague (janv. 1912), au cours de laquelle il est coopté au Comité central du parti bolchevik et devient un de ses principaux dirigeants de l’intérieur. En avril 1912, il est à Saint-Pétersbourg, où il participe à la création du journal la Pravda (la Vérité). C’est en effet lui qui signe le premier éditorial du nouveau journal. Il est arrêté une fois encore et déporté en Sibérie occidentale, d’où il s’évade une nouvelle fois...

En novembre 1912, il est appelé par Lénine à venir travailler auprès de lui à Cracovie (alors en territoire autrichien). À la demande de ce dernier, il rédige plusieurs articles sur les problèmes nationaux. C’est au bas d’un article sur « le Marxisme et le problème national » qu’apparaît pour la première fois la signature Staline (l’Homme d’acier).

Les surnoms choisis par Djougatchvili sont révélateurs de ses tendances profondes : l’indomptable, l’homme d’acier. Ils indiquent une volonté peu commune en même temps qu’une prétention indiscutable derrière une modestie apparente.

Après avoir été à Vienne, Staline rentre à Saint-Pétersbourg, mais est arrêté huit jours après son retour (févr. 1913). Déporté dans le nord de la Sibérie, étroitement surveillé, il reste quatre ans dans une région au climat pénible et éloignée de toute civilisation. C’est la révolution* de février-mars 1917 qui va le libérer.


La montée vers le pouvoir

Dès lors, l’histoire de Staline se confond avec celles de la révolution et de l’Union soviétique.

Le tsar Nicolas II a abdiqué le 15 (2) mars 1917 devant le succès du mouvement révolutionnaire à Petrograd et son extension en province. Un gouvernement provisoire s’est formé, dirigé par le prince Lvov. La bourgeoisie gouverne, tandis que le soviet de Petrograd est dirigé par les mencheviks.

C’est le 25 (12) mars 1917 que Staline revient à Petrograd, de retour de déportation. En l’absence de Lénine — encore en Suisse —, il joue un rôle important dans la direction du parti bolchevik, en particulier à la Pravda. Tout en combattant les thèses de la droite du parti bolchevik — représentée par Kamenev, favorable au « soutien critique » du gouvernement provisoire et proche des mencheviks —, il critique la gauche du parti, qui, avec Viatcheslav Mikhaïlovitch Molotov (né en 1890), exige la rupture complète avec le gouvernement provisoire, le soviet de Petrograd et les mencheviks.

Cette attitude centriste de Staline est vivement critiquée par Lénine dès son retour de Suisse le 16 (3) avril. Lénine considère qu’il faut combattre vigoureusement la politique du gouvernement provisoire, dirigée par la bourgeoisie et soutenue par le soviet de Petrograd et les mencheviks. La guerre continue, et le gouvernement provisoire se refuse à toute réforme importante. Après quelque hésitation, Staline se rallie aux thèses de Lénine et, au printemps 1917, il est élu au Comité central du parti lors de la septième conférence panrusse, où il défend la résolution proposée par Lénine.

De mai à novembre 1917, il soutient sans défaillance Lénine et joue un rôle essentiel dans l’organisation du parti bolchevik, en même temps qu’il s’affirme comme un spécialiste du problème des nationalités.