Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

spéciation (suite)

Les modalités biologiques des spéciations sont très complexes ; pour aborder cet aspect de la genèse des unités vivantes, on doit faire référence plus à la notion d’éco-espèce qu’à celle d’espèce typologique. Néanmoins, on ne peut exclure l’existence de variations, et sans doute de spéciation, dans des groupes chez lesquels la multiplication sexuée est déficiente (exemple des végétaux apomictiques). On admet que, selon la rapidité des phénomènes génétiques impliqués, la spéciation apparaît subitement (par exemple d’une génération à l’autre : spéciation dite brusque ou abrupte, ayant pour origine soit une mutation, soit une nouvelle combinaison génique de type auto- ou allopolyploïde) ou bien ne se manifeste que graduellement (spéciation dite progressive, née de l’existence de « barrières » au sens biologique) ; les barrières, parfois issues d’actions humaines, conduisent à un isolement des éléments de populations d’une même espèce, puis à l’évolution « en vase clos » de chaque population ; cet isolement peut être géographique, écologique, phénologique, sexuel (cas des hybrides).

D’autre part, l’exemple des Lémuriens de Madagascar a permis de suggérer qu’une spéciation accentuée apparaissait dans des ensembles homozygotes, mais dans des situations éco-éthologiques (niches écologiques) précises.

Les aspects théoriques généraux découlant de l’étude des spéciations en zoologie ou en botanique relèvent souvent de la phylogénie, car ils dépassent le cadre des unités de rang spécifique et tendent donc à une plus grande généralité. C’est le cas des hypothèses sur la dérive génétique, la diversification trans-spécifique, le « quantum évolution » ou la succession des zones adaptatives.

G. G. A.

➙ Adaptation / Espèce / Taxinomie / Variation.

 Unités biologiques douées de continuité génétique (C. N. R. S., 1949). / D. Briggs et S. M. Walters, Plant Variation and Evolution (Londres, 1969). / R. H. Lowe-McConnell (sous la dir. de), Speciation in Tropical Environments (Londres, 1969). / V. W. Grant, Plant Speciation (New York, 1971). / J. Carles et P. Cassagnes, l’Origine des espèces (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1972). / R. F. Laurent, La Especiación (Tucumán, 1972).

spécificité

Ensemble de caractères n’appartenant qu’à une seule catégorie d’objets et pouvant ainsi être utilisés pour définir ces mêmes objets les uns par rapport aux autres. On parle, par exemple, de densité spécifique d’une matière (roche, métal, etc.), de réaction spécifique de composés chimiques entre eux, etc.


En biologie, la notion de spécificité peut s’appliquer également à des caractères ou, le plus souvent, à des ensembles de caractères ; elle est plus difficile à cerner, car il existe une appréciation hiérarchisée de la valeur et de la signification des caractères distinctifs dans les systèmes classificatoires. Ainsi, on reconnaît des caractères « spécifiques » (liés aux unités de niveau espèce), des caractères « génériques » (liés aux unités de niveau genre), des caractères se rapportant aux familles, aux ordres, aux classes, caractères qui, dans chaque lignée ou phylum, peuvent être admis comme « spécifiques » à chaque niveau.

Cependant, la spécificité de certains caractères n’apparaît habituellement valable que vis-à-vis d’un groupe bien déterminé : par exemple, la nature, la répartition ou la densité de la pubescence sur un organe pourra être un excellent critère spécifique pour distinguer des taxons de rang « espèce » dans le genre Androsace (Phanérogames, Primulacées) en Europe, mais il est bien évident que des poils étoiles ou laineux, etc., existent dans beaucoup d’autres groupes de plantes. À l’inverse, ce même critère de pubescence pourra n’être spécifique à aucun niveau dans tel ou tel autre ensemble taxinomique. Dans le genre Equisetum (Ptéridophytes), les structures anatomiques des tiges et des ramifications ont une spécificité admise depuis longtemps. Une série de nombres chromosomiques pourra être significative et alors admise comme spécifiquement représentative dans un groupe, alors que d’autres groupes, pourtant nettement reconnus comme plurispécifiques, n’offriront aucune diversité quant à la numération chromosomique. Chez divers groupes d’Arthropodes, on admet comme très caractéristiques les successions morphologiques dans les stades de développement au sein des unités taxinomiques. On pourra également parler de spécificité à propos de cette donnée. Mais on connaît aussi des parallélismes remarquables de caractères spécifiques dans des groupes systématiquement éloignés ; c’est le cas, entre autres, des morphologies foliaires entre les espèces de Gnidia africains et de Pimelea australiens, dans la famille des Thyméléacées (parallélisme allopatrique), ou bien entre les Cliffortia (Rosacées) et les Aspalathus (Fabacées) d’Afrique du Sud (parallélisme sympatrique).

Un cas particulier et important de la spécificité en biologie est celui de la spécificité dite « parasitaire » (v. parasitisme), qui offre d’ailleurs tous les passages, depuis une dépendance absolue de l’espèce parasite vis-à-vis de l’espèce hôte (Ascaris, Nématodes) jusqu’à un éventail assez large d’hôtes (nombreuses espèces d’Orobanchacées, le Gui, etc.). Parfois, même, la spécificité parasitaire, bien que stricte, nécessite, pour les différents stades de développement de la même espèce parasite, le passage sur plusieurs hôtes ; on connaît ce phénomène chez les Vers, chez les Unicellulaires, chez des Champignons (phases Euphorbia/Pisum d’un Uromyces ; phases Berberis/céréales des « rouilles noires », etc.). Des cas extrêmement particuliers de spécificité parasitaire ont été signalés chez divers Invertébrés, où les mâles, de taille très réduite, vivent aux dépens des femelles, dans une même espèce. Quelquefois, la spécificité parasitaire est plus ou moins stricte selon les stades de développement du parasite (espèces de Tænia, Polystomes, etc.).