Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Soufflot (Jacques Germain) (suite)

Dans ses travaux lyonnais, Soufflot traduit déjà la majesté romaine par une ferme simplicité en parfait accord avec la tradition locale. Son austère hôtel-Dieu s’intègre dans un site grandiose par ses horizontales et son dôme carré. Son théâtre offre la disposition neuve d’une salle elliptique aux loges en gradins. Partout, une stéréotomie étudiée témoigne d’un esprit rationnel, attaché aux possibilités techniques sans négliger un décor au tracé très souple.

L’artiste condamne, aux académies de Lyon et de Paris, l’esthétique du gothique tomme celle du baroque ; mais il sait en apprécier les structures et veut, par l’emploi des colonnes, retrouver une légèreté négligée depuis deux siècles. Toute sa carrière sera une réflexion sur la coupole de la basilique vaticane et sur les possibilités d’aller plus loin encore, grâce au chantier de Sainte-Geneviève. Pour conquérir l’espace intérieur, il cherche d’abord à amenuiser ses supports. Ceux de Saint-Pierre de Rome occupaient encore le quart de la surface bâtie ; ceux de Saint-Paul de Londres un peu moins, bien qu’ils aient été conçus en brique par Christopher Wren*. Aux Invalides, J. H.-Mansart* était resté en deçà avec un rapport de deux septièmes. Soufflot, lui, va répartir ses charges pour occuper seulement un septième du plan. Pour ce faire, la forme des voûtes joue un grand rôle ; ainsi, partant de la double coque imaginée par les Mansart, Wren était-il parvenu à soutenir directement la lanterne. Mais son dôme restait charpenté ; celui de Soufflot, au contraire, sera une troisième coque réduisant la poussée des deux autres.

L’audace des solutions envisagées provoqua de vives critiques. Attaqué en 1769 par Pierre Patte (1723-1812), Soufflot eut la caution des ingénieurs Jean Rodolphe Perronet (1708-1794) et Émiliand Gauthey (1732-1806) ; ce dernier ira jusqu’à bâtir l’église de Givry à l’appui de sa thèse. La polémique eut un autre effet, celui de décider Soufflot, secondé par son inspecteur Jean-Baptiste Rondelet (1743-1829), à établir un véritable laboratoire d’essai de matériaux et à faire de Sainte-Geneviève un chantier expérimental au sens moderne, par l’étude d’engins de levage et celle de dispositifs de pierres armées où se distinguent déjà les futures combinaisons d’armatures du béton.

Après la mort de Soufflot, Rondelet achèvera l’édifice (1780-1790, avec reprises en 1806), et ses expériences lui permettront de composer son célèbre Traité théorique et pratique de l’art de bâtir (1re éd., 1802). Cependant, la lumineuse enveloppe destinée à l’ostension de la patronne de Paris devait demeurer vide. Transformée en Panthéon, son décor gratté et ses fenêtres bouchées, elle acquit une glaciale austérité fort étrangère aux conceptions de Soufflot et aggravée encore par la suppression du parvis fermé prévu pour le dégagement de l’édifice (v. construction).

H. P.

 J. Monval, Correspondance de Soufflot avec les directeurs des bâtiments concernant la Manufacture des Gobelins, 1756-1780 (A. Lemerre, 1918) ; Soufflot, sa vie, son œuvre, son esthétique (A. Lemerre, 1918). / M. Petzet, Soufflots Sainte-Geneviève und der französische Kirchenbau des 18. Jahrhunderts (Berlin, 1961).

soufre

Corps simple solide non métallique, d’une couleur jaune citron.



Découverte

Le soufre, qui existe à l’état natif, était un des neuf corps simples connus dans l’Antiquité, les autres étant le carbone et sept métaux. Dans l’Antiquité également, certains composés du soufre ont été distingués : tels furent en particulier le cinabre HgS, l’orpiment As2S3, la stibine Sb2S3, de même que le plâtre CaSO4, 2H2O, le vitriol bleu (sulfate de cuivre), l’alun et quelques autres.

Le soufre joua un rôle important en alchimie. Il fut considéré comme un élément par les alchimistes arabes. Il était le principe de la combustibilité et représentait le groupe « chaud et actif » des éléments ; il était aussi un principe « femelle ».

Les écrits de Geber (Abū Mūsā Djābir al-Sūfi) qui apparurent en Occident v. 1300 indiquèrent une préparation de l’acide sulfurique, jusqu’alors inconnu dans cette partie du monde. Le caractère d’« élément » au sens moderne ne fut reconnu au soufre qu’en 1777 par Lavoisier.


État naturel

Il constitue 0,05 p. 100 de la lithosphère. On le trouve à l’état natif dans certaines régions (Sicile, États-Unis), mais plus souvent combiné dans de nombreux sulfures et sulfates. Il se rencontre en faible teneur dans la plupart des combustibles fossiles (charbons, pétroles). Certains gaz naturels contiennent des proportions importantes d’hydrogène sulfuré. Il est un constituant des matières protéiques et par là des matières vivantes (v. cycles biosphériques).


Atome

Le numéro atomique du soufre est 16. La structure électronique de l’état fondamental de l’atome est 1s2, 2s2, 2p6, 3s2, 3p4. Ses énergies successives d’ionisation sont respectivement en électrons-volts de : 10,4 ; 23,4 ; 35,1 ; 47,4 ; 72,6 ; 87,8. Le rayon atomique est de 1,04 Å, et le rayon de l’anion S2– est de 1,84 Å ; en effet, le fait que la couche externe électronique ne contient que six électrons rend possible la formation d’un anion S2– par fixation de deux électrons, et l’affinité électronique de l’atome de soufre est de – 3,44 eV : c’est-à-dire que la fixation de ces deux électrons requiert la fourniture d’une certaine énergie.


Corps simple

Ce corps simple présente un phénomène d’allotropie cristalline, c’est-à-dire qu’il existe sous plusieurs états solides cristallisés différents. L’un de ces états est orthorhombique : c’est la forme usuelle, dite « soufre α », stable à la température ordinaire. L’autre est monoclinique, prismatique : on l’appelle « soufre β » ; il se forme par solidification à partir du soufre liquide. Il existe un équilibre réversible entre ces deux formes à 95,5 °C sous une atmosphère. On obtient différentes autres formes cristallines, dont certaines ont paru avoir des symétries différentes. On considère que la forme α comme la forme β sont constituées d’arrangements de cycles gauches de huit atomes de soufre. On peut aussi préparer du soufre amorphe et du soufre élastique. On obtient en particulier du soufre élastique en refroidissant rapidement le soufre liquide porté à 160 °C.