Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Soudan (suite)

Un condominium anglo-égyptien (accords du 19 janv. et du 10 juill. 1899) fut établi au Soudan. Celui-ci constitua une union douanière avec l’Égypte et fut administré par un gouverneur britannique résidant à Khartoum. Les opérations de pacification contre les mahdistes durèrent jusqu’en 1900. Le Soudan fut ensuite modernisé sous le gouvernement de sir F. R. Wingate (1899-1916) ; le coton devint la grande richesse du pays. Pendant la Première Guerre mondiale, le développement de la demande de coton contribua à maintenir le loyalisme au Soudan, même lorsque la Turquie fut entrée dans le conflit et que le khédive fut déposé.

Cependant, le nationalisme couvait. Il ne fut pas étranger aux graves événements de 1924, marqués par l’assassinat du gouverneur du Soudan au Caire et une mutinerie à Khartoum. Les Britanniques s’efforcèrent d’abord de s’appuyer sur les mahdistes ralliés et les chefs, dont ils restaurèrent l’autorité (1927). Ils ne purent empêcher le développement de courants d’opposition, l’un en liaison avec les nationalistes égyptiens, l’autre se réclamant d’un nationalisme plus proprement soudanais. Après une période de prospérité (1924-1929), la crise économique vint alimenter le mécontentement. Le Graduates’ General Congress, modéré, créé en 1938 et transformé en parti Umma (« Communauté ») en 1943, fut débordé par le parti des Achiqqa (les « Frères ») ; dès 1944, l’administration britannique dut composer et accepter la création d’un Conseil consultatif du Nord-Soudan.

En fait, les problèmes du futur statut du pays se trouvaient déjà posés : celui du Sud, pénétré par les missions chrétiennes, et celui des liens avec l’Égypte. En 1946, E. Bevin annonça l’accession prochaine au self-government et, en 1948, Londres imposa une constitution en dépit des protestations égyptiennes. La querelle avec les unionistes, partisans de l’union avec l’Égypte, et avec les Égyptiens empira alors ; l’Égypte abolit unilatéralement le condominium, et Farouk fut proclamé roi du Soudan en 1951. Après le coup d’État au Caire en 1952, les partis soudanais fusionnèrent dans le National Unionist Party, dont le chef, Ismā‘īl al-Azharī (1900-1969), finit par imposer l’indépendance aussi bien à la Grande-Bretagne qu’à l’Égypte (1er janv. 1956).

Toutefois, le Soudan était déjà déchiré par les hostilités avec le Sud. Une première insurrection avait été réprimée dès 1953 ; une seconde éclata en juillet 1955 et se transforma en une guerre de quinze ans qui prit fin en février 1972. Elle détermina la fuite de milliers de Sudistes et de cadres et causa peut-être un demi-million de victimes. Elle affaiblit le régime, qui tomba sous la dictature militaire du maréchal Ibrāhīm ‘Abbūd de 1958 à 1964. En même temps grandissait une opposition communiste ; celle-ci réussit à susciter une insurrection générale en 1964, qui rendit le pouvoir à une coalition de militaires et de civils. Mais, écartés dès 1965, les communistes furent mis hors la loi. En 1969, un nouveau coup d’État plaça le colonel Gafaar el-Nemeyri (Dja‘far al-Nimayrī, né en 1930), chef d’un groupe d’officiers nationalistes, à la tête de l’État. Si le nouveau régime régla par accord la question du Sud, il acheva, en juillet 1971, l’élimination brutale des communistes et réprima très durement deux tentatives de putsch militaire (sept. 1975 et juill. 1976).

M. M.

 R. L. Hill, Biographical Dictionary of the Anglo-Egyptian Sudan (Oxford, 1951). / K. D. D. Henderson (sous la dir. de), Making of the Modern Sudan. The Life and Letters of Sir Douglas Newbold (Londres, 1953). / K. M. Barbour, The Republic of the Sudan (Londres, 1961). / P. M. Holt, A Modern History of the Sudan (Londres, 1961 ; 2e éd., 1965). / J. H. Schultze, Ost-Sudan (Berlin, 1963). / J. H. G. Lebon, Land Use in Sudan (Bude, 1965). / R. O. Collins, Land Beyond the Rivers. The Southern Sudan, 1898-1918 (New Haven, 1971).

Soufflot (Jacques Germain)

Architecte français (Irancy, près d’Auxerre, 1713 - Paris 1780), artisan d’un rationalisme fondé sur le retour à l’antique et appelé à sous-tendre toute l’évolution architecturale moderne.


Fils d’un avocat au parlement, Soufflot fit ses humanités à Paris. Une vocation affirmée dès l’âge de quinze ans le poussa à partir pour Lyon, puis à Rome, où il resta sept ans (1731-1738). Son ardeur à relever ruines et monuments attira l’attention de l’ambassadeur de France, qui le fit entrer à l’Académie de France à Rome. Au bout de quatre ans, il fut désigné par son directeur pour répondre au désir de la ville de Lyon d’engager un architecte valable. Soufflot va faire un nouveau séjour sur les bords du Rhône, donner en 1741 les plans de l’hôtel-Dieu et en 1747 ceux de la loge du Change. Il trace des quais, élève des hôtels, se préoccupe d’idées nouvelles, de structures gothiques et de stéréotomie des coupoles (il publie celle de Saint-Pierre de Rome).

Envoyés à Paris et gravés par Jacques François Blondel, les plans de l’hôtel-Dieu attirent l’attention. Quand Mme de Pompadour envoie son frère, le futur marquis de Marigny, se préparer en Italie aux fonctions de directeur des bâtiments (1749), elle le fait accompagner de trois conseillers : l’abbé Leblanc, Charles Nicolas Cochin le Fils et Soufflot. Ensemble, ils visitent Lyon, Turin, Milan, Rome. L’architecte poursuit jusqu’à Naples, voit Herculanum et Pompéi ; il sera le premier à mesurer le dorique grec de Paestum. À son retour, l’amitié de Marigny lui vaudra, avec un logement au Louvre, la possibilité de participer au concours de la place Louis-XV, de projeter une nouvelle cathédrale pour Rennes en 1754 (date à laquelle il élève le théâtre de Lyon) ; mais, surtout, d’être choisi par Louis XV pour réaliser le vœu de 1744 : reconstruire l’église Sainte-Geneviève de Paris (auj. le Panthéon). Cette œuvre, dont le projet est approuvé le 2 mars 1757, sera la grande affaire de sa vie. Cependant, au titre de contrôleur des Bâtiments du roi pour Paris, l’architecte dirigera les Gobelins, continuera les travaux du Louvre, ceux de Notre-Dame, aménagera le Pont-Neuf, les Champs-Élysées, la fontaine de la croix du Trâhoir, etc.