Sorel (Georges) (suite)
La grève générale donnera aux masses l’énergie nécessaire. Il n’est pas indispensable que cette grève surgisse un jour. Il est suffisant qu’on croie qu’elle surgira. Ainsi, l’espoir d’un prompt retour du Christ soutint les premiers chrétiens au temps des persécutions. La violence n’est-elle pas le seul moyen dont disposent les nations européennes abruties par l’humanitarisme pour retrouver leur ancienne énergie ? La bourgeoisie elle-même se rachètera, en se défendant énergiquement, de la nonchalance passée et présente. Elle pourra porter le capitalisme à son plus haut degré de développement. Or, il est essentiel que la Révolution ne se produise pas en une période de décadence économique. Le catholicisme* social de Léon XIII et de l’encyclique Rerum novarum paraît à Sorel, en ce temps, une expression de la décadence bourgeoise.
Inquiétudes et nouvelles recherches de la vérité
Mais bientôt Georges Sorel se détourne du syndicalisme, auquel il ne pardonne pas de préconiser le néo-malthusianisme et le sabotage et dont les échecs successifs en 1909 et 1910 (notamment lors de la grève des cheminots) montrent qu’il ne détient pas la force absolue.
Un de ses disciples, Georges Valois, l’entraîne vers l’Action française, organe des royalistes Léon Daudet et Charles Maurras. Il y publie un article sur le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (avr. 1910). Dans une lettre du 25 janvier 1911, il écrit : « Le socialisme n’a plus d’idées. Le socialisme, en tournant à la politique, perd le moyen de se former une telle idéologie. Le syndicalisme a pu un moment paraître propre à avoir une idéologie élevée. Mais il est tombé entre les mains d’hyperdémagogues qui ne comprennent pas la valeur des idées. »
En août 1914, Sorel reste réfractaire à l’« Union sacrée » ; il paraît ne voir dans la guerre qui commence qu’un affrontement entre la finance anglo-saxonne et l’état-major de Berlin, pour lequel il a quelque sympathie (il est aussi devenu antisémite). À partir d’octobre 1917, ses sympathies vont au bolchevisme de Lénine, auquel il sait gré d’avoir balayé le parlementarisme naissant. Pour lui, la formule « tout le pouvoir aux Soviets » est un retour à Proudhon. Mais Lénine refuse ce parrainage. En revanche, Mussolini* — qui a été syndicaliste révolutionnaire et qui a lu Sorel — se réclamera de lui.
G. L.
G. Pirou, Georges Sorel (Rivière, 1927). / P. Lasserre, Georges Sorel, théoricien de l’impérialisme (l’Artisan du Livre, 1928). / E. Berth, Du « Capital » aux « Réflexions sur la violence » (Rivière, 1932). / M. Freund, Georges Sorel. Der Revolutionäre Konservatismus (Francfort, 1932). / P. Angel, Essai sur Georges Sorel. Vers un idéalisme constructif (Rivière, 1936). / V. Sartre, George Sorel (Spes, 1938). / J. Deroo, Une expérience sociologique. Georges Sorel, le renversement du matérialisme dialectique (Rivière, 1939). / R. Humphrey, Georges Sorel, Prophet without Honor. A Study in Anti-Intellectualism (Cambridge, Mass., 1951). / P. Andreu, Notre maître Monsieur Sorel (Grasset, 1953). / G. Goriely, le Pluralisme dramatique de Georges Sorel (Rivière, 1962).