Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Solomos (Dionysios)

Poète grec (Zante 1798 - Corfou 1857).


Fils naturel d’un comte de Zante et de sa servante, il se rend dès son plus jeune âge en Italie pour y faire ses études. Il y écrit ses premiers vers en langue italienne : la poésie italienne de l’époque, notamment celle de Vincenzo Monti et de Manzoni*, lui sert de modèle pour ses premiers essais.

De retour à Zante en 1818, il se lie au cénacle de poètes et d’érudits qui perpétuent la tradition culturelle des îles Ioniennes : ces dernières constituent la seule région de Grèce qui ait échappé au joug ottoman pour demeurer sous la tutelle de Venise ; de ce fait, elles ont subi dès le xvie s. l’influence de la Renaissance italienne. En outre, Zante est devenue un refuge des élites de Crète après l’occupation de la grande île par la Turquie en 1669. À ce titre, elle a hérité de cet important foyer de l’hellénisme.

Quand Solomos retrouve Zante, une poésie d’inspiration jacobine y est en plein essor, autour de thèmes de satire sociale, de proclamations patriotiques et sous une forme populiste qui relève surtout de l’improvisation. Solomos commence à écrire en grec, obéissant aux règles et à l’esprit de ce genre local. Pourtant, dès ses premiers poèmes, on ressent chez lui le besoin d’aller au-delà de cette facilité formelle. De même, s’il hérite de la tradition du préromantisme et de celle, très ancienne, de la poésie populaire, Solomos a le souci de les dépasser pour parvenir à une synthèse de tous les éléments de la culture nationale.

Ses premières œuvres sont encore loin d’une telle réussite, mais elles ont déjà un niveau très supérieur à celui qui est jusque-là atteint par la poésie néo-hellénique. L’Hymne à la liberté (1823), long poème divisé en quatrains, scelle cette première période de son œuvre (les premières strophes deviendront plus tard les couplets de l’hymne national grec). On peut y rattacher, tant pour la forme que pour l’inspiration, un autre poème, Sur la mort de lord Byron (1824) : ces œuvres, où passe le souffle de la Révolution française, glorifient la liberté, prise depuis son acception sociale et nationale jusqu’à sa valeur universelle de « liberté morale ». Dans son Dialogue à propos de la langue (1823-1825), Solomos, qui a subi l’influence de l’Aufklärung, défend avec vigueur sa conception d’une langue vivante. Il amorce ainsi un combat qui va se poursuivre jusqu’à nos jours en faveur du grec « démotique » ou populaire, par opposition au grec « puriste », qui est la langue officielle.

Les dix années suivantes sont les plus riches et les plus fécondes de sa vie. Elles donnent naissance à des poèmes lyriques et à des épigrammes d’un art consommé. En 1826, Solomos publie son unique ouvrage de prose, la Femme de Zante, de facture byronienne, où il utilise avec bonheur le genre des chroniques populaires, qu’il élève au rang d’un grand art.

À partir de 1828, il s’installe à Corfou, où il va demeurer jusqu’à sa mort. Sa profonde inquiétude intellectuelle ainsi que sa difficulté à se situer entre le romantisme et le classicisme sont à l’origine de l’intérêt qui le porte alors vers l’idéalisme germanique, dont il prend connaissance à travers des traductions que lui procurent des amis. C’est à cette époque que Solomos commence à composer ses vastes poèmes synthétiques : le Crétois (1833), les Libres Assiégés (1834-1844) et le Squale (1849). Ceux-ci resteront tous inachevés. Solomos rédigera notamment trois versions successives des Libres Assiégés, sans se résoudre, pour aucune d’elles, à un état définitif : les « réflexions » qui accompagnent ce poème révèlent son obsession d’une perfection formelle, où le romantisme et le classicisme fusionneraient en « un genre mixte mais légitime » ; elles révèlent aussi son ambition de trouver un équilibre idéologique entre l’élément national et social concret et l’idéalisation absolue. Le morcellement de son œuvre en fragments géniaux, versions hésitantes et nouveaux essais, témoigne de son impuissance à réaliser entièrement son dessein. En se fondant sur son œuvre achevée, on peut dire que Solomos n’a pas rempli ses ambitions, mais, par référence à ses admirables réussites partielles, on peut avancer qu’il est un poète bien supérieur à son œuvre.

Au regard de l’histoire de la littérature néo-hellénique, les fragments de cette œuvre dispersée constituent une conquête définitive ; ils récupèrent les éléments de la tradition précédente en parvenant à une synthèse et ouvrent le chemin à la littérature grecque d’aujourd’hui. Mais, sous le morcellement de cette œuvre et au-delà des raisons subjectives, nous découvrons le fossé qui existe entre l’ambition individuelle d’un créateur et le niveau culturel d’une nation à peine échappée à un esclavage séculaire. La tentative et l’œuvre de Solomos restent caractéristiques d’une littérature qui n’a pu progresser que par bonds brusques et succès isolés, faute d’un niveau de culture qui eût permis la continuité d’un développement organique.

D. H.

 P. Lascaris, Solomos (Les Belles Lettres, 1946). / L. Coutelle, Formation poétique de Solomos, 1815-1833 (thèse, Aix-en-Provence, 1965).

Solon

Homme politique athénien (v. 640 - v. 558 av. J.-C.).


La fin du viie s. av. J.-C. fut extrêmement difficile pour Athènes. L’aristocratie qui tenait le pouvoir n’était plus capable d’assurer par ses privilèges l’équilibre de la cité, des ambitions tyranniques s’étaient fait jour, les factions se déchiraient, les mesures prises par Dracon, vers 621 av. J.-C., ne suffisaient pas à garantir à la cité la cohésion entre ses membres. L’homme providentiel fut Solon, que l’on nomma archonte en 594 av. J.-C.

Il appartenait sans doute à l’une des grandes familles d’Athènes. Il n’était pourtant guère riche (au sens où on l’entendait à l’époque, les véritables fortunes étaient terriennes) ; il passa sa jeunesse à voyager pour affaires dans l’ensemble du bassin oriental de la Méditerranée. Dans la guerre qu’Athènes mena contre Mégare pour la possession de l’îlot de Salamine, il commença à jouer un rôle politique. Ses poèmes, récités sur l’Agora, persuadèrent ses compatriotes de faire preuve d’énergie dans la lutte et les convainquirent de ses talents. Quant il eut reçu la charge d’« archonte autocrator », doté des pleins pouvoirs, il affirma que seule la loi permet d’« unir la contrainte avec la justice » ; loin de vouloir instaurer une tyrannie, il tenta d’établir dans la cité l’eunomia, état des lois qui permet à chacun de vivre dans une cité exempte de luttes civiles.