Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sol (suite)

Les cycles biologiques


Cycle du carbone

La grande réserve planétaire du carbone est constituée par le gaz carbonique de l’atmosphère (CO2). À partir de ce substrat, le cycle est double.

Dans le premier cycle n’interviennent que les micro-organismes ; et si, quantitativement, l’importance de ceux-ci n’est pas considérable, elle est, qualitativement, essentielle. Certaines Bactéries ou certaines Algues possèdent — comme les végétaux supérieurs — un pigment de type chlorophyllien qui leur permet de tirer de la lumière l’énergie nécessaire à la réduction du gaz carbonique pour en assimiler le carbone. D’autres Bactéries tirent cette énergie non pas de la lumière, mais d’une réaction obscure : l’oxydation d’une substance minérale réduite (v. bactéries). Ces micro-organismes, les premiers appelés phototrophes, les seconds chimiotrophes, prennent leur carbone dans le gaz carbonique de l’atmosphère et, avec l’eau et les sels minéraux (en particulier azotés) du sol, synthétisent leurs constituants cellulaires. Organismes vivants, ils respirent, rejettent du gaz carbonique, et ce premier cycle du carbone, où n’interviennent que des Bactéries ou des Algues, se ferme de façon extrêmement simple.

Le second cycle du carbone est un cycle mixte, où interviennent à la fois les micro-organismes et les végétaux supérieurs. Ces derniers, grâce à la synthèse chlorophyllienne, utilisent le carbone du gaz carbonique atmosphérique. Ils trouvent dans le sol l’eau et l’azote minéral dont ils ont besoin pour faire la synthèse de leurs tissus végétaux. Organismes vivants, ils respirent, rejettent du gaz carbonique, et le cycle se ferme ainsi une première fois très facilement. Cependant, la partie la plus intéressante de ce cycle mixte est évidemment celle où interviennent les micro-organismes du sol. Les végétaux vivants abandonnent dans celui-ci une partie de leurs constituants, en particulier les assises externes des racines et leurs feuilles mortes. De toute façon, à leur mort, la totalité de leurs tissus fait retour au sol, et ce sont les micro-organismes de celui-ci qui vont assurer la minéralisation progressive de ces constituants tissulaires.

Nous prendrons comme exemple de dégradation celui de la cellulose*, qui constitue en effet 50 p. 100 environ du tissu végétal et qui est la masse la plus importante de substances organiques carbonées retournant au sol. Cette cellulose va être tout d’abord partiellement dégradée par un groupement fonctionnel cellulolytique grâce à un système enzymatique complexe connu sous le nom de cellulase. Une première enzyme (C1) attaque la cellulose fibreuse, puis une série d’enzymes (Cx, aux facteurs multiples) hydrolysent ces dérivés de la fibre jusqu’au stade de cellobiose et de glucose, immédiatement utilisé pour la resynthèse de molécules polyosidiques. Si ce premier temps de la dégradation se fait dans un sol de potentiel d’oxydoréduction élevé — sol bien aéré et en bon état —, il y a formation de polyosides, de poids moléculaire encore élevé, mais, cependant, partiellement solubles, alors que la cellulose, elle, était totalement insoluble. Les Bactéries les plus actives dans cette fonction sont Cytophaga, Cellovibrio, Cellulomonas, etc.

Un deuxième groupement fonctionnel va pousser plus loin la dégradation ; à partir des polyosides se forment des acides organiques, des alcools et un peu de gaz carbonique. Enfin, un troisième groupement fonctionnel va reprendre ces acides et ces alcools pour les minéraliser totalement en eau et en gaz carbonique, ce qui ferme ainsi le cycle du carbone.

Si la dégradation de la cellulose se fait, au contraire, dans un sol lourd, mal aéré, de potentiel d’oxydoréduction bas, le premier chaînon de dégradation aboutit directement aux acides, aux alcools, sans passer par le stade intermédiaire des polyosides. Les Bactéries cellulolytiques responsables sont des anaérobies, presque toujours sporulés, dont la taxinomie est encore mal définie. Puis, comme précédemment, ces acides et ces alcools sont minéralisés en eau et en gaz carbonique. Nous avons donc ici un parfait exemple de ces réactions en chaîne où chaque groupement fonctionnel utilise les produits du métabolisme du groupement précédent.

Nous aurions pu prendre comme exemple, au lieu de la cellulose, d’autres constituants de tissu végétal, comme les hémicelluloses, la pectine, l’amidon, etc., et, ici encore, nous aurions trouvé des cycles de groupements fonctionnels spécifiques.

Il est, enfin, une substance capitale du tissu végétal : la lignine, mais celle-ci sera retrouvée un peu plus loin, lorsqu’il sera question de la synthèse des substances humiques.


Cycle de l’azote

Ici encore, la grande réserve de l’azote planétaire est constituée par l’azote moléculaire de l’atmosphère. Or, les plantes sont incapables de l’utiliser, de même que — tout au moins classiquement — l’azote organique de tissus végétaux faisant retour au sol ou celui qui est combiné, « immobilisé », dans l’humus.

• Fixation de l’azote moléculaire. Si l’on étudie la balance azotée des sols, c’est-à-dire la différence entre les importations et les exportations (importations constituées par l’azote nitrique des pluies — presque négligeable —, les engrais azotés que l’Homme incorpore ou les déchets végétaux ; exportations constituées par les récoltes agricoles, l’azote entraîné par lixiviation ou ruissellement et celui qui fait retour à l’atmosphère), on constate que, surtout dans les sols cultivés, cette balance azotée est toujours déficitaire. Puisque la teneur du sol en azote se maintient constante malgré ce déficit, il faut admettre qu’un processus biologique intervient, permettant à l’azote atmosphérique d’entrer dans le cycle biologique et de s’incorporer au sol. Seuls des microorganismes sont les agents de ce premier chaînon du cycle de l’azote, appelé la fixation. Certains de ces micro-organismes peuvent vivre à l’état libre dans le sol ; d’autres, au contraire, vivent en symbiose avec des végétaux supérieurs. Dans le premier cas, celui des Bactéries libres, celles-ci sont soit aérobies, soit anaérobies. Sont en aérobiose essentiellement des Bactéries hétérotrophes (Azotobacter sous nos climats, Beijerinckia sous les climats tropicaux, et en particulier dans les sols latéritiques) ou des Bactéries autotrophes ainsi que des Algues unicellulaires (Algues bleu-vert).