Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

socialisme (suite)

Malgré l’impressionnant développement économique qu’avait connu l’Italie au cours de la première décennie du xxe s., les grèves n’y avaient jamais complètement cessé, surtout pendant l’année de crise provoquée par la guerre italo-turque en Libye (sept. 1911 - oct. 1912). Au congrès d’Ancône (avr. 1914), le courant de gauche accentue son emprise, déclare incompatibles l’appartenance à la franc-maçonnerie et la qualité de socialiste, fait voter une motion violemment antimilitariste et approuver le principe du suffrage féminin. Puis vient en juin la « semaine rouge » des Marches et de Romagne, avec une grève générale, où l’excitation atteint son comble, et des charges de police qui font une centaine de morts.

La guerre déclarée, les socialistes officiels prennent aussitôt pour la neutralité une position qui demeurera inchangée jusqu’à la fin du conflit. Les réformistes inclinent à soutenir le gouvernement ; L. Bissolati Bergamaschi deviendra même ministre du cabinet Orlando en 1917, et I. Bonomi Premier ministre en 1921. Les syndicalistes se divisent entre une tendance pro-Alliés (Alceste De Ambris, Filippo Corridoni, Michele Bianchi, Italo Balbo, etc.), à laquelle adhérera Mussolini, et une tendance antimilitariste. Après l’expulsion de Mussolini hors du parti, la direction de l’Avanti ! passe à Giacinto Menotti Serrati, un « maximaliste », qui la conservera jusqu’en 1923.

Les luttes de tendances continuent, en effet, à l’intérieur du gros des forces socialistes, surtout au lendemain de la révolution russe et malgré la sourdine nécessairement mise à leurs manifestations extérieures, entre une aile droite d’intellectuels bourgeois (F. Turati, C. Treves, Giuseppe Emanuele Modigliani, etc.), un centre pléthorique dit « maximaliste » et une aile gauche communisante (Amadeo Bordiga, Nicola Bombacci, etc.), qui se détachera en 1921 au congrès de Livourne pour former le parti communiste italien (PCI), Section italienne de l’Internationale communiste, la IIIe Internationale, dont Antonio Gramsci* prendra plus tard à Turin la direction idéologique, préparant son orientation léniniste future. Dès 1917, l’année où la lassitude de la guerre envahit les masses ouvrières et pénètre jusqu’au front, une grève générale à Turin dégénère en insurrection avec barricades et connivence d’une partie des troupes envoyées pour la combattre ; mais d’autres troupes prennent la relève, et la répression fait 500 morts et 2 000 blessés parmi les insurgés.

Moins en vue, quoique plus violents, les éléments d’extrême gauche acquièrent une influence prépondérante au sein du parti, qui provoquera de nouveaux troubles après la fin de la guerre et, par choc en retour, favorisera la montée du fascisme*, notamment après l’échec en 1920 de l’occupation des usines en Piémont et en Lombardie.

Les socialistes, aux élections du 16 novembre 1919, faites au scrutin de liste avec représentation proportionnelle, obtiennent 32 p. 100 des voix et 156 élus sur 508 sièges ; ils deviennent ainsi le premier parti au Parlement. Mais la tendance maximaliste qui prévaut dans ses rangs lui fait décliner toute participation au pouvoir en collaboration avec des partis du centre, malgré l’offre qui en est présentée plusieurs fois à F. Turati, son chef le plus en vue. Après l’échec de la grève générale de juillet-août 1922, le triomphe du fascisme apparaît inéluctable, et, pendant une vingtaine d’années, le socialisme italien n’aura plus qu’une vie clandestine ; ses principaux leaders passent à l’étranger ou, comme le secrétaire de la Confédération générale du travail (CGL), Bruno Buozzi (1881-1944), seront abattus par les Allemands à la fin de leur occupation de l’Italie.

Le rôle des socialistes sera néanmoins très important dans la Résistance, et le parti socialiste formera avec Pietro Nenni, Umberto Elia Terracini, Giuseppe Saragat, Mauro Scoccimarro, etc., l’un des rameaux principaux de l’« hexarchie » qui, après la chute du fascisme en 1945, occupera le pouvoir et jusqu’en 1947 collaborera avec De Gasperi* dans les ministères présidés par celui-ci. Une seule centrale syndicale, la Confédération générale italienne du travail (CGIL), groupant communistes, socialistes et démocrates-chrétiens, est créée en 1944. La scission advenue entre Nenni et Saragat en janvier 1947 aura pour cause la trop étroite alliance électorale du premier avec les communistes aux yeux du second, dont le groupe — minoritaire mais encore très important sur l’échiquier politique italien et communément appelé social-démocrate (PSDI) — deviendra l’un des associés au gouvernement De Gasperi dans un nouveau quadripartisme, avec libéraux et républicains historiques, jusqu’en 1953.

Les rapports des deux branches du socialisme italien connaissent dès lors des alternances d’éloignement et de rapprochement, surtout tactiques, jusqu’à cette « ouverture à gauche » longtemps discutée, seule susceptible de donner au parti démocrate-chrétien, désormais dominant en Italie, une large majorité dans les deux branches du Parlement entre le centre droit et les communistes. Le 5 décembre 1963, Aldo Moro peut présenter un cabinet de centre gauche où P. Nenni est vice-président et Saragat ministre des Affaires étrangères. Le 28 décembre 1964, Saragat est élu président de la République ; en 1966 la réunification socialiste se réalise, née officiellement de la Constituante socialiste du 30 octobre. Mais dès le 5 juillet 1969 est créé le parti socialiste unitaire (PSU) à la suite d’une scission survenue au sein du parti socialiste unifié. Il regroupe la quasi-totalité des cadres de l’ancien PSDI de Saragat, hostiles à toute ouverture vers les communistes. En 1972, Francesco De Martino est élu secrétaire général du parti socialiste italien (PSI), dont le président est P. Nenni. En juin 1976, le parti socialiste qui, en mars 1976, lors de son 40e congrès a renoncé à la coalition de centre gauche et s’est prononcé pour une alliance avec les communistes, s’avère être le grand perdant des élections. En juillet, Bettino Craxi remplace De Martino au secrétariat général.