Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

socialisme (suite)

Le parti socialiste est fondé sur les principes suivants :
— entente et action internationale des travailleurs ;
— organisation politique et économique du prolétariat en parti de classe pour la conquête du pouvoir et la socialisation des moyens de production et d’échange, c’est-à-dire la transformation de la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste.

Le titre du parti est parti socialiste, Section française de l’Internationale ouvrière.

Les membres adhérents acceptent les principes, le règlement et la tactique du parti.

[...] Le groupe socialiste au Parlement est distinct de toutes les tractions politiques bourgeoises et composé exclusivement des élus membres du parti désignés par leurs fédérations.

[...] Tout candidat doit signer un engagement par lequel il promet d’observer les principes du parti et les décisions des congrès nationaux et internationaux.

[...] Nul ne peut être candidat aux élections s’il n’est membre du parti depuis trois ans au moins.


L’éphémère unité socialiste (1905-1920)

Nous savons aujourd’hui que cette unité ne durera que quinze ans. Mais les socialistes qui l’ont réalisée l’ont crue indestructible.

De 1905 à 1914, le socialisme français est de plus en plus dominé par la pensée synthétique et la puissance oratoire de Jaurès. En face d’un Guesde vieilli, Jaurès, souvent appuyé par É. Vaillant, essaie de rassembler autour du parti socialiste S. F. I. O. toutes les forces de transformation sociale, qu’elles se donnent ou non l’étiquette de socialiste. De ce rassemblement, le quotidien l’Humanité est à la fois le moyen et le symbole. Mais, en face de lui, Jaurès voit se dresser une extrême gauche turbulente dont le leader est Gustave Hervé (1871-1944), qui fait profession d’antimilitarisme et d’antipatriotisme, veut mettre « le drapeau dans le fumier » et préconise l’action violente de « Mamzelle Cisaille » et du « citoyen Browning ». Condamnant cette attitude, Jaurès ne s’en élève pas moins contre le colonialisme lors des crises marocaines, contre l’alliance franco-russe, qui lui paraît grosse de périls, et souhaite dans l’Armée nouvelle (1911) une meilleure organisation de l’armée française. La tyrannie de l’actualité ne lui laisse guère le loisir de préciser la physionomie de l’organisation socialiste qu’il souhaite et qu’il n’avait qu’esquissée dans des articles de la Revue socialiste (1895-96). Edgar Milhaud et surtout Albert Thomas* (1878-1932) s’y emploient avec plus de liberté d’esprit et, par diverses publications, essaient de définir ce que peut être une économie collective laissant toute sa place à la liberté individuelle. C’est alors que s’ébauchent les premiers linéaments d’une théorie des nationalisations.

L’assassinat de Jaurès, le 31 juillet 1914, laisse les socialistes français désemparés et sans chef. La majorité, avec Guesde et Sembat, qui entrent au gouvernement, avec Pierre Renaudel (1871-1935), qui prend en 1915 la direction de l’Humanité, avec Léon Blum, chef de cabinet de Sembat, acceptent la défense nationale, comme le fait aussi Albert Thomas, devenu en 1916 ministre de l’Armement.

Mais d’autres, comme Paul Faure (1878-1960) et Jean Longuet (1876-1938), petit-fils de Karl Marx, souhaitent la paix la plus rapide possible et deviendront de plus en plus nombreux à mesure que le conflit se prolonge. Après le conseil national de juillet 1918 et après le congrès d’octobre 1918, la majorité est renversée. Ludovic Oscar Frossard (1889-1946) devient secrétaire général du parti, et Marcel Cachin (1869-1958) prend la direction de l’Humanité. Il en résulte un peu plus tard une scission de parlementaires et de militants qui ne veulent pas répudier la défense nationale et qui se groupent autour du journal la France libre (Frédéric Brunet, Victor Dejeante, Veber et Charles Andler) ; ils forment un « parti socialiste français ».

C’est dans la période effervescente qui suit l’armistice qu’Albert Thomas et quelques-uns de ses amis font connaître en France la théorie des nationalisations élaborée en Autriche par Otto Bauer, alors président de la Commission de socialisation de la jeune république. Si la C. G. T. s’y rallie avec empressement au congrès de Lyon (1919), Léon Blum paraît singulièrement plus réticent : pour lui, la nationalisation reste très en deçà du socialisme.

Mais l’attention est ailleurs. La guerre a fait voler en éclats la IIe Internationale, constituée en 1889. Faut-il la reconstituer ? Albert Thomas, Pierre Renaudel, Léon Blum le pensent, tout en voulant en exclure la social-démocratie allemande. Mais d’autres, à l’extrême gauche, préconisent l’adhésion à l’Internationale créée en 1919 à Moscou, à la IIIe Internationale. Entre les deux, Paul Faure et Jean Longuet souhaitent la constitution d’une nouvelle Internationale, qui tente de se former à Vienne (févr. 1921) en s’appuyant sur la social-démocratie autrichienne. Les socialistes français partisans de la reconstitution de la IIe Internationale se retrouvent avec les travaillistes et avec le parti ouvrier belge. Les partisans de l’Internationale nouvelle sont d’accord avec les indépendants d’Allemagne.

Finalement, Cachin et Frossard, en se ralliant à la IIIe Internationale à la suite d’un voyage à Moscou, contribuent fortement à faire pencher la balance en faveur de cette adhésion. Celle-ci est votée au congrès de Tours en décembre 1920 : la motion Cachin-Frossard l’emporte par 3 208 voix contre 1 022 à la motion Longuet-Paul Faure, la tendance Léon Blum, qui préconise l’abstention, ayant été suivie par 397 mandats.

Malgré la tentative de quelques-uns des majoritaires, l’exclusion des leaders minoritaires est votée par 3 247 voix contre 1 398 à une motion Mistral qui n’acceptait aucune exclusion (v. communisme).

L’unité socialiste a vécu. Bien qu’on n’ait guère cessé de parler d’une reconstitution de l’unité organique, elle ne s’est jamais opérée depuis lors. Tout au plus peut-on distinguer dans les rapports entre socialistes et communistes (c’est le nom que prennent les membres du nouveau parti) les périodes d’affrontement brutal et les périodes de collaboration relative.