Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Slovaquie (suite)

À la fin du xve s. et au début du xvie, la vie intellectuelle en Haute-Hongrie est brillante. Pour remplacer l’influence de Prague, il a été ouvert à Bratislava, en 1467, une université qui enseigne surtout la théologie, les sciences naturelles et les mathématiques : l’Académie istropolitaine. Surtout, c’est la grande période de l’art hongrois. Comme les Turcs détruiront au xvie et au xviie s. la plupart des églises de Hongrie, l’art médiéval hongrois n’est presque connu que par les églises de Haute-Hongrie : grandes peintures religieuses du maître M. S. de Banská Štiavnica vers 1506 ; grands retables du maître Pavel de Levoča vers 1508. En même temps, toutes les sources attestent la vitalité de l’élément slovaque, qui utilise toujours le tchèque comme langue écrite.


La domination des Habsbourg

Après Mohács, la domination des Habsbourg* s’installe en Hongrie jusqu’en 1918. Ferdinand de Habsbourg (de 1526 à 1564) fait reconnaître son autorité, mais le magnat Jean Zápolya (de 1526 à 1540), puissant en Haute-Hongrie et soutenu en Pologne est choisi par le parti « national ». En 1538, les deux rois se reconnaissent mutuellement et partagent la Hongrie en deux sphères d’influences.

L’invasion turque de la plaine hongroise transforme la Haute-Hongrie, plus montagneuse, en zone de refuge. En 1529, après la chute de Buda, la Chambre de Hongrie s’installe à Bratislava ; en 1543, lorsque les Turcs occupent Esztergom, le primat de Hongrie et son chapitre se réfugient à Bratislava, puis s’établissent en 1683 à Trnava, qui va devenir le grand centre spirituel du catholicisme. Cette région rassemble un cinquième de la population, mais plus de la moitié de la noblesse hongroise. Le sol a été redistribué entre les mains d’une nouvelle noblesse. La paysannerie souffre d’une aggravation de son sort, que l’on appelle parfois le « second servage ». De nouvelles corvées sont instituées pour l’entretien des châteaux de Nové Zámky et de Komárno, afin de s’opposer aux incursions des Turcs. Avec l’invasion de la Hongrie, les routes commerciales sont coupées. La ville de Košice, à l’est du pays, perd toute importance, et le commerce passe désormais à l’ouest par Trnava. La noblesse s’empare peu à peu du commerce extérieur. En 1546, les Fugger cessent de louer les mines de Haute-Hongrie, qui passent sous le contrôle du Trésor royal à Vienne. Le déclin des mines s’accentue après 1560.

La Réforme fait d’immenses progrès au xvie s., gagnant d’abord les villes minières allemandes, puis les villes slovaques. La mort des deux archevêques hongrois à Mohács a désorganisé la hiérarchie catholique. Lors du conflit entre Ferdinand de Habsbourg et Jean Zápolya, chacun des deux prétendants s’abstient de lutter contre les hérétiques, que protègent des magnats et des patriciens. Au début du xviie s., le cardinal Pázmány, archevêque d’Esztergom, estime que la Hongrie est aux neuf dixièmes protestante. La Réforme accroît l’importance des Slovaques, car le tchèque est alors employé comme langue d’église. Le xvie s. est l’âge d’or de la culture slovaque, qu’illustrent les humanistes, tel Martin Rakovský, poète et philosophe, partisan de la monarchie absolue.

Le xviie s. est pour la Hongrie le siècle de la reconquête. D’abord celui de la reconquête catholique sur le protestantisme, Trnava devient le grand centre de la Contre-Réforme*. Le cardinal Pázmány y fonde un collège des Jésuites, puis en 1636 un studium général, une université jésuite. Il crée aussi un gymnase à Bratislava, et, en 1657, une seconde université s’ouvre à Košice. Pázmány lui-même convertit les magnats protestants, les Thurzó, les Revay, les Pálffy. Commencée par les classes dirigeantes, la reconquête s’étend aussi au peuple. Sous le règne de Léopold Ier (1657-1705), on passe à la persécution active des protestants, dont de nombreux temples sont détruits vers 1671-1673 ; beaucoup de fidèles sont contraints à l’émigration.

Mais c’est aussi la reconquête contre les Turcs, qu’entravent des révoltes incessantes de la noblesse hongroise de Transylvanie contre les Habsbourg, comme celle de Gabriel Bethlen, qui, de 1618 à 1626, transforme la Haute-Hongrie en champ de bataille : les villes sont pillées, les villages incendiés. En 1663, les Turcs lancent une offensive contre la Slovaquie occidentale et s’emparent de la forteresse de Nové Zámky, clef de la Moravie et de Vienne. En 1683, Kara Mustafa attaque Vienne : la défaite turque est décisive. Elle entraîne la reconquête rapide de Buda (dès 1686) et de l’ensemble de la Hongrie. La Slovaquie cesse d’être une zone refuge. Mais, si l’archevêque d’Esztergom regagne son siège épiscopal, la diète de Hongrie reste jusqu’en 1848 à Bratislava, où les empereurs se font couronner rois de Hongrie. La paix paraît donc revenir en Slovaquie. Mais en 1703-04, lors de la révolte de François II Rákóczi, le pays devient le théâtre de combats avec les troupes impériales.


Le xviiie siècle

C’est un siècle de paix, car, pour la première fois depuis longtemps, la Haute-Hongrie cesse d’être une zone frontière. L’apaisement n’est pas immédiat. En 1715, la Contre-Réforme culmine. Les lois de 1681 et de 1687 contre les protestants sont strictement appliquées ; les temples sont transformés en églises catholiques. Les paysans, exploités par les seigneurs, se révoltent contre leurs charges excessives. En 1713 est exécuté le paysan slovaque Jánošík, qui « prenait aux riches et donnait aux pauvres », et qu’idéalisera la légende populaire. De nombreux paysans prennent la fuite vers le sud dans l’espoir de trouver des terres nouvelles dans les régions reconquises. Le poids économique de la Hongrie se déplace vers le sud. Les villes slovaques survivent difficilement : Bratislava n’a que 10 000 habitants, Banská Štiavnica que 7 000, Košice que 4 000.

Mais la reprise économique est rapide. Les usines sont remises en exploitation et, dans la mine de Nová Baňa, près de Banská Štiavnica, on emploie dès 1722 une machine à vapeur, la première sur le continent, pour le pompage de l’eau. Montesquieu viendra l’admirer lors de son voyage en Hongrie. Des manufactures textiles se développent, fondées par l’archevêque d’Esztergom ou par François de Lorraine, époux de Marie-Thérèse. Le rythme de création s’accélère au milieu du siècle, mais se ralentit après 1770.