Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sismologie (suite)

Les études sur les conditions de rupture ou de déformation des ouvrages d’art (immeubles, ponts, routes, voies ferrées) renseignent sur la nature des efforts exercés (déplacements, accélérations du sol, etc.) et sur les normes de « construction parasismique » à adopter pour les régions du globe à « degré de sismicité » élevé. Quant à l’examen des déformations du sol (failles, dénivellations, affaissements), il fournit des indications précieuses sur le mécanisme des séismes. Dans le même esprit se placent les enquêtes faites auprès de l’ensemble des populations concernées par tout séisme important, alors que le dépouillement des mesures, très précises, que l’on fait sur les enregistrements obtenus dans les différents observatoires spécialisés, permettent de déterminer avec une très grande certitude l’épicentre et le foyer de tout séisme, et cela quelles que soient sa force (au-dessus d’un seuil qui peut être très faible) et sa position géographique (il peut être éloigné, par exemple, de toute région habitée ou située en mer).

Précisons les notions précédentes. Le foyer est le point où commence le phénomène de rupture (dans le sol, à une profondeur en général inférieure à 70 km — séismes « normaux » —, mais parfois très supérieure, allant jusqu’à 700 km — séismes « profonds »), sa projection verticale sur le sol donnant l’épicentre correspondant (fig. 1). Bien entendu, un foyer ne peut pas être strictement ponctuel, et il arrive qu’il revête une certaine étendue (notamment si l’ébranlement origine est une faille ou un glissement) ou qu’il soit multiple (en plus ou moins bon synchronisme). À la nature complexe des mécanismes au foyer (dont l’éclaircissement est un des objectifs de la sismologie), il convient, très probablement, de rattacher les secousses multiples (par exemple deux chocs à 40 minutes d’intervalle l’un de l’autre pour la catastrophe de Lisbonne, suivis, une heure plus tard, par un troisième choc, destructeur au Maroc). Une question difficile reste la définition de la force du séisme. Empiriquement, on utilise l’« échelle unifiée » de Gutenberg (du nom du physicien américain Beno Gutenberg), qui donne une magnitude allant de 0, pour les plus petits séismes décelables, jusqu’à 8 ou 9 pour ceux qui causent de grandes catastrophes. On a tenté de relier cette valeur à une grandeur physique bien définie, telle que l’énergie E libérée par le foyer. Désignant par M la magnitude précédente, on a posé
log E = 5,8 + 2,4 M,
expression dans laquelle E est exprimé en ergs. On a cherché aussi à trouver la répartition spectrale de l’énergie totale dans l’étendue de la bande spectrale de fréquences suivant lesquelles les ondes sismiques engendrées au voisinage immédiat du foyer se mettent à rayonner. C’est un problème délicat. imparfaitement résolu, mais diverses lois de variations de cette répartition en fonction de la profondeur du foyer ont été trouvées, ainsi que celles qui permettent de distinguer à grande distance l’effet des séismes naturels de ceux des explosions artificielles. La somme des énergies libérées par les séismes pour une région déterminée pourrait donner une mesure quantitative de la sismicité de cette région. Cette opération n’étant pas, pour l’instant, praticable, cette sismicité reste évaluée à partir de considérations tectoniques, notamment celles qui font intervenir les zones, ou ceintures, de fractures (« ceintures sismiques »). Diverses cartes mondiales de ces zones ont été établies. Ce sujet est lié aux théories actuelles sur les relations mécaniques et énergétiques entre croûte et manteau de notre globe, notamment celles qui sont relatives à la « tectonique des plaques » et à la « dérive des continents » (v. Terre).

La prévision des séismes tient compte tout d’abord, bien entendu, des conditions de sismicité et de leur évolution séculaire éventuelle, cherchant notamment à interpréter la façon dont la lente accumulation de tensions et d’énergie dans le sol peut conduire à des ruptures brusques d’équilibre. On recherche tout signe avant-coureur à long, à moyen et à court terme. On paraît être sur la voie de diverses méthodes rationnelles (changements dans les propriétés magnétiques de la région, enregistrement permanent des états de tension ou des microdéformations du sol), mais les indices observés sont, en général, trop faibles pour être sûrs, et, surtout, on ne peut pratiquer en permanence une telle surveillance sur de vastes étendues. On ne peut donc espérer prévoir un séisme que là où il serait déjà plus ou moins attendu.


Ondes sismiques

Ce sont des ondes mécaniques (fig. 2) qui se propagent à partir du foyer sous forme d’oscillations qui peuvent être reçues très loin à la surface du globe (si des « stations sismiques » bien équipées y sont installées), et cela en trois groupes ou trains successifs : dans le premier groupe sont enregistrées les ondes P, qui sont des ondes longitudinales de compression-décompression, telles que celles que peuvent transmettre tous les fluides ; le deuxième groupe est constitué par les ondes S, ondes transversales (par rapport à la direction de propagation), donc telles que peuvent seuls les transmettre des corps à l’état solide ; le troisième groupe est considéré comme étant un mélange de deux types voisins d’ondes de surface. Ces ondes restent, au cours de leur propagation, très près de la surface du sol, à l’intérieur duquel elles ne peuvent pénétrer que suivant une loi de décroissance rapide, exponentielle. Ce sont les ondes de Love (du nom du physicien britannique A. E. H. Love) et les ondes de Rayleigh (du nom du physicien britannique J. W. S. Rayleigh). Restant en surface, elles n’y subissent qu’un faible amortissement, ce qui fait qu’on les reçoit avec des amplitudes très supérieures à celles des ondes de volume, et elles sont parfois encore détectables après avoir fait plusieurs fois le tour de la Terre.

Ces trois types d’ondes sont tous utilisables pour les déterminations de la constitution interne du globe terrestre : les ondes de surface nous renseignent sur la croûte, parfois jusqu’au manteau ; les ondes de volume ne retournent à la surface qu’après avoir subi à l’intérieur de la Terre des trajets plus ou moins profonds, pouvant, de plus, comporter un certain nombre de réflexions et de réfractions. La reconstitution de ces trajets (rendue possible par la coordination des dépouillements faits en de nombreux observatoires) a permis de préciser la profondeur des surfaces de discontinuités concentriques qui limitent les diverses régions internes du globe. On a pu ainsi se représenter la croûte, le manteau et le noyau (fig. 3). En ce qui concerne ce dernier, le fait reconnu que sa partie externe ne permettait pas la propagation des ondes transversales a confirmé que ses propriétés devaient être assimilées à celles d’un état liquide. Mais cela cesse d’être valable pour la partie plus interne de ce noyau.