Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Atlantique Nord (traité de l’) (suite)

Les structures de l’O. T. A. N.

Le traité laissait au Conseil le soin de créer les organismes qui constitueront ce que l’on appelle l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (O. T. A. N.). Sa mise sur pied, qui dura trois ans, aboutit, après la conférence de Lisbonne (1952), à une structure complexe, qui ne subit de modifications notables qu’après le retrait de la France de l’Organisation en 1966. Au sommet, le Conseil de l’Atlantique Nord est l’organe de direction politique. Constitué par les représentants des quinze gouvernements alliés, il réunit leurs ministres deux ou trois fois par an, mais siège en permanence à Bruxelles au niveau des ambassadeurs « représentants permanents ». Depuis 1966, les problèmes de défense sont traités par le Comité des plans de défense, qui se réunit à quatorze au même niveau que le Conseil. Un secrétaire général permanent, présidant à la fois le Conseil et le Comité, coordonne l’action des organismes civils et militaires de l’Alliance.

Les premiers comprennent les nombreux comités créés pour étudier les problèmes politiques, économiques, nucléaires, de télécommunication, d’infrastructure, etc., mais ce sont ses structures militaires qui constituent la véritable originalité de l’Alliance. Pour la première fois, il est créé, dès le temps de paix, des commandements intégrés, dotés d’états-majors interalliés, connaissant les moyens dont ils disposeraient en cas de conflit et dont ils peuvent préparer les plans d’emploi. Pour la première fois aussi a été réalisé en temps de paix tout un système collectif d’infrastructure et de logistique.

Le Comité militaire, subordonné au Comité des plans de défense, est la plus haute autorité militaire de l’O. T. A. N. Composé des représentants des chefs d’état-major des treize pays participant à la structure intégrée de l’O. T. A. N., il siège en permanence à Bruxelles et deux ou trois fois par an au niveau des chefs d’état-major. La France y demeure représentée par une mission de liaison.

La zone de défense de l’O. T. A. N. est répartie entre trois principaux commandements intégrés :
— le commandement suprême allié en Europe (Supreme Allied Commander Europe [SACEUR]), dont le Q. G. (Supreme Headquarters Allied Powers Europe [SHAPE]), installé en 1951 à Rocquencourt (France), a été transféré en 1967 à Casteau, près de Mons (Belgique) ;
— le commandement suprême allié de l’Atlantique (Supreme Allied Commander Atlantic [SACLANT]), installé à Norfolk (aux États-Unis) ;
— le commandement allié de la Manche (Commander-in-Chief Channel and Southern North Sea [CIN-CHAN]), dont le Q. G. est à Northwood (Grande-Bretagne).

S’y ajoute le groupe stratégique régional Canada - États-Unis.


L’évolution de l’Alliance

Crainte de l’expansion soviétique, nécessité de l’aide américaine, souci de préserver la souveraineté des États membres (notamment dans le domaine nucléaire), difficulté d’isoler les problèmes de l’O. T. A. N. de ceux qui intéressent le reste du monde, tels sont les facteurs qui ont dominé l’évolution de l’Alliance depuis 1949.

• La période de 1949 à 1956 est marquée par le monopole nucléaire des États-Unis, qui confère à ces derniers une sorte d’invulnérabilité à l’attaque de tout adversaire et un rôle déterminant à l’égard de leurs alliés. Cependant, l’infériorité militaire des partenaires européens, le petit nombre des armes atomiques américaines amènent l’alliance à adopter d’abord un plan de défense à hauteur du Rhin, appuyé, en cas d’agression, par des représailles nucléaires massives dont le déclenchement relève de l’autorité exclusive du président des États-Unis. La guerre de Corée (1950), rendant plus manifeste la pression communiste, accélère la mise sur pied de l’organisation militaire atlantique et amène la création, le 2 avril 1951, d’un commandement intégré en Europe (SACEUR), dont le premier titulaire est le général Eisenhower. En outre, le Conseil, réuni à Lisbonne en février 1952, adopte un plan d’accroissement des forces et approuve le principe d’un réarmement de l’Allemagne de l’Ouest au sein d’une Communauté européenne de défense (C. E. D.). L’échec de la C. E. D., en 1954, aboutit à l’intégration de la nouvelle armée allemande dans le système militaire atlantique. En même temps, pour donner satisfaction au nouveau partenaire allemand, l’O. T. A. N. adopte un nouveau concept de défense « sur l’avant » au plus près du « rideau de fer », tout en conservant le principe des représailles massives. L’U. R. S. S. réplique par la signature, le 14 mai 1955, du pacte de Varsovie*, groupant sous son égide les démocraties populaires de l’Europe orientale.

• À partir de 1956-57, du fait du développement de la puissance nucléaire soviétique, le monopole atomique des États-Unis fait place à un état d’équilibre entre les deux blocs ; au même moment, le perfectionnement des missiles balistiques et surtout l’apparition de l’arme thermonucléaire donnent aux États-Unis, comme à l’U. R. S. S., une capacité d’anéantissement mutuel vidant de son sens toute notion de supériorité et conduisant de façon pragmatique au principe de la « coexistence pacifique ». Cette mutation mettant en cause la valeur de la protection assurée par les États-Unis à leurs partenaires, certains commencent à douter de la détermination de leur protecteur à s’engager pour garantir leur propre défense et pensent que les sujétions politiques et militaires dont elle s’accompagne doivent être révisées.

C’est dans ces conditions qu’en 1958 le général de Gaulle, revenu au pouvoir, propose à Eisenhower l’institution d’un triumvirat avec Londres, chargé de la conception et de la mise en œuvre de la stratégie nucléaire au sein de l’Alliance. Ne rencontrant aucun écho, la France décide d’accélérer la réalisation de son armement nucléaire et d’interdire sur son sol le dépôt d’engins atomiques américains.

La conception américaine est précisée en 1962 par Robert McNamara, secrétaire à la Défense, qui définit la doctrine dite de la riposte graduée et confirme que les États-Unis entendent rester seuls juges de l’évaluation de la menace adverse et ne risquer leur propre « suicide » nucléaire que pour des intérêts qu’ils estimeraient vitaux. En réponse, la France, devenue puissance nucléaire, décide de retirer des commandements navals intégrés de l’O. T. A. N. ses forces de Méditerranée (1962), puis de l’Atlantique (1963). Pour tenter d’apaiser leurs partenaires, les Américains proposent en 1963, avec l’accord des Britanniques, un projet de force nucléaire multilatérale, qui sera finalement abandonné pour des raisons techniques et surtout politiques.