Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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sionisme (suite)

Le président des États-Unis Wilson, poussé par les sionistes d’Amérique, est disposé à soutenir ces aspirations, auxquelles le Premier ministre britannique Lloyd George n’est pas défavorable. Par le canal de leur représentant en Égypte, sir Henry McMahon, les Britanniques désireux d’inciter les Arabes à entreprendre contre les Turcs une révolte, à laquelle travaille le colonel T. E. Lawrence*, promettent la création d’un grand empire arabe, en laissant croire, faute de précisions affirmatives ou négatives, que cet empire engloberait la Palestine. Pour compliquer encore les choses, la Grande-Bretagne conclut à Moscou, en 1917, les accords Sykes-Picot, qui laissent à la France des territoires parallèlement promis aux Arabes... D’où le vif mécontentement de ces derniers.

Le 2 novembre 1917, est publiée la « Déclaration Balfour », lettre adressée à Lionel Walter Rothschild, membre de la Chambre des lords. Elle envisage favorablement un foyer national juif en Palestine, à condition qu’on ne porte pas atteinte aux droits civiques et religieux des autres communautés palestiniennes, ni aux droits ou au statut des Juifs dans d’autres pays. La Déclaration est approuvée par les États-Unis, la France et l’Italie.

En décembre 1917, les troupes anglaises s’emparent de Jérusalem, après un mois de combats. La conquête du reste de la Palestine durera jusqu’en septembre 1918. Weizmann, choisi comme président d’une commission sioniste chargée d’aider le gouvernement militaire, arrive à Jérusalem le 1er avril 1918. Il rencontre l’émir Fayṣal (1883-1933), grâce à l’entremise du colonel Lawrence. En janvier 1919, Weizmann et Fayṣal signent un traité prévoyant des rapports cordiaux entre Arabes et Juifs, dont on stimulera l’immigration ; on protégera les droits des Arabes, que l’on aidera dans leur développement économique.

Il semble donc bien que les Arabes acceptent l’établissement des Juifs si on leur donne leur empire. Mais l’Iraq est sous la domination britannique, et, en Syrie, Fayṣal, couronné roi de ce pays, est expulsé par la France en juillet 1920. Aussi les nationalistes arabes réclament-ils la libération de la Syrie, son union avec la Palestine et la lutte contre le sionisme. À la conférence de San Remo, en avril 1920, la Déclaration Balfour est entérinée et incorporée au mandat sur la Palestine, confié aux Britanniques. Un gouvernement civil, qui est dirigé par le haut-commissaire Herbert Samuel (1870-1963), lui-même Juif, remplace l’administration militaire, laquelle n’a pas su éviter des troubles fomentés par le muftī Ḥādjdj Amīn al-Ḥusaynī. Le haut-commissaire amnistie tous les coupables et nomme leur chef grand muftī de Jérusalem. Weizmann développe les activités de l’Exécutif sioniste et fait créer (mars 1921) le « Fonds de reconstruction » (Keren ha-Yesod). Cependant le haut-commissaire, soucieux de calmer les Arabes, qui créent des troubles, suspend l’immigration juive.

La commission sioniste démissionne : c’est la première faille dans les rapports des Juifs avec la Grande-Bretagne. Le Livre blanc publié par Churchill, ministre des Colonies, en juin 1922 apaise les sionistes, en reconnaissant les motifs de la reconstruction, et les Arabes, en déclarant que l’ensemble de la Palestine ne sera pas un foyer juif ; c’est, en fait, un désaveu de la Déclaration Balfour, qui semblait parler d’une prédominance juive. En 1921, le XIIe Congrès sioniste décide la création de l’« Agence juive », organisme représentatif du sionisme. De nouveaux mouvements politiques juifs se créent, tel le parti « révisionniste » très expansionniste, militariste, mal vu des autres tendances, mais qui, plus tard, rencontrera la faveur des masses juives de l’Europe orientale et l’adhésion de la jeunesse. Des associations féminines, comme la « Hadassah » et la « Women’s International Zionist Organisation » (WIZO), voient le jour. C’est, pour le sionisme naissant, la période la plus active.

Jusqu’en 1925, l’immigration se développe favorablement. Elle amène des éléments des classes moyennes qui contribuent au développement urbain. Cependant en 1925, arrivent 34 000 immigrants, fuyant la Pologne, où la vie était intenable ; ils viennent avec de l’argent polonais, produit de la liquidation de leurs biens ; mais la chute spectaculaire du złoty crée en Palestine une redoutable crise. En 1927, il y a 7 000 chômeurs, et des troubles sociaux se produisent. Les secours aux chômeurs entament sérieusement les ressources du Keren ha-Yesod. Le nombre des Juifs qui repartiront dépassera un moment celui des immigrants (jusqu’en 1930).


À partir de 1929

En 1929, l’Agence juive, projetée sept ans plus tôt et comprenant des éléments non sionistes, est constituée. Parmi les orateurs qui paraissent à la séance d’ouverture, il y a Léon Blum et A. Einstein. Pendant l’été de 1929, sur la foi de bruits selon lesquels les Juifs vont envahir la mosquée d’al-Aqṣā, les Arabes massacrent un grand nombre de Juifs. Des troubles ensanglantent Jérusalem, Hébron, Safed. Les Britanniques demeurent « indifférents, inefficaces et même hostiles » (Weizmann). La commission d’enquête conclut à une limitation de l’immigration juive. En même temps paraît à Londres le Livre blanc Passfield, hostile aux Juifs et déterminé à faire cesser l’immigration, faute de terres pour les nouveaux venus. Considérant le document comme incompatible avec le mandat, Weizmann démissionne de sa présidence de l’Organisation sioniste et de l’Agence juive. En février 1931, le Premier ministre britannique, James Ramsay MacDonald, déclare que l’on n’empêchera pas complètement les achats de terres et que l’immigration variera avec les fluctuations de l’économie. Les Juifs acceptent cette mise au point. Mais celle-ci irrite les Arabes, qui accusent MacDonald d’avoir capitulé devant la pression des Juifs. En octobre 1933, les Arabes font grève et manifestent contre les achats de terres et l’accroissement de l’immigration juive, provoquée par l’ascension de Hitler. L’opposition arabe grandit et se fait violente.

Une commission d’enquête dirigée par lord Peel conclut en juillet 1937, à l’impossibilité du mandat, à l’illégalité de la Déclaration Balfour, à propos de laquelle les Arabes n’ont pas été consultés avant sa publication, et à la nécessité d’un partage du pays, accepté par le gouvernement.