Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Singer (Isaac Bashevis) (suite)

Pittoresque d’un univers familier, mais aussi expression passionnée de la spiritualité de l’homme moderne s’unissent dans des récits qui sont de véritables « gestes », à la fois résurrections d’une vie qui peu à peu s’efface et évocations de la richesse d’une tradition saisie sous l’aspect de l’universalité. Et plus ce monde s’éloigne, plus la vision d’Isaac Bashevis se fait précise, plus son style se veut concret, expressif, vivant. On a pu dire que la Vistule coulait au milieu de son bureau d’écrivain. Souvenirs d’enfance, paysages à jamais perdus s’éclairent brusquement et demeurent indéfiniment suspendus, prolongés par l’écriture au-delà des limites du temps. Si la « mort de l’homme » a trouvé en Isaac Bashevis son expression adéquate, c’est dans la survie merveilleuse d’un art à la mesure de l’inquiétude moderne.

A. D.

singspiel

(De l’allem. singen, chanter, et Spiel, jeu.) Spectacle lyrique où le parlé se mêle au chanté, et qui apparaît dans les pays germaniques vers la fin du xviie s.


À l’encontre de l’opera seria, aristocratique et international, le singspiel a un caractère populaire et national. Il met en scène, de même que l’opéra-comique* français et l’opéra* bouffe, des personnages de la vie quotidienne, qui s’expriment dans la langue du pays, parfois même en dialecte local. Ce genre, qui semble d’abord se confondre avec l’oratorio, se manifeste en 1678, lors de l’inauguration de l’Opéra de Hambourg — futur bastion de la lutte contre l’invasion italienne —, avec l’Homme créé, déchu et jugé de Johann Theile (1646-1724), qui met en scène Adam et Ève. Au début du xviiie s., Reinhard Keiser*, alors directeur du même théâtre, fait représenter Die Leipziger Messe (la Foire de Leipzig, 1710), considérée comme le premier singspiel. Ses dons pour le comique s’affirment en 1725 dans deux autres comédies musicales : Der Hamburger Jahrmarkt (la Foire de Hambourg) et Die Hamburger Schlachtzeit (le Temps de la guerre à Hambourg). Mais cette dernière œuvre provoque un scandale, et Keiser renonce au genre, qui connaît une brève éclipse.

Le singspiel ne reprend vigueur que vers 1740-1750 avec le développement de la comédie de collège (Schulkomödie), animée par Johann Ernst Eberlin (1702-1762), Sebastian Sailer (1714-1777) et Franz Meyer von Schauensee (1720-1789), et la comédie-impromptu (stegreif Komödie), dans lesquelles on intercalle des lieder. Il subit d’autre part, en Allemagne du Nord, l’influence du théâtre de la Foire, celle de l’opéra-comique français, du Beggar’s Opera (1728) de John Christopher Pepusch (1667-1752) et de l’opéra bouffe. Le poète saxon C. F. Weisse traduit et adapte des pièces étrangères, qui sont mises en musique par Johann Standfuss († v. 1759) et Johann Adam Hiller (1728-1804). En 1752, Der Teufel ist los (Le diable est déchaîné) de Standfuss s’inspire d’un « ballad opera » de Charles Coffey, The Devil to Pay (1731). Hiller, un peu plus tard, s’impose comme le premier maître incontesté du genre avec les singspiels Lisuart und Dariolette (1766), tiré de l’opéra-comique la Fée Urgèle d’Egidio Romualdo Duni (1709-1775), Die Jagd (la Chasse, 1770), Der Dorfbarbier (le Barbier de village, 1771), etc., la plupart suggérés par des livrets de Sedaine ou de Favart et dont les partitions, émaillées d’airs populaires, de duos, de chœurs, tendent vers la simplicité et le naturel. Parmi les autres compositeurs, il faut citer Ernst Wilhelm Wolf (1735-1792), Anton Schweitzer (1735-1787) et Johann André (1741-1799), qui mettent en musique des singspiels de Goethe, Georg Benda (1722-1795), Johann Rudolf Zumsteeg (1760-1802) et Christian Gottlob Neefe (1748-1798), le maître de Beethoven.

En Allemagne du Sud, où l’école viennoise est particulièrement florissante, l’influence française domine et fusionne avec les tendances romantiques allemandes. Karl Ditters von Dittersdorf (1739-1799), Ignaz Umlauff (1746-1796), Ferdinand Kauer (1751-1831), Johann Baptist Schenk (1753-1836), Paul Wranitzky (1756-1808), Wenzel Müller (1759 ou 1767-1835) et Joseph Weigl (1766-1846) sont les principaux représentants du singspiel viennois, orienté tantôt vers le drame bourgeois, tantôt vers les sujets exotiques, bouffons ou fantastiques. À travers leurs œuvres se crée un double courant : l’un symbolisé par Das Donauweibchen (la Petite Femme du Danube, 1798) de Kauer, qui aboutira à l’« opérette allemande » ; l’autre, plus noble, favorisé par quelques grands musiciens, qui élèvent le genre à un niveau supérieur. Le premier, Gluck* écrit quelques vaudevilles français dans la langue originale, comme l’Ivrogne corrigé (1760), le Cadi dupé (1761) et les Pèlerins de La Mecque (1764), dont le livret, inspiré de Le Sage, préfigure celui de l’Enlèvement au sérail. Après lui, Mozart*, auteur de nombreux opéras italiens, recherche une expression nationale et fait, pour cette raison, appel à sa propre langue. Ses singspiels révèlent une progression décisive. Tandis que, dans Bastien et Bastienne (1768), il se sert d’un livret de Favart et prend Hiller pour modèle, il introduit plus tard dans l’Enlèvement au sérail (1782), où l’on retrouve encore les types conventionnels de la turquerie, des éléments populaires et exprime dans un genre qu’il semble découvrir les idées romantiques de délivrance et d’émancipation. Enfin, dans la Flûte enchantée (1791), il prend pour sujet un conte fantastique allemand et, tout en restant fidèle à l’esthétique du singspiel, crée un opéra spécifiquement national. Après lui, Beethoven*, avec Fidelio (1805), emprunte encore son sujet à un livret français de J. N. Bouilly (Léonore, ou l’Amour conjugal), mais accorde plus d’importance à la musique, qui, maintenant, déborde le drame.

Au xixe s., le sentiment national, intime ou populaire, se traduit avec une force accrue chez E. T. A. Hofmann*, Franz Schubert*, mais surtout chez C. M. von Weber*, qui, avec le Freyschütz (1821), donne son essor à l’opéra romantique allemand.

A. V.

➙ Opéra bouffe / Opéra-comique.