Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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sidérurgie (suite)

Historique

Les plus anciennes traces de fer travaillé, trouvées à Our et datant de 3000 av. J.-C., proviennent de fer météorique d’origine sidérale. C’est dans les régions voisines du Caucase, vers 1600 av. J.-C., que se situe le berceau de la sidérurgie, d’où elle émigra aussi bien vers l’ouest que vers le sud et l’est, parmi différents peuples de ces contrées, les Chalybes, les Hittites et les Scythes. On trouve ainsi des objets en fer à partir de 1300 en Palestine, 1100 en Grèce, 800 en Inde et 600 av. J.-C. en Chine. Une importante voie de pénétration de la sidérurgie en Europe centrale a été la vallée du Danube (civilisation de Hallstatt vers 800 av. J.-C. et civilisation de La Tène vers 500 av. J.-C.), qui lui permit d’atteindre les régions celtiques et hispaniques vers 450 et l’Angleterre vers 300 av. J.-C.


De l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge

Les techniques de bas fourneau, ou bas foyer, ont peu évolué : le minerai de fer généralement riche était réduit par du charbon de bois disposé en couches, dans un four primitif de petites dimensions. Au trou creusé dans le sol s’est substitué un four à cuve avec briquetage qui s’élève progressivement au-dessus du sol de 1 à 2 m et dont le tirage d’air naturel est remplacé par un soufflage à la base de la charge dans des conduits ou tuyères où l’air est envoyé par des soufflets actionnés manuellement. On retirait du bas fourneau une éponge de fer pâteuse qui devait être débarrassée de sa gangue (charbon de bois, minerai non réduit, scorie, cendres) par martelage ou cinglage manuel avec réchauffage de la masse, jusqu’à l’obtention d’une loupe de fer utilisable et parfois légèrement carburée (procédé catalan). Les objets étaient confectionnés par forgeage de masses plus ou moins importantes et soudage entre elles.


Du xve à la fin du xviie s.

La sidérurgie est caractérisée par l’apparition du haut fourneau, dans la région de Liège, par extension progressive du bas fourneau. De hauteur certes limitée à environ 8 m, le haut fourneau à charbon de bois nécessite une consommation notable de bois, correspondant à l’exploitation annuelle d’environ 100 ha de bois pour une production journalière du four de l’ordre de 3 t de fonte à l’état liquide. Cette fonte était utilisée soit pour le moulage d’objets, dont les premiers datent du début du xve s., soit pour être transformée en fer par affinage oxydant et décarburant. L’affinage consistait à refondre les gueuses de fonte dans un four à charbon de bois en présence de scories oxydantes ; les procédés régionaux, différents par des détails technologiques de refusion de la fonte, étaient nombreux (méthodes wallonne, allemande, styrienne, bourguignonne, comtoise, champenoise, nivernaise). La masse ou loupe de fer, de 10 à 25 kg, ainsi obtenue était impure et spongieuse. Aussi devait-elle être forgée à chaud, ou cinglée à l’aide de marteaux hydrauliques pour aboutir à une barre dense et géométrique.


Du début du xviiie s. jusqu’au milieu du xixe s.

D’importants progrès apparurent en Angleterre qui modifièrent la sidérurgie. En raison de la forte consommation de charbon de bois dans les hauts fourneaux — qui aboutit à de notables déboisements de certaines régions —, des essais infructueux furent faits pour remplacer le charbon de bois par la houille, ou charbon de terre. En 1709, Abraham Darby (1678-1717) mit en service le premier haut fourneau à coke, qui permit d’atteindre de plus hautes températures et d’élaborer des fontes de meilleure qualité dans des conditions plus économiques. L’affinage de la fonte ainsi élaborée nécessitait une amélioration qu’apporta Henry Cort en 1784 par l’invention du puddlage : la fonte est fondue sans être en contact avec le combustible, dans un four réverbère à flamme avec une sole réfractaire ; par un brassage énergique du bain en fusion à l’aide d’un ringard, la fonte est décarburée grâce à l’action de l’oxygène de l’air, et une scorie visqueuse se forme. La loupe de fer pâteuse d’environ 30 kg ainsi péniblement rassemblée par l’ouvrier doit être ensuite cinglée pour éliminer les scories entraînées. Ce procédé d’affinage a été utilisé jusqu’à la fin du xixe s. sous sa forme originale, puisque la tour Eiffel (1889) est constituée par du fer puddlé.

Pour la fabrication de l’acier, vers 1740, l’Anglais Benjamin Huntsman réussit à fondre dans un creuset des charges hétérogènes de barres de fer doux et de barres de fer partiellement carburé ; ainsi naquit l’acier fondu au creuset, de meilleure qualité, mais coûteux en raison de la limitation des charges et qui fut réservé à la confection des outils.

À cette même époque, René Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757), à la suite de ses travaux sur l’Art de convertir le fer forgé en acier et l’art d’adoucir le fer fondu (1722), mit au point un procédé de malléabilisation de la fonte blanche par décarburation superficielle et transformation à cœur ; cette fonte malléable dite « à cœur blanc » résulte du traitement des pièces placées dans des caisses en contact avec un mélange oxydant de minerai, de cendres, de chaux et de charbon de bois.


La seconde moitié du xixe s.

Au cours de cette période apparurent les procédés d’aciérie qui bouleversèrent la sidérurgie et permirent d’assurer les productions demandées par l’essor industriel de cette époque ; avec des appareils améliorés de plus grande capacité, ces procédés sont toujours utilisés actuellement.

En 1855, le métallurgiste anglais sir Henry Bessemer (1813-1898) réalisa l’affinage de la fonte en acier par soufflage d’air à travers le bain de fonte en fusion dans une cornue réfractaire, ou convertisseur. En raison du revêtement acide du convertisseur, le procédé ne pouvait s’appliquer aux fontes phosphoreuses du bassin lorrain. Les Anglais Sidney Gilchrist Thomas et Percy Carlyle Gilchrist remplacèrent en 1876 le revêtement acide par un revêtement basique de dolomie et de magnésie.