Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sicile

En ital. Sicilia, île italienne de la Méditerranée.
Avec une superficie de 25 708 km2 et une population de 4,6 millions d’habitants, la Sicile est la plus grande île de la Méditerranée. De forme triangulaire, bordée par la mer Tyrrhénienne au nord, la mer Ionienne à l’est, la mer de Sicile au sud, elle n’est séparée de l’Italie péninsulaire que par le détroit de Messine (3 km de large). Son territoire est prolongé par de petits archipels, les îles Éoliennes (ou Lipari) et Ustica au nord, les îles Égates à l’ouest, les îles Pantelleria et Pelage au sud. Elle occupe, au centre de la Méditerranée, une position de carrefour fondamental dont la signification économique et politique a varié au cours des siècles. La Sicile a acquis une originalité très forte à l’intérieur de la nation italienne, qui se marque par le statut d’autonomie régionale qui lui a été conféré dès 1948.


La géographie


Le milieu

En réalité, sur le plan physique, on est tenté de distinguer non pas une Sicile, mais « des Siciles ». Ce fait se précise avec les données du relief et de la structure. La Sicile est un ensemble dissymétrique. Au nord, prolongeant la Calabre, une barrière montagneuse, peu élevée mais vigoureuse, court sur 250 km le long de la côte, isolant la « riviera » de l’intérieur. Elle commence à l’est avec les monts Péloritains (1 374 m d’altitude à la Montagna Grande), axe cristallin enveloppé de calcaires. Puis les hauteurs argilo-schisteuses des monts Nebrodi (1 847 m au monte Soro) et les calcaires des monts Madonie (1 977 m au pic Carbonara) prennent le relais. Sur la côte orientale, les reliefs sont moins continus, mais tout aussi originaux. À l’extrême sud se dressent les plateaux calcaires des monts Iblei (985 m au mont Lauro), coupés de gorges profondes. Ils se terminent vers le nord au-dessus de la plaine alluviale de Catane, ample et fertile dépression de 30 km sur 50. Entre celle-ci et le cordon montagneux septentrional se dresse, jusqu’à 3 263 m d’altitude, la masse volcanique de l’Etna (1 570 km2) avec une couronne de terrains fertiles sur ses basses pentes. Les îles entourant la Sicile sont, comme l’Etna, d’origine volcanique (Vulcano, Stromboli, Pantelleria). Le reste de la Sicile, formant les trois quarts de la superficie, est une immense étendue de collines, s’élevant jusqu’à 700 m d’altitude. Constituées essentiellement d’argiles ou de sable, coupées d’affleurements calcaires ou gypseux, elles sont le domaine des « frane » (glissements de terrains). Ces collines se terminent par des plaines côtières basses, régulières, longtemps inhospitalières. Cette terre connaît depuis toujours les méfaits des « frane », des éruptions volcaniques, des tremblements de terre.

Le climat a aussi ses contraintes : méditerranéen avec un hiver doux et pluvieux, un été chaud et sec, il est marqué par une grande irrégularité. L’hiver peut être rigoureux, les longues sécheresses estivales entraînent des catastrophes. Il n’y a pas, du reste, uniformité. La Sicile tyrrhénienne est bien arrosée et a des températures modérées. La Sicile ionienne est plus sèche, un peu plus chaude, plus lumineuse. La Sicile méridionale a des traits africains (moins de 400 mm de pluies) avec la présence du sirocco. La Sicile intérieure présente des nuances continentales avec de grandes amplitudes thermiques. Enfin, en altitude, une nuance de climat montagnard apparaît. Tout cela retentit sur la végétation. C’est une végétation méditerranéenne très dégradée, avec des formes d’étagement et où se mêlent des espèces subtropicales. Quant aux cours d’eau, ils sont de longueur très variable, mais leur régime est toujours irrégulier. À côté de quelques cours d’eau (Simeto, Alcantara, Salso, Belice) qui ont une certaine importance, d’autres sont de simples torrents, totalement à sec en été.


La population et l’économie

Ce ne sont pourtant pas les conditions naturelles qui expliquent la pauvreté sicilienne. Ce fut dans l’Antiquité une terre riche, mais l’île a subi une succession d’occupations, de colonisations. Les Grecs, les Romains, les Arabes, les Normands, les Angevins ont laissé leur marque dans le paysage et la société de la Sicile. Le passage à l’Espagne a enfermé l’île dans un immobilisme social que l’unité italienne n’a pas brisé ; aussi de forts particularismes, dont la Mafia n’est qu’un aspect, se sont-ils conservés. L’absence de croissance économique, durant des décennies, a suscité de puissants mouvements migratoires. En 1861, la Sicile comptait 2,4 millions d’habitants. Le doublement de la population est dû à de forts taux de natalité face à une mortalité faible. Mais cette pression démographique serait bien plus grave s’il n’y avait eu des centaines de milliers de départs vers l’Amérique, les régions industrielles de l’Europe ou l’Italie du Nord. Aujourd’hui, l’allégement démographique est certain. Entre 1961 et 1971, la Sicile a vu sa population globale diminuer de 54 000 personnes, alors que le croît naturel fut de 571 000 personnes. Ainsi, 625 000 Siciliens ont quitté l’île durant cette période. C’est là une preuve de la persistance du chômage et du sous-emploi. Le revenu par habitant est inférieur de plus de la moitié à celui de la Lombardie ou du Piémont. En dépit de très grands progrès ces dernières années, la Sicile demeure une terre de pauvreté. Les activités agricoles conservent une grande importance (29 p. 100 de la population active). L’organisation de l’agriculture a été transformée par la réforme agraire et les travaux de bonification. Le capitalisme agraire, les rentiers de la terre, le morcellement, la faible productivité n’ont pas été éliminés, mais on a porté atteinte à l’extension des grands domaines (le « latifondo ») par une redistribution des terres à de petits propriétaires.

Pour les productions, on peut schématiquement diviser l’île en deux parties. La Sicile interne est le domaine de la céréaliculture extensive et de certaines cultures, comme les fèves, accompagnées d’un élevage limité. Les zones côtières portent des cultures plus variées avec des secteurs spécialisés. Si l’olivier et le caroubier sont en déclin, la vigne a toujours une grande valeur, à l’ouest autour d’Alcamo et de Marsala, à l’est près de Catane et de Pachino. Des arbres fruitiers comme l’amandier ou le pistachier pourraient faire l’objet de plus de soins. Le coton recule, tandis que les cultures maraîchères progressent, notamment les tomates à Milazzo et à Vittoria. La grande nouveauté est la forte extension des agrumes dans la conque d’Or (Palerme) et sur la côte orientale. Cette culture, irriguée, intensive, s’étend sur 70 000 ha et représente les deux tiers de la production nationale (90 p. 100 pour les citrons). Traditionnelle ressource d’exportation, les agrumes sont menacés par la concurrence étrangère. La pêche est également une activité en recul. Le cinquième des prises nationales provient de Sicile, du sud-ouest surtout (Mazara del Vallo) ; c’est la capture du thon qui donne les plus forts tonnages, mais l’épuisement des fonds comme la concurrence étrangère sont des sources d’inquiétude. L’industrie a, par contre, connu des développements notables ; elle occupe désormais 34 p. 100 des actifs. Cela est dû à l’action de l’État, de la région et de quelques grandes entreprises parapubliques ou privées. Il y a d’abord un certain nombre d’industries traditionnelles, dont la situation n’est pas toujours brillante. L’extraction du soufre et du sel est en déclin. Le travail des textiles, l’industrie alimentaire progressent peu. Les industries mécaniques — en dépit des chantiers navals (Palerme), de l’établissement Fiat (Termini Imerese) — n’ont pas un grand poids. Seul le bâtiment est prospère et entraîne l’activité des carrières. Pourtant, le sous-sol a été redécouvert avec l’exploitation de la potasse et surtout l’extraction du pétrole à Gela (ENI) et Raguse (Gulf Italia). La Sicile produit 90 p. 100 du pétrole italien. Mais elle en importe beaucoup plus pour alimenter les raffineries de Gela, de Raguse, d’Augusta, de Milazzo. Le pétrole a été à l’origine de la mise en place d’une industrie chimique. Un véritable complexe industriel est né, au nord de Syracuse, à Augusta. Les entreprises chimiques (Celene ; Sincat, du groupe Montedison) produisent de nombreux articles (soude, potasse, ammoniaque, polyéthylène, engrais). Autour se sont fixées des cimenteries, des industries mécaniques, de la chimie de transformation ; au total, plus de 15 000 personnes travaillent ici. Une autre zone industrielle a été créée à Catane avec un certain nombre de petites et de moyennes entreprises. Des résultats ont donc été obtenus sans pour autant offrir des emplois à tous les demandeurs.