Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Shikoku

Île du Japon.


C’est la moins étendue (18 778 km2) et la moins peuplée (4 150 000 hab.) des quatre grandes îles japonaises. La densité moyenne est seulement de l’ordre de 220 habitants au km2, inférieure d’un quart à la moyenne nationale.

Les caractères d’ensemble en ont été présentés à l’article Japon. Contrairement à Hokkaidō, étroitement centralisée autour de Sapporo, Shikoku ne présente guère d’unité régionale, mais se trouve écartelée en quatre sous-régions correspondant aux quatre préfectures (Kagawa, Ehime, Tokushima et Kōchi), dont les chefs-lieux (Takamatsu, Matsuyama, Tokushima et Kōchi) lui donnent un réseau urbain quadricéphale. Ces villes se trouvent toutes à proximité du rivage comme aussi les plaines qui les renferment, ce qui renforce la disposition centrifuge des hommes et de leurs activités. Il est possible toutefois, en groupant ces régions par deux, de diviser l’île en une moitié septentrionale (préfectures d’Ehime et surtout Kagawa [où la densité avoisine 500 habitants au km2]), aux plaines étendues, relativement riche et peuplée et ouverte sur la mer Intérieure, et une moitié méridionale, plus excentrique, montagneuse et moins active, riveraine du Pacifique (la densité n’est guère supérieure à 100 habitants au km2 dans la préfecture de Kōchi).

• La région septentrionale appartient au bassin de la mer Intérieure, et ses paysages diffèrent peu de la région d’en face : le Chūgoku ; des collines granitiques morcelées et ravinées par une érosion intense y donnent les deux grands promontoires de Takanawa et de Sanuki ainsi que les îles qui les prolongent au large, tandis qu’entre eux une zone déprimée tectoniquement correspond à la baie de Hiuchi. Ces collines accidentent aussi les deux plaines principales, Sanuki et Matsuyama. Cet ensemble bute contre la grande dislocation médiane qui limite au sud cette zone et, climatiquement, arrête les influences méridionales, entretenant ici une sécheresse exceptionnelle pour le pays (1 m de pluie à Takamatsu, 1,50 m à Matsuyama).

Ces plaines ont été occupées très anciennement et des traces du parcellaire « jōri » datant du viie s. y guident encore le réseau des canaux et des digues. L’habitat rural y est toutefois exceptionnellement dispersé pour le Japon, et quelques villages ne se voient qu’à l’ouest, vers Matsuyama. L’agriculture est ici intensive et la sécheresse a obligé les hommes, dès le haut Moyen Âge, à creuser d’innombrables étangs artificiels nécessaires à la riziculture. Avec le riz alternent le blé, le tabac, les navets et les patates. Une grande variété d’arbres fruitiers a toujours été entretenue ici, agrumes, vigne et pêchers surtout, dont les superficies se sont accrues récemment. L’étendue moyenne des exploitations (de 0,5 à 1 ha) est inférieure à la moyenne nationale, et le revenu demeure bas en dépit de cette savante polyculture.

Aussi, une part importante du revenu familial est-elle d’origine urbaine. Si l’émigration vers la région industrielle d’Ōsaka continue, elle est contrebalancée de plus en plus par l’industrialisation croissante de cette zone, dans le cadre général de la mégalopolis. Alors toutefois que l’est (Kagawa) manque d’eau douce et n’a guère de polders manufacturiers qu’à Takamatsu et Sakaide (pétrochimie, chantiers navals Kawasaki), la préfecture d’Ehime à l’ouest est devenue l’un des secteurs les plus actifs de la ceinture industrielle japonaise. Les produits chimiques représentent 40 p. 100 de la production en valeur ajoutée, suivis des métaux non ferreux (14 p. 100), des textiles (11 p. 100) et de l’outillage (11 p. 100). Ces activités se groupent sur le rivage en deux foyers majeurs, Niihama et Matsuyama. Niihama (150 000 hab.) est avant tout le siège de la société Sumitomo. Fondée à l’origine sur les mines de cuivre de Besshi — raffiné sur place et dans l’île voisine de Shisaka —, celle-ci a diversifié ses activités depuis la guerre : pétrochimie et outillage surtout, en grands établissements de plusieurs milliers d’ouvriers et une trentaine de moins importants structuralement reliés aux premiers. Ces usines se localisent sur des polders littoraux, principalement autour du port de Niihama. Celui-ci importe houille et coke, pétrole et métaux et exporte outillage, engrais, produits métalliques et matières plastiques. Le secteur de Matsuyama met davantage l’accent sur la pétrochimie (société Maruzen notamment) et les fabrications qui en découlent, surtout les textiles synthétiques. Le centre de Saijō a été désigné comme « nouvelle région industrielle » par le gouvernement et doit se consacrer aux industries mécaniques lourdes.

Les deux cités majeures sont Takamatsu et Matsuyama (300 000 hab. chacune), la première, outre son rôle préfectoral, faisant fonction de capitale judiciaire et intellectuelle pour l’ensemble de Shikoku, la seconde prenant toutefois une importance croissante en tant que chef-lieu de la préfecture la plus industrialisée et centre elle-même de la plus importante région manufacturière de l’île. Entre elles et non loin de Niihama, Imabari (150 000 hab.) tire son activité du travail des textiles, en particulier du coton.

• La région méridionale (Tokushima et Kōchi) se ferme au contraire de massives montagnes et ne s’ouvre qu’en d’étroites plaines donnant sur le Pacifique. Le climat accuse des nuances tropicales marquées par la violence et le nombre des typhons, les étés longs et étouffants, la très forte pluviométrie (2,65 m par an à Kōchi). Ici seulement, une double récolte annuelle de riz est possible, tandis que la douceur des hivers favorise les cultures de primeurs irriguées. Cette agriculture reste traditionnelle aussi bien dans les plaines que dans les montagnes, où certaines plantes, comme le « mitsumata », matière première du papier traditionnel, demeurent l’objet d’une exploitation active. Les habitations rurales se protègent des typhons derrière de hautes murailles de pierre dans les villages de pêcheurs où subsistent, autre trait hérité du passé, maintes communautés de parias. La densité de peuplement demeure faible pour le pays (Kōchi : 112 hab. au km2 contre 486 pour Kagawa et 267 encore pour Ehime) en raison de l’isolement, de l’émigration vers le Kansai et de l’absence d’industries. Kōchi a des activités traditionnelles : papier, corail, et fabrique des armes à feu. Tokushima est en train de se donner une zone industrielle maritime qui recevra des installations pétrochimiques ; elle tend ainsi à se rattacher à la façade nord de Shikoku, tandis que Kōchi en perpétue l’isolement ancien.

J. P.-M.