Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sheffield (suite)

De nos jours, on a renoncé à la production de la fonte. Mais de puissantes aciéries traitent les ferrailles et les fontes importées à Sheffield (Tinsley Parle), à Rotherham (Parkgate) et dans la vallée de la Rother, à Renishaw, à Staveley et à Chesterfield. Des fours Martin et des fours électriques produisent des aciers et des ferro-alliages de haute qualité : aciers inoxydables, aciers à outil, aciers magnétiques, aciers à coupe rapide ou thermorésistants. Les quantités obtenues sont relativement faibles (3 Mt, dont 1 Mt à Sheffield même), mais leur prix élevé vaut à Sheffield, en valeur, sinon en poids, le titre de capitale britannique de l’acier. Les forges et les laminoirs transforment les lingots en tubes, en barres, en ronds, en essieux, en arbres de transmission, en plaques de blindage, en tôles spéciales, etc.

Sheffield est aussi depuis le xive s. la capitale de la coutellerie. La qualité de l’acier, l’abondance des grès fins utilisables par les meules, l’eau pure et acide des rivières de montagne aptes à la trempe des métaux sont à l’origine d’une industrie qui s’est ensuite consolidée par la transmission de père en fils des secrets de fabrication. Sheffield fabrique tous les objets coupants, mais aussi les couverts de table, la vaisselle métallique (théières, etc.) et les objets plaqués de métaux précieux. Cette industrie, morcelée en petites entreprises, a gardé sa localisation traditionnelle au coude du Don, alors que la métallurgie lourde recherche les espaces plats de fond de vallée, plus en aval.

L’essor démographique de Sheffield a été très rapide au xixe s., plus lent au xxe s. : 12 000 habitants en 1750, 46 000 en 1801, 135 000 en 1851, 410 000 en 1901, 542 000 (maximum) en 1951. La population diminue de nos jours (513 000 en 1971), du fait de la démolition des vieux quartiers victoriens et du relogement à la périphérie ; de même, la population stagne ou diminue dans les autres villes de la vallée du Don.

Bien qu’elle soit la plus grande ville du Yorkshire, Sheffield a une position trop excentrique dans son comté et trop proche de la montagne déserte pour avoir un grand rayonnement administratif ou commercial ; sa zone d’influence ne dépasse pas l’agglomération. L’université ne date que du début du xxe s. et a longtemps fait figure d’une simple annexe de l’industrie ; on y enseigne surtout la physique, la mécanique et la métallurgie ; néanmoins, l’enseignement tend à se diversifier (architecture, médecine et psychologie). Les bâtiments modernes de l’université et la reconstruction d’un centre commercial à plusieurs niveaux témoignent de la volonté des édiles d’améliorer l’image d’une ville qui reste trop marquée par l’industrie.

C. M.

Shelley (Percy Bysshe)

Poète anglais (Field Place, près de Horsham, Sussex, 1792 - Lerici 1822).


Shelley, Byron*, « Julian » et « Maddalo » (d’après Julian and Maddalo [1818], poème où Shelley rapporte leurs conversations en Italie) : deux noms célèbres dans la grande aventure du romantisme anglais. Leur tempérament les oppose. L’amitié les pousse l’un vers l’autre. Leur soif de liberté les unit. Byron s’installe dans le cynisme. Shelley — dans la pure lignée de William Blake — s’abandonne à l’exaltation. L’un se distingue à Cambridge par mille excentricités. L’autre se fait chasser d’Oxford en écrivant un pamphlet subversif (The Necessity of Atheism, 1811).

Liberté, pour Shelley, signifie, avant tout, refus. Et, pour commencer, refus de l’autorité paternelle, celle du digne et riche Timothy Shelley, membre du Parlement, qui ne voudra plus entendre parler de son fils, même mort. S’alimentant à la lecture de Political Justice (1793) du philosophe William Godwin, son ardeur contestataire s’exerce contre les valeurs traditionnelles : Dieu, religion, rois, prêtres, tous les tyrans détenteurs de l’autorité (Queen Mab, 1813). Elle s’exprime aussi dans des satires : Masque of Anarchy (1819 ; publié en 1832), sur le « massacre de Peterloo » ; Peter Bell the Third (1819) sur Wordsworth*, et Œdipus Tyrannus, or Swellfoot the Tyrant (1820), sur les démêlés de la reine Caroline et de George IV. Dans Laon and Cythna (1817), devenu The Revolt of Islam (1818) et inspiré par la Révolution française, Shelley lance — dans cette forme désordonnée caractéristique de nombre de ses poèmes — un appel passionné à la révolte. Il rêve d’une humanité meilleure, où le poète doit jouer le rôle essentiel de « législateur », et son essai Defence of Poetry (1821) confirme cette attitude. Son idéalisme quelque peu utopique l’entraîne d’abord en Irlande (fév. 1812) avec Harriet Westbrook, enlevée de manière fort romanesque, mais épousée très légalement à Édimbourg en 1811, en dépit des idées que le poète professe sur l’amour libre. Venu engager le combat pour la tempérance et aussi l’émancipation des catholiques, Shelley tient meeting et distribue des tracts de sa main (Address to the Irish People). Il poursuit ensuite son action zélatrice dans le Devon et le pays de Galles (avr. 1812), et il rédige également Letter to Lord Ellenborough, défense du droit d’expression. La manifestation la plus réussie de sa soif de liberté, Shelley l’inscrit, à travers le clair symbole de Prométhée triomphant, dans Prometheus Unbound (1819), un de ses poèmes sous forme dramatique, comme l’est la tragédie lyrique The Cenci (1819), pièce essentiellement à lire. La liberté, Shelley la trouve encore en délaissant sa femme pour Mary Godwin, propre fille de son maître à penser, ce qui brise les relations entre le maître et le disciple. Le suicide d’Harriet lui permet d’ailleurs d’épouser Mary en 1816. Après plusieurs voyages sur le continent, Shelley se fixe définitivement en Italie en 1818. Une tempête dans le golfe de la Spezia en 1822, en détruisant son bateau Ariel, lui donne une mort romantique à la mesure de son existence. Elle le délivre du « rêve agité de la vie », alors qu’il travaillait encore à The Triumph of Life, où passe l’influence de Dante et de Pétrarque.