Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Action catholique (suite)

Généralement issus d’initiatives d’anciens militants des mouvements de jeunesse, des mouvements adultes de l’Action catholique vont, en effet, se constituer. En 1935 apparaît la Ligue ouvrière chrétienne, qui donnera naissance à plusieurs organisations chrétiennes : quelques-unes s’orienteront vers l’action sociale et politique, avant que ne se constitue en 1950 l’Action catholique ouvrière (A. C. O.). En 1937 naît le Mouvement d’ingénieurs et de chefs d’industrie de l’Action catholique (M. I. C. I. A. C.). En 1941 naissent le Mouvement familial rural (M. F. R.) et l’Action catholique indépendante (A. C. I.). D’autres mouvements plus spécialisés encore apparaissent dans certains milieux socio-professionnels très particuliers, comme les professions sanitaires et sociales.

À côté de cette Action catholique dite « spécialisée », c’est-à-dire regroupant des militants appartenant à un certain milieu social, l’épiscopat favorise la naissance d’une Action catholique « générale », destinée à remplir des tâches apostoliques d’ensemble dans la paroisse et dans le pays. En 1931, le Comité central de l’Action catholique s’emploie à orienter dans ce sens l’évolution de la Fédération nationale catholique, de la Ligue patriotique des Françaises et de la Ligue des femmes françaises — organisations créées pour lutter contre la politique antireligieuse de la IIIe République et très marquées par un esprit conservateur. Diverses étapes seront nécessaires pour que cette évolution aboutisse, en 1954, à la création de l’Action catholique générale des hommes (A. C. G. H.) et de l’Action catholique générale des femmes (A. C. G. F.). Il s’agit d’organisations puissantes, ayant des effectifs très nombreux et qui prennent souvent une part importante dans l’animation de la vie paroissiale.

Mais on peut dire que le fer de lance de l’Action catholique reste les mouvements spécialisés, dont l’action se déploie hors des structures proprement ecclésiales. Beaucoup de ces mouvements ont cependant connu des crises. Celles-ci sont nées le plus souvent du fait qu’ils ont eu des difficultés à harmoniser l’évangélisation et l’action temporelle.


Difficultés et orientations nouvelles

À la suite de la J. O. C., ces mouvements estiment, en effet, que, pour annoncer le message chrétien, il faut supprimer dans la société les structures qui empêchent les hommes de vivre selon ce message. La J. O. C., elle, prépare les jeunes ouvriers à l’action par des campagnes pour la formation professionnelle des jeunes, contre le chômage, etc. Les adultes de l’A. C. O. sont invités à militer individuellement dans les diverses organisations politiques, syndicales et sociales du mouvement ouvrier au coude à coude avec les incroyants et à se retrouver dans les équipes de l’Action catholique pour faire en commun la critique de leur action et de leur vie par rapport à l’évangile : c’est la « révision de vie » selon la méthode « Voir, juger, agir ».

Mais la transposition de ces principes dans des milieux qui n’ont ni l’homogénéité ni la spécification de la classe ouvrière est difficile. Quand les militants de l’Action catholique y découvrent l’importance des structures temporelles, ils sont tentés d’engager directement leurs mouvements en tant que tels dans l’action sociale et politique. En outre, les limites de classes apparaissant moins nettes que dans le monde ouvrier, ils réclament une meilleure articulation entre mouvements de milieux différents : l’Action catholique ouvrière refuse cela. Elle redoute que les ouvriers chrétiens ne soient noyés dans la masse des catholiques.

C’est ainsi qu’une crise provoque en 1956 la disparition, de fait, de la vieille A. C. J. F. Après la Seconde Guerre mondiale, celle-ci s’était renforcée, mais les dirigeants de la plupart des mouvements membres — sauf la J. O. C. et, avec des nuances, la J. I. C. — ressentaient le besoin de mieux coordonner leur action pour faire face aux problèmes communs à la jeunesse de tous les milieux sociaux (par exemple, le développement de l’enseignement technique, qui intéresse aussi bien la J. E. C. que la J. O. C. ou la J. A. C.). En 1954, on en vient à proposer de nouveaux statuts qui feraient pratiquement de l’A. C. J. F. non plus une fédération, mais un mouvement à cinq branches. La J. O. C. s’y oppose. Elle obtient le soutien de la hiérarchie, qui demande à l’A. C. J. F. d’accepter la loi de l’unanimité. La J. O. C., en ne participant pas aux votes, réduit l’A. C. J. F. à n’être qu’une table ronde. En 1956, le président et le secrétaire général démissionnent. Ils ne seront pas remplacés.

La J. A. C. est particulièrement sensible à cet échec. Le milieu rural n’a plus rien d’une classe sociale : il comprend à la fois des gros et des petits agriculteurs, des ouvriers agricoles, des commerçants, des artisans, des ouvriers d’entreprises industrielles implantées dans les campagnes ou les petites villes, etc. Cette évolution s’est beaucoup accentuée au cours des dernières années. Aussi, en 1964, la J. A. C. devient le M. R. J. C. (Mouvement rural de la jeunesse chrétienne), qui comprend plusieurs branches (agriculteurs, artisans, etc.). La J. A. C. F. se transforme en M. R. J. C. F. avant de se fondre avec le M. R. J. C. dans un mouvement mixte. Le M. R. J. C. n’a pas de branche scolaire : dans ce domaine, il collabore étroitement avec la J. E. C. Ainsi, ces deux mouvements ont, en quelque sorte, reconstitué ensemble une petite A. C. J. F. telle qu’ils la souhaitaient en 1956.

Mais l’un et l’autre ont tendance à faire de la mise en place de structures temporelles plus justes un préalable à l’évangélisation et, donc, à privilégier l’action sociale et politique. Parce que l’épiscopat s’oppose à une telle orientation, des crises graves éclatent au sein de la J. E. C. en 1957 et en 1965, et au sein du M. R. J. C. en 1965. Les évêques souhaitent, en effet, que les chrétiens prennent à titre personnel des engagements dits « temporels », mais refusent que des mouvements, qu’ils considèrent comme mandatés par la hiérarchie, n’engagent l’Église sur le terrain proprement politique.