Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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sexualisation (suite)

Chez les Urodèles, la différenciation sexuelle étant atteinte, le testicule supprime le développement ovarien du partenaire femelle ; les gonades femelles peuvent être plus ou moins stériles. La prévalence mâle se manifeste comme dans les free-martins de Bovidés ; elle suggère la présence d’une substance embryonnaire, ou inducteur embryonnaire, émise par le partenaire mâle, substance qui, passant dans le partenaire femelle, inhibe le développement des ovaires.

Chez les Anoures, la prévalence du partenaire mâle existe également, mais elle dépend de la distance séparant les gonades des deux partenaires. Tout se passe comme si la substance embryonnaire mâle diffusait moins chez la Grenouille et pas du tout chez le Crapaud. Les animaux en parabiose présentent une grande mortalité au moment de la métamorphose, parfois de 100 p. 100. Des phénomènes immunologiques doivent intervenir. Aux actions des inducteurs embryonnaires s’ajoutent certainement des réactions immunitaires entre les deux partenaires ; des anticorps pourraient modifier les différenciations sexuelles.

Les free-martins des Bovidés, les résultats des greffes de Humphrey et le comportement des parabiontes fournissent des résultats concordants ; les gonades, dès leur différenciation, élaborent des substances capables d’inhiber le sexe opposé et même de provoquer une inversion du sexe génital, c’est-à-dire du phénotype sexuel.

Chez les Oiseaux, Étienne Wolff (1946), par des expériences de greffe, mettait en évidence l’existence d’hormones embryonnaires ; des castrations (1949) et des parabioses in vitro (1951) confirmaient les conclusions antérieures. Un testicule embryonnaire de poulet transplanté dans un embryon hôte de poulet de sexe femelle entraîne la masculinisation de ce dernier ; les canaux de Müller régressent. La greffe d’un ovaire embryonnaire dans un embryon hôte de sexe mâle provoque la transformation de son testicule gauche en ovotestis ; il y a donc féminisation de l’embryon hôte.

Quelle est la nature de ces substances, inducteurs embryonnaires, hormones sexuelles ? La question reste posée.


Action des hormones sexuelles sur la différenciation sexuelle embryonnaire

Pour déceler une identité possible entre les substances embryonnaires orientant la différenciation sexuelle et les hormones sexuelles connues et même synthétisées, on a expérimenté l’action de la testostérone, hormone sécrétée par le testicule, et celle de l’œstradiol, une des hormones femelles, sur les différenciations embryonnaires des gonades.

Chez les Vertébrés supérieurs, ces hormones n’exercent aucune action. Mais elles provoquent des inversions définitives chez les Poissons et les Amphibiens. L’hormone mâle chez les Ranidés et l’hormone femelle chez les Urodèles se comportent comme les substances sexuelles embryonnaires ; les hormones androgènes de la Grenouille inversent totalement le sexe de la femelle génétique, alors que les hormones femelles masculinisantes exercent une action paradoxale. Chez les Urodèles, les hormones œstrogènes inversent le sexe des mâles génétiques, et les hormones androgènes féminisantes manifestent une action paradoxale.

Chez les Oiseaux, les résultats, assez déconcertants, sont difficiles à interpréter. L’administration de benzoate d’œstradiol (une certaine dose à une certain stade) provoque la féminisation du mâle : la gonade gauche devient un véritable ovaire ; l’oviducte gauche est complet ; la gonade droite reste rudimentaire. Mais, progressivement, ces mâles inversés reprennent leur sexe génétique ; la persistance du canal de Müller chez le mâle adulte représente le seul témoin de la féminisation antérieure. Il est impossible d’empêcher ce retour au sexe génétique. L’œstradiol, utilisé à des doses relativement importantes, est bien identique à l’hormone ovarienne présente normalement chez la femelle, mais il n’inhibe pas le retour au sexe mâle. Il semble difficile de reconnaître son identité avec la substance embryonnaire responsable de la différenciation sexuelle de la femelle.

L’expérience inverse — injection de testostérone chez un embryon femelle — n’exerce pas d’action sur l’ovaire gauche ; la gonade droite demeure vestigiale ; les canaux de Wolff persistent et progressent ; les canaux de Müller régressent. L’action hormonale normale sur les voies génitales n’affecte pas les gonades. L’hormone mâle chez le poulet mâle détermine le développement d’une gonade gauche, un ovaire ; les canaux de Wolff persistent et les canaux de Müller régressent. L’action de l’hormone mâle est anormale et paradoxale ; elle ne saurait s’identifier avec la substance embryonnaire intervenant dans la différenciation sexuelle mâle.


Conclusion

Les hormones stéroïdes semblent exercer un rôle dans la différenciation de la gonade embryonnaire. Mais sont-elles identiques aux substances qui interviennent dans les free-martins, les parabioses et les greffes gonadiques de Humphrey ? Non, très probablement. On peut supposer que la détermination génétique du sexe est plus ou moins forte ; une détermination génétique accusée rend impossible toute inversion de sexe par les hormones stéroïdes (Vertébrés supérieurs). En revanche, une détermination génétique assez faible permettra l’orientation de la différenciation sexuelle dans un sexe opposé au sexe génétique (Vertébrés inférieurs).

Les croisements entre un animal normal, un mâle par exemple, et un animal dont le sexe est inversé (mâle modifié en femelle) reviennent à croiser deux mâles génétiques ; il est également possible de croiser deux femelles génétiques, l’une normale et l’autre transformée en mâle. De tels croisements ont été obtenus chez les Oiseaux et surtout chez les Amphibiens. La composition de la descendance confirme le mécanisme de déterminisme génétique du sexe dès la fécondation et l’existence des deux types : mâle hétérogamétique (XY) ou femelle hétérogamétique (ZW).

Ces croisements mettent également en évidence la bipotentialité génétique des individus, qui, au début, possèdent un double système d’ébauches ; les cellules germinales primordiales ne sont pas sexualisées : la différenciation des gonocytes en spermatogonies ou en ovogonies résulte de leur localisation dans l’un ou l’autre des deux territoires de la gonade embryonnaire ; le cortex est un territoire à potentialités femelles, et la medulla un territoire à potentialités mâles. La détermination génétique du sexe réalisée lors de la fécondation contrôlerait le développement du cortex et de la medulla ; les gènes de la sexualité, selon le sexe établi dans l’œuf, orienteront la différenciation sexuelle.