Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sexualisation (suite)

Le sexe génétique

Antérieurement au sexe génital apparent, il existe un sexe génétique, qui est déterminé dès la fécondation. La fécondation consiste essentiellement dans l’union d’un gamète mâle avec un gamète femelle. Ces gamètes portent des génomes différents, se composant d’autosomes, ou chromosomes homologues dans les gamètes mâles et femelles, et d’allosomes, ou hétérochromosomes ou chromosomes sexuels, qui diffèrent dans les gamètes mâles et femelles.

Les cellules diploïdes (2n) de l’être humain possèdent 46 chromosomes, comprenant 44 autosomes et 2 chromosomes sexuels ; le caryotype de l’homme est 44 autosomes plus X et Y, et celui de la femme 44 autosomes plus X et X. Chez l’homme, les deux chromosomes sexuels sont donc différents (X et Y), alors qu’ils sont semblables chez la femme (X et X). À la suite de la méiose, ou division réductionnelle, les gamètes portent le nombre haploïde (n) de chromosomes, soit 22 autosomes plus 1 chromosome sexuel ; tous les ovules auront la même composition (22 autosomes plus X) ; la femme est homogamétique. Les spermatozoïdes seront de deux types ; les uns renfermeront 22 autosomes plus X, et les autres 22 autosomes plus Y ; le mâle est hétérogamétique. Lors de la fécondation, deux cas sont possibles :
— fécondation d’un ovule 22 A + X par un spermatozoïde 22 A + X et production d’un œuf fécondé, ou zygote, ayant 44 A + 2X et produisant une fille ;
— fécondation d’un ovule 22 A + X par un spermatozoïde 22 A + Y et production d’un œuf fécondé, ou zygote, ayant 44 A + X + Y et produisant un garçon.

Ce mécanisme explique que, dans les espèces gonochoriques, où l’un des sexes est hétérogamétique et l’autre homogamétique, les naissances comportent 50 p. 100 de mâles et 50 p. 100 de femelles. Dans l’espèce humaine, il naît environ 104 garçons pour 100 filles ; ce surnombre de garçons s’estompe au cours de la première année, la mortalité néo-natale étant plus élevée chez les garçons que chez les filles.

Le pourcentage du rapport des naissances des sujets mâles et des sujets femelles pendant la même période est le sex ratio ; il est égal à 1 ou en diffère peu.


Déterminisme du sexe génétique

La théorie syngamique admet que la détermination du sexe génétique se réalise au moment même de la fécondation. Des arguments physiologiques et cytologiques confirment cette hypothèse. Les faits physiologiques favorables sont les plus anciens ; il s’agit de la polyembryonie et de la polyovulation.

La polyembryonie correspond à des naissances double, triple ou multiple à partir d’un œuf unique. Ces naissances engendrent des individus ayant tous le même sexe. Chez les Tatous (Dasypus), la polyembryonie caractérise chaque gestation ; sept et même neuf embryons naissent ; ils présentent tous le même sexe, mâle ou femelle. Dans l’espèce humaine, les vrais jumeaux monozygotes provenant du développement d’un seul œuf sont normalement du même sexe. Chez les Insectes, la polyembryonie se manifeste chez un Hyménoptère parasite, Ageniaspis fuscicollis ; un œuf unique produit des larves multiples, qui sont toutes du même sexe. Lors de la polyovulation, plusieurs ovules sont fécondés et donnent naissance à des individus qui peuvent être de sexe différent ; les faux jumeaux humains dizygotes ou trizygotes appartiennent souvent à un sexe différent.

La polyembryonie et la polyovulation prouvent bien que la fécondation intervient dans la détermination du sexe.

Les arguments cytologiques sont liés à la découverte des hétérochromosomes, visibles et identifiables au microscope. Ils sont représentés par deux chromosomes particuliers : soit X et Y dans les groupes où le mâle est hétérogamétique (XY), chez de nombreux Insectes (Névroptères, Odonates, Orthoptères, Hémiptères, Coléoptères, Diptères), chez quelques Crustacés et chez la plupart des Mammifères ; soit Z et W dans les groupes où la femelle est hétérogamétique (ZW), chez quelques Insectes (Lépidoptères et Trichoptères), chez les Amphibiens, les Reptiles et les Oiseaux.

La fécondation d’un certain ovule par un certain spermatozoïde s’opérant au hasard, la loi des grands nombres intervient, et, mathématiquement, le nombre des naissances mâles doit être sensiblement égal à celui des naissances femelles pour un nombre élevé de naissances. Il n’y a d’exception que si un facteur létal fait avorter les produits de l’un des sexes.


Mécanisme de la différenciation sexuelle

Généralement, le sexe génital correspond au sexe génétique ; mais des inversions sexuelles, totales ou partielles, naturelles ou expérimentales, prouvent que le sexe génital est sensible à certaines actions. Il est bien établi que les caractères sexuels somatiques primaires et secondaires sont sous la dépendance des sécrétions hormonales mâles ou femelles.

Mais existe-il un déterminisme humoral de la formation des gonades ? La présence de substances embryonnaires agissant sur la différenciation des gonades est-elle démontrée ? Une réponse est fournie par les free-martins de Bovidés, les greffes de Humphrey et la parabiose.


Les free-martins de Bovidés et les greffes de Humphrey

V. hermaphrodisme.


La parabiose

Le free-martin naturel offrant de l’intérêt, on a tenté d’en réaliser un expérimentalement, c’est-à-dire d’obtenir des adultes ayant une circulation croisée. Cette expérience constitue une parabiose embryonnaire. Les premières parabioses datent de la fin du xixe s. ; mais leur véritable étude fut entreprise par Burns (1925). Deux embryons d’Amphibiens au stade du bourgeon caudal sont soudés côte à côte, flanc à flanc. Après cicatrisation rapide (une ou deux heures), les embryons demeurent soudés et s’élèvent facilement jusqu’à l’état adulte, principalement chez les Amphibiens Urodèles. Comme les parabioses sont faites au hasard quant au sexe, il y a 50 p. 100 de combinaisons de deux sexes identiques et 50 p. 100 de combinaisons de sexes différents. Sur 1 170 paires parabiontiques réalisées, 49 p. 100 associaient des sexes différents. Cette concordance avec le pourcentage théorique indique qu’il n’y a pas de changement de sexe provoqué par la parabiose.