Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sèvres (Deux-). 79 (suite)

Plus basses (moins de 200 m) sont les régions méridionales, gravitant dans l’orbite de Niort. À l’est, le fossé de la Sèvre Niortaise interrompt la continuité de l’Entre-plaine et la Gâtine, pays de cultures et d’élevage autour de Saint-Maixent (9 613 hab.) et de son école militaire, fondée en 1874. Au sud, le bocage fait place aux champs ouverts sur les plateaux couverts d’argile rouge à châtaigniers (blé, élevage de mulets et des chèvres pour la fabrication du fromage) autour de Melle (4 731 hab.), qu’anime la chimie. Au sud-ouest de Niort, la plaine de Niort annonce celle de l’Aunis avec ses gros villages, ses champs ouverts (blé, prairies artificielles) et son élevage laitier organisé selon le système coopératif. La plaine de Niort est ourlée au nord par la partie amont du Marais poitevin : le Marais mouillé a l’aspect boisé et bocager (cultures légumières et élevage laitier) ; cette « Venise verte » attire de nombreux touristes.

S. L.

➙ Niort.

Sèvres (manufacture nationale de)

Manufacture de porcelaine sise à Sèvres (Hauts-de-Seine).


Elle a fait ses premiers essais à Vincennes, où les frères Robert (1709-1769) et Gilles (1713-1774) Dubois, transfuges de l’atelier de Chantilly, obtiennent de construire un four dans l’ancien manège désaffecté. C’était en 1738. Dès 1741, les Dubois, révoqués pour inconduite, sont remplacés par leur auxiliaire Gravant et le coloriste Caillet. L’atelier produit des « blancs de Chine » et des compositions polychromes en pâte dite tendre, parce que l’acier en raye la surface. La pâte tendre est un combinat de marne et d’éléments siliceux, d’une forte densité, mais qui possède une grande aptitude à exalter les couleurs. La Manufacture imite les modèles chinois et japonais en vogue, avec assez de succès pour qu’en 1745 un arrêt du Grand Conseil décerne un privilège à la compagnie. Le chimiste Jean Hellot est désigné pour composer les pâtes, Hulst pour choisir les modèles, Duplessis (Claude Thomas Chambellan, 1702-1774), orfèvre du roi, pour les établir, le peintre Jean-Jacques Bachelier (1724-1806) pour diriger les sculpteurs et les mouleurs. En 1750, le style français rocaille* se substitue au style chinois. De cette période datent les fleurs en trompe l’œil formant des bouquets, des volières, des girandoles, des lustres. Dès 1745, Bachelier demande aux maîtres en renom des projets de statuettes et de groupes, témoin les Petits Jardiniers et les scènes galantes de Boucher*, les scènes de chasse d’Oudry*. L’émail dont ces pièces sont revêtues provoquant des reflets en désaccord avec les contrastes d’ombres et de clairs prévus par le sculpteur, Bachelier s’avise de laisser nue la pâte blanche. En 1751, il soumet ses premières réalisations au contrôleur général Machault d’Arnouville, qui approuve cette initiative : le biscuit est créé.

La marquise de Pompadour avait pris sous sa protection la Manufacture, à laquelle elle intéressa le roi, qui s’en constitua le principal actionnaire. C’était en assurer la prospérité. Bientôt, le manège de Vincennes se trouva trop exigu. De nouveaux bâtiments furent construits sur le terrain de La Guyarde, à Sèvres, dans lesquels la Manufacture royale s’installa en 1756 ; elle y restera jusqu’en 1876, pour se réinstaller au bord de la Seine, où ses ateliers et un important musée ont trouvé place. Le transfert à Sèvres s’accompagne d’un renforcement du personnel de direction. Au chimiste Hellot est adjoint Pierre Joseph Macquer (1718-1784) ; à Bachelier, Falconet* pour la sculpture. La production prend un grand développement. Le musée du Louvre, la Wallace Collection de Londres, notamment, possèdent des vases caractéristiques du style du milieu du xviiie s. : le vase de type « Médicis » d’environ 1750, les vases « à oreilles » de 1755 et de 1758, le pot-pourri « gondole » de 1756.

Appelé au directorat de la Manufacture en 1772, un sieur Parent, que certaines indélicatesses feront révoquer en 1778, aura du moins le mérite de développer à Sèvres la fabrication des porcelaines dures — que l’acier ne raye pas. Depuis 1710, l’atelier de Meissen, en Saxe, produisait des porcelaines de cette nature, analogues à celles qu’on importait de Chine et dont la composition d’argile fossile kaolinique n’avait pu, jusque-là, être reproduite. En 1767, Macquer reçoit de Saint-Yrieix, en Limousin, des échantillons d’une terre dont il a tôt fait de découvrir l’identité avec le kaolin chinois. Un atelier de porcelaine dure est monté, qui, dès 1769, produit ses premiers ouvrages. La porcelaine kaolinique exige, pour se vitrifier, une température beaucoup plus haute que la porcelaine tendre. Par contre, elle possède une plasticité supérieure et se prête à des opérations techniques interdites à la pâte tendre. C’est en porcelaine dure que sont exécutés les ouvrages tels que les réticulés à deux tuniques, l’extérieure ajourée, les treillissés aux rives repercées, les trembleuses, qui sont de petites tasses retenues dans leur soucoupe par une fine rainure ou un léger relief, les pots-pourris, qui sont des cassolettes au couvercle percé de trous par lesquels s’exhalent les effluves balsamiques. Ces ajours sont exécutés sur les pièces crues, d’une extrême fragilité : ce sont des chefs-d’œuvre de prudence et d’habileté.

Nommé directeur à la chute de Parent, Régnier, conseillé par le comte d’Angiviller, directeur général des arts et manufactures, substitue le style « étrusque » (v. Louis XVI et Directoire [styles]) à la rocaille du temps de Louis XV. À Bachelier est adjoint le classique Jean-Jacques Lagrenée (1740-1821). Le sculpteur Louis Simon Boizot (1743-1809) remplace en 1774 Falconet, appelé en Russie par Catherine II ; en 1783, Thomire* remplace Duplessis fils, qui a succédé à son père en 1774. Le néo-classicisme règne à Sèvres comme en tous les autres domaines de l’art.

La Révolution met en péril la Manufacture, dont Marat, l’« ami du peuple », exige l’abolition. Le ministre Jules François Paré défend l’établissement avec des arguments aussi judicieux que courageux à la tribune de la Convention. Mais la production de cette époque, sans perdre de sa qualité, est très faible en quantité. C’est un décret du Premier consul qui lui rend la vie en 1800, en chargeant de son directorat le minéralogiste Alexandre Brongniart (1770-1847), fils du célèbre architecte. Accédant à l’empire, Napoléon, en 1804, rattache l’établissement à la liste civile et l’accable de commandes. La nécessité de produire vite oblige Brongniart à abandonner la fabrication des pâtes tendres, susceptibles de plus beaux décors peints, mais d’exécution plus lente et surtout plus aléatoire. Brongniart réduit aussi le répertoire des modèles, en fonction du formulaire antique. Assiettes, aiguières, tasses sont décorées de « vues » sur fond blanc, dans un encadrement bleu rehaussé d’or. Les couleurs de fond, le bleu lapis (« bleu de Sèvres »), le vert « Empire », le rouge « pompéien », un orangé assez rare, caractérisent les pièces de cette période. Dans la seconde moitié du siècle, les successeurs de Brongniart multiplient les recherches techniques, essentiellement dans le décor. Jacques-Joseph Ebelmen (1814-1852), Charles Lauth (1836-1913), Théodore Deck (1823-1891) imaginent des métallisations, des irisations, décorant des formes inédites.

En 1941, la Manufacture tente un renouvellement de sa production en faisant appel à des maîtres céramistes originaux, tels que Émile Decœur (1876-1953), Séraphin Soudbinine (1870-1944), Paul Beyer (1873-1945). Cet élan est repris à partir de 1964, la Manufacture faisant appel à des sculpteurs et peintres extérieurs pour de nouvelles créations.