Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Séville (suite)

Mais l’époque la plus brillante de son histoire se situe au xvie s., lorsque, après la découverte de l’Amérique, les galions espagnols déversent dans son port l’or et l’argent des mines du Mexique et du Pérou. Le rôle maritime et commercial de Séville est alors primordial. En 1503, les Rois Catholiques créent à Séville la Casa de Contratación, chargée de contrôler toutes les opérations commerciales d’outre-mer ; son trésorier est chargé de lever pour le roi d’Espagne le cinquième, ou quinto, de ce que produit l’Amérique. La Casa de Contratación voit ses statuts réorganisés plusieurs fois entre 1510 et 1543.

Le déclin économique de Séville, qui commence vers 1640 et qui est aggravé par la crise démographique consécutive à l’épidémie de peste en 1649, est consacré par le transfert de la Casa de Contratación à Cadix en 1717. Durant la guerre de l’indépendance contre Napoléon Ier, la ville est prise en 1810 par les troupes du maréchal Soult et occupée jusqu’en 1812.

En 1823, elle donne asile aux Cortes chassées de Madrid par le gouvernement absolutiste de Ferdinand VII. En 1843, elle se prononce contre le gouvernement du régent Espartero.

Au début de la guerre civile de 1936 à 1939, elle est ralliée au Mouvement national par le général Queipo de Llano.

P. R.


L’art à Séville


Séville islamique

Nous ne conservons rien de la Séville omeyyade, que les califes, et en particulier ‘Abd al-Raḥmān II (822-852), avaient parée, entre autres, de murailles et d’une grande mosquée, et où les traditions des Romains et des Goths survécurent longtemps. Sous la dynastie des ‘Abbādides (xie s.) et pendant la domination almohade (xiie s.), la ville, par le nombre des habitants et le talent de ses artistes, se posa en rivale de Cordoue*. Abū Ya‘qūb Yūsuf (1163-1184) fut un de ses grands bienfaiteurs. On lui doit un pont sur le Guadalquivir, deux casbah, un aqueduc, les remparts et la nouvelle Grande Mosquée (commencée en 1171). De ces constructions et d’autres, il ne demeure que peu de choses : les restes de l’enceinte en pisé, flanquée de tours barlongues et précédée d’un avant-mur plus bas enveloppant les organes de défense ; quelques éléments, au reste splendides, du sanctuaire, qui jouit en son temps d’une grande célébrité.

• La Grande Mosquée. C’était un édifice à dix-sept nefs, comme la Kutubiyya de Marrakech, mais plus profond, sur les fondements duquel fut construite au xve s. l’actuelle cathédrale. Celle-ci n’a gardé de la mosquée que le ṣaḥn, devenu le Patio de los Naranjos (des Orangers), la Puerta del Perdón (porte du Pardon), décorée dans la tradition andalouse d’étoiles et d’hexagones garnis d’inscriptions arabes, et la Giralda (1184-1195). Cet ancien minaret, parent de ceux de Ḥasan et de la Kutubiyya au Maroc, élève à près de 100 m des murs de brique sur une base carrée de 13,55 m de côté. Le lanternon qui le dominait a été remplacé, au xvie s., par le couronnement dont la statue, servant de girouette (giraldillo), a donné son nom à l’édifice. Ses faces sont divisées en trois registres verticaux, creusés de fenêtres géminées et d’arcatures aveugles dont les lobes servent de départ à des entrelacs.

• L’Alcázar. À l’emplacement du château arabe, Pierre Ier le Cruel mit en chantier (1364-1366) son propre palais, le plus pur et le plus glorieux édifice de style mudéjar, en grande partie réalisé par des Grenadins sur le modèle de l’Alhambra, et non sans remploi de matériaux de Cordoue et du palais de Madīnat al-Zahrā’. Les restaurations des xvie, xviie et xxe s. ont un peu défiguré l’Alcázar. Celui-ci s’ordonne autour du Patio de las Doncellas (des Jeunes Filles), à péristyle, et du patio, plus petit, de las Muñecas (des Poupées). Ses salles sont somptueusement décorées : on y remarque en particulier les arcs lobés en faveur au xive s. et les portes en bois à panneaux géométriques. Le grandiose portail à auvent de la façade et les délicieux jardins de strict canon musulman méritent une mention spéciale.

• Les autres monuments. L’influence de l’Alhambra se retrouve ultérieurement à la Casa de Pilatos, de style mudéjar, et en partie à la Casa de las Dueñas (palais des Duègnes, auj. palais du duc d’Albe), mélange d’arabe, de gothique et de Renaissance. Les églises San Lorenzo et San Marcos sont d’anciennes mosquées très transformées. La seconde conserve son minaret almohade. Santa Ana est une synthèse de roman et de mudéjar. Bien antérieure, la Torre del Oro, construite par l’Almohade Yūsuf al-Mustanṣir, en 1220, pour défendre le palais et le fleuve, avait son pendant sur l’autre rive.

• Les arts mineurs. Si le décor de faïence de la Giralda, seulement marqué de cercles noirs isolés dans la brique rose, traduit un déclin passager des ateliers de céramistes, Séville, comme les autres cités d’Espagne, produisit à d’autres époques d’éclatants azulejos. Ses ateliers de tissage (soie et or), rivaux de ceux d’Almería, furent actifs surtout au xiie s. À sa mort, Pierre Ier le Cruel possédait, dit-on, cent vingt-cinq coffres de draps d’or. Les orfèvres, les joailliers et les bijoutiers pratiquaient toutes les techniques : damasquinage, filigrane, émaillage, incrustation, niellure, sertissage, ciselage : leurs traditions ont participé au maintien d’un artisanat vigoureux qui n’a pas disparu de nos jours.

J.-P. R.


L’art occidental

La domination musulmane n’est qu’un moment de l’histoire de Séville, qui fut aussi, et successivement, gothique, renaissante et baroque.

En 1401 s’ouvre un important chantier gothique avec le début de la construction de la cathédrale. Après 1454 s’y développe une sculpture attachante, celle de Lorenzo Mercadante de Bretaña et de son élève Pedro Millán.

La chute de Grenade*, en 1492, provoque à Séville un renouveau de l’art mudéjar, marqué, comme on l’a dit, par la construction de la Casa de las Dueñas et surtout de la merveilleuse Casa de Pilatos. Le plateresque rivalise de richesse avec cet art exubérant dans l’Ayuntamiento (hôtel de ville), commencé en 1527 par Diego Riaño († 1534) et considérablement agrandi par la suite.