Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sérères ou Serers (suite)

Le statut foncier a un rôle capital dans la société des Sérères. C’est le lamane qui est gardien et administrateur du sol ; ses droits sont le plus souvent transmis dans la famille maternelle. La société traditionnelle sérère fonctionnait selon un système d’ordres : celui des paysans libres, les diambour, celui des artisans castes (forgerons, cordonniers, tisserands, boisseliers), celui des griots (gueoual), celui des esclaves. L’aristocratie mandingue des guellewar était endogame et servie par des soldats, les tiedo. De cela, il ne reste aujourd’hui que la masse rurale des paysans et la caste des métiers ; les griots constituent encore un groupe à part. Les villages sérères n’ont pas de plan précis : ce sont des « nébuleuses ». L’unité résidentielle est le m’bind ; celui-ci peut regrouper aussi bien 10 que 40 personnes de la même famille. Les Sérères ne sont pas uniquement une société matrilinéaire ; cependant, c’est par la filiation utérine que se transmettent les biens comme les terres, les concessions, le cheptel, tandis que les biens acquis, les prérogatives d’ordre religieux ou magique se transmettent de père en fils.

Les Sérères croient en un dieu créateur. Les pangol, demi-dieux mais aussi esprits-ancêtres, jouent le rôle d’intermédiaire entre l’homme et la divinité. Le lamane a aussi un pouvoir religieux ; c’est une sorte de prêtre. L’islām n’a que peu pénétré la société rurale sérère ; par contre le christianisme a eu plus de succès.

J. C.

➙ Sénégal.

 P. Pélissier, les Paysans du Sénégal. Les civilisations agraires du Cayor à la Casamance (Impr. Fabrègue, Saint-Yrieix, 1967).

serial

Film à épisodes, relatant les aventures d’un même personnage dont les exploits ou les infortunes sont conjointement publiés dans un journal sous forme de feuilleton à suspense et portés à l’écran. Par extension, on nomme également parfois serial un ensemble de films à épisodes (ces derniers pouvant être constitués par une histoire dont l’action se suit ou bien par plusieurs histoires séparées, vécues par le même héros principal). C’est dans ce dernier sens que l’on peut, à la télévision, parler de serials.


Le roman-feuilleton apparaît vers 1840. Cinquante ans plus tard, les bandes dessinées de Christophe (le Sapeur Camembert, la Famille Fenouillard) sont publiées dans le Petit Français illustré. Le film à épisodes et la bande dessinée vont s’influencer réciproquement et s’annexer tour à tour leurs héros favoris. Le Français Victorin Jasset est l’un des premiers à donner ses lettres de noblesse — pour le compte de la société Éclair — à un genre cinématographique qui connaîtra très vite les faveurs du public : sa série des Nick Carter (1908) sera suivie de celle de Zigomar (1911), puis de Protéa (1913), la femme bandit. Partout dans le monde, des personnages fictifs ou non partent à la conquête des écrans : Buffalo Bill, Broncho Billy, Nat Pinkerton, Raffles, Kit Carson, Dick Turpin. Le cinéma comique cherche de son côté à imposer un « type » aux caractéristiques vestimentaires, physiques et psychologiques bien définies : Max (Linder) en France, Charlot ou Fatty aux États-Unis.

Mais, en 1912, une revue féminine américaine, The Ladies’World, en faisant coïncider la publication d’un épisode du roman What happened to Mary avec la présentation sur un écran d’un film du même titre produit par Edison, est à l’origine de l’extraordinaire succès du serial. L’idée est reprise avec beaucoup plus d’ampleur par deux journaux concurrents, le Chicago Tribune et le Chicago Herald. En 1913, le premier nommé publie par « tranches » un roman de Harold MacGrath, The Adventures of Kathleen, et fait réaliser par la société Selig un film homonyme dont la vedette est Kathleen Williams. Le succès est énorme. La formule « le maximum d’émotions et le minimum de vraisemblance » fait tache d’huile. Les deux magnats de la presse William Randolph Hearst et Robert Rutherford McCormick confient à Pallié Exchange le soin de réaliser la plupart des films à épisodes publiés en feuilletons par leurs journaux respectifs. C’est ainsi qu’apparaît sur le marché international en 1914 le plus célèbre de tous les serials : The Perils of Pauline, réalisé par Louis Gasnier et Donald MacKenzie et interprété notamment par celle qui deviendra l’incontestable reine du genre : Pearl White. Aux 15 épisodes de The Perils of Pauline succèdent peu de temps après The Exploits of Elaine (en 14 épisodes), films connus en France sous le titre les Mystères de New York (1915, version condensée de 22 épisodes) puis The New Exploits of Elaine (1915, 10 épisodes) et enfin The Romance of Elaine (1915, 12 épisodes). Aux premiers partenaires de Pearl White (Crane Wilbur et Paul Panzer notamment) se substituent d’autres acteurs comme Creighton Hale, Warner Oland et Arnold Daly, qui, selon leur emploi de « bons » ou de « méchants », sont applaudis ou siffles en cours de projection par les spectateurs. Chaque épisode s’achève par un suspense habile qui abandonne généralement l’héroïne dans une situation plus ou moins dramatique dont le dénouement n’intervient qu’au cours de l’épisode suivant, qui, lui-même, se termine en forme de point d’interrogation.

Producteurs et réalisateurs tenteront d’imposer différentes vedettes féminines afin de concurrencer Pearl White, mais sans grand succès (si l’on excepte cependant Florence Labadie, vedette de The Million Dollar Mystery [1914], dont la carrière sera interrompue par un accident, et Ruth Roland).

À la même époque, un autre phénomène assez similaire se produit en France : Louis Feuillade*, en entreprenant en 1913 une série de cinq films autonomes tirés des aventures de Fantomas, feuilleton de Marcel Allain et Pierre Souvestre, popularise le cinéroman. Les prouesses du bandit romantique en lutte contre la société, de l’homme à la cagoule, du « Fregoli du crime » qu’interprète René Navarre, ses rencontres avec le policier (Bréon), le journaliste Fandor (Georges Melchior) et Lady Beltham (Renée Carl) remportent un immense succès. Pour répondre au triomphe du Fantomas de Gaumont, Pathé réplique par un Rocambole (1914) mis en scène par Georges Denola. La concurrence déjà impitoyable sur le plan national se double bientôt d’un combat effréné entre les firmes américaines et françaises. Les Vampires de Louis Feuillade, où apparaît la troublante Musidora dans son collant noir, seront programmés peu de temps avant les Mystères de New York sur les écrans parisiens. Ce serial américain paraît au journal le Matin, dès octobre 1915, dans une adaptation de Pierre Decoureelle, et sa conquête des écrans français s’appuiera sur une publicité sans pareille. Quant aux Vampires, les différents épisodes qui le composent ne sont pas combinés avec un feuilleton publié par la grande presse, mais avec des brochures illustrées éditées par Tallandier et rédigées par Georges Meirs. En 1916, Feuillade tourne Judex avec René Cresté, le justicier à la cape noire, dans le rôle principal : le roman du même nom d’Arthur Bernède est publié simultanément dans le Petit Parisien. Si le grand public trouve dans les serials et les cinéromans un moyen d’évasion facile (la Première Guerre mondiale fait alors rage), la vertu magique de ce « nouvel opium du peuple » n’est pas du goût de tout le monde et notamment de certains censeurs moraux qui obligent Feuillade à vanter les exploits du justicier (Judex) et non plus du bandit (Fantomas). Le genre se survit en France jusqu’en 1920, relayé par quelques cinéromans (Mathias Sandorf, 1921, de Henri Fescourt).

En Allemagne, avec Homunculus (1916), d’Otto Rippert, et Die Herrin der Welt (1919-1921), de Klein et Krafft, en Italie, avec les films d’Emilio Ghione (le célèbre Za-la-Mort) : La Banda delle cifre (1915, 3 épisodes), I Topi grigi (1917, 8 épisodes) et Il Triangolo giallo (1917, 4 épisodes), le serial connut également une vogue éphémère.