Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Séleucides (suite)

Au plan de l’administration centrale du royaume, il existe un bureau des finances à Antioche, dont les agents se répartissent dans les satrapies et qui gère les trésors royaux conservés dans les grandes capitales provinciales : ce bureau se constitue dans le cours du règne d’Antiochos Ier, qui, lorsqu’il arrive au pouvoir, ne connaît même pas l’étendue et les frontières de son propre domaine. Pour l’ensemble des affaires civiles, les tâches se répartissent d’une façon apparemment très souple. En permanence aux côtés du roi (on voit même Hermias venir au petit malin réveiller Antiochos) est le « chargé d’affaires » (epi tôn pragmatôn), sorte de vizir qui a l’œil à tout et conseille sur tout ; sa puissance peut être très grande, mais tient à la seule amitié et au bon plaisir du roi, à sa capacité à se faire respecter aussi (ainsi doit-on assassiner Hermias, qu’Antiochos III n’est pas assez fort pour écarter). Les décisions importantes se prennent en général après consultation du conseil des « amis du roi » (philoi), un groupe de familiers de la Cour qui a fini par constituer un groupe hiérarchisé (on connaît les « amis » et les « premiers amis »), dans lequel le souverain choisit des hommes de confiance (ce groupe n’a néanmoins aucune permanence, le souverain désignant ou excluant du groupe qui il veut, ne se tenant pas lié par les choix de son prédécesseur). Les amis suivent le roi dans son destin, partageant ses périls (en principe) et sa mauvaise fortune (ainsi Hermias donne à son roi de quoi payer ses troupes ; ainsi, en 166, pour organiser la grande fête de Daphné, Antiochos IV dépense le butin qu’il a rapporté d’Égypte, mais aussi les contributions de ses amis) ; ils profitent aussi de sa puissance, avec d’autant plus d’avidité qu’ils savent leur faveur peu durable, qu’ils ne sont pas comptables de leurs actes devant le pays et que leur intérêt ne se confond pas nécessairement avec celui de la dynastie. C’est à leur profit que se démembrera le domaine royal ; ce sont eux qui feront souvent du roi un monarque lointain, en interposant entre lui et ses sujets la barrière de la corruption ; ce sont eux qui feront apparaître souvent, et surtout quand la dynastie sera en déclin, le roi comme le chef d’une bande d’associés avides de s’enrichir.

Le royaume séleucide, donc, quelles qu’aient été sa puissance et sa richesse, n’était, en fait, qu’un fragile édifice, que Rome abattit sans grand-peine. Son extension lui imposait trop d’intérêts divergents, et la médiocrité de son appareil administratif l’empêchait de résoudre tous ses problèmes. Tout reposait sur les épaules de rois dont on ne pouvait raisonnablement attendre qu’ils eussent tous du génie. Né du rêve d’Alexandre, l’Empire séleucide, au contraire de l’Égypte lagide, était vraiment à la mesure du monde et aurait pu créer une civilisation nouvelle, mais il ne sut pas trouver un maître à vivre en ceux qui s’acharnèrent à l’exploiter. Son rôle fut grand néanmoins ; ce n’est pas qu’il ait laissé une marque toujours impérissable (ainsi Berytos est devenue Beyrouth* et a oublié qu’elle fut un temps Laodicée de Phénicie), mais, par sa seule existence, il a permis le maintien de l’hellénisme en Orient et créé une tradition d’échange entre les civilisations de l’Inde et de la Méditerranée, qui ne fut pas rompue quand son pouvoir s’effondra.

J.-M. B.

➙ Afghānistān / Antioche / Hellénistique (monde) / Iran / Pergame / Pont / Syrie.

 E. R. Bevan, The House of Seleucus (Londres, 1902 ; 2 vol.). / A. Bouché-Leclercq, Histoire des Séleucides (Leroux, 1913 ; rééd. Culture et Civilisation, Bruxelles, 1963, 2 vol.). / E. Bikerman, Institutions des Séleucides (Geuthner, 1938). / W. W. Tarn, The Greeks in Bactria and India (Cambridge, 1938 ; 2e éd., 1951 ; 2 vol.). / E. V. Hansen, The Attalids of Pergamon (Ithaca, N. Y., 1947 ; 2e éd., 1971). / D. Magie, Roman Rule in Asia Minor to the End of the Third Century after Christ (Princeton, 1950 ; 2 vol.). / G. Le Rider, Suse sous les Séleucides et les Parthes. Les trouvailles monétaires et l’histoire de la ville (Geuthner, 1965). / D. Schlumberger, l’Orient hellénisé, l’Art grec et ses héritiers dans l’Asie non méditerranéenne (A. Michel, 1970).

sémantique

Branche de la linguistique qui étudie la langue du point de vue du sens.


Le terme de sémantique est inventé par Michel Bréal (1832-1915) en 1897 (Essai de sémantique) : la sémantique de Bréal étudie le sens des mots. Ce projet scientifique est fondé sur l’histoire et la psychologie, en opposition avec les visions organicistes de la « vie » des mots qui prévalent à l’époque. Bréal ne considérait pas la langue comme un système (particulièrement au niveau du mot, où il se place uniquement), et la sémantique ne pouvait être que l’étude d’un « vaste catalogue ».


La sémantique structurale

L’enseignement de F. de Saussure* aura pour conséquence à long terme de bouleverser la conception de la sémantique issue de la thèse de Bréal. D’une part, la langue étant désormais définie comme un système, il s’agira de décrire ou de postuler des systèmes sémantiques ; d’autre part, la linguistique devant s’établir exclusivement sur le terrain de la langue (par opposition à la parole), la prise en compte du contexte extralinguistique, prônée et pratiquée par Bréal, sera exclue de la recherche sémantique.

À côté de cette première réduction, qui laisse cependant place à une sémantique structurale, une deuxième attitude a consisté à nier toute possibilité de construire une sémantique linguistique. Pour l’école américaine de L. Bloomfield*, la linguistique, science descriptive, doit s’interdire toute incursion dans le domaine du sens. Une sémantique scientifique, c’est-à-dire une science des significations, ne saurait se fonder hors d’une psychologie scientifique (ni antérieurement à elle). À ce titre, Bloomfield renvoie l’étude de la signification :
1o à la neuropsychologie, c’est-à-dire, à son époque, au béhaviorisme américain (le sens d’un énoncé, c’est « la situation dans laquelle le locuteur émet cet énoncé ainsi que le comportement-réponse que cet énoncé provoque chez l’auditeur ») ;
2o aux sciences et aux techniques (la signification de pomme peut être donnée par la formule « un fruit qui... » pour le botaniste et non pour le linguiste).