Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sei Shōnagon (suite)

Le reste est fait de récits de choses vues, de courtes scènes prises sur le vif, au jour le jour, de descriptions impressionnistes des gens et des choses ; petites comédies dont les personnages sont l’empereur, l’impératrice, les ministres, les courtisans et les dames. Bien peu pouvaient se flatter de trouver grâce devant cette impitoyable portraitiste qui ne renonce à la caricature que lorsqu’elle parle des souverains ou d’elle-même. Car, et c’est là sa seule faiblesse, elle ne peut se défendre d’une certaine complaisance envers son propre personnage : versée dans les lettres chinoises et japonaises, douée à l’en croire d’un redoutable esprit d’à-propos, elle prétend ne jamais rester en retard d’une épigramme, ripostant avec la même facilité à une pointe de l’empereur ou au madrigal d’un fat. D’un caractère dominateur et impulsif, elle fait volontiers étalage d’érudition, tout en manifestant une certaine condescendance pour les femmes qui se piquent d’écrire ; peu émotive, il lui arrive cependant de s’attendrir à la vue d’un enfant ou sur le sort d’un chien ; toute sa sympathie va à l’impératrice, qu’elle admire et dont elle respecte les vertus et les malheurs. Elle est moins sentimentale que Murasaki ; un sens très aigu du ridicule l’éloigné de toute préciosité de pensée ou d’expression.

Les imitateurs du Makura no zōshi seront aussi nombreux que ceux du Genji-monogatari, et le zuihitsu deviendra bientôt, et restera jusqu’à nos jours, l’un des genres les plus prisés de la littérature japonaise. Le moine Kenkō (Yoshida Kaneyoshi, 1283-1350) s’en inspire, et le dit explicitement, dans son Tsurezure-gusa (Notes au fil du désœuvrement).

R. S.

sel

Corps pur de structure ionique, produit de l’action d’un acide ou d’un oxyde acide sur une base ou un oxyde basique, ou encore de l’action d’un acide ou d’une base sur un métal.


Ce sont là les deux modes principaux d’obtention d’un sel, le premier étant une réaction acide-base (v. acide), le second une oxydoréduction*. En règle assez générale, ces procédés fournissent le sel à l’état de solution, d’où on l’extrait par évaporation.

Le sel est formé d’ions de signes opposés : l’anion provient de l’acide, c’est sa base conjuguée ; le cation provient de la base, c’est son acide conjugué. Par suite, la neutralisation d’un monoacide par une monobase ne peut fournir qu’un sel, par exemple Na+Cl, produit de l’action de HCl sur NaOH. En revanche, à un polyacide correspondent plusieurs bases conjuguées, d’où la possibilité de plusieurs sels avec une monobase : à H2SO4 correspondent les bases conjuguées et d’où, avec NaOH, les sels dit hydrogénosulfate de sodium, et dit sulfate di-sodique. Il correspond de même à l’acide orthophosphorique H3PO4 trois sels de sodium : dihydrogénophosphate monosodique NaH2PO4, monohydrogénophosphate disodique Na2HPO4, phosphate trisodique Na3PO4. On emploie quelquefois encore les termes de sel acide pour désigner les hydrogénosels et de sel neutre pour désigner ceux qui ne contiennent pas d’« hydrogène acide » ; cette désignation prête à confusion, en particulier parce que, par suite de l’hydrolyse*, la solution aqueuse d’un sel « acide » peut être neutre, ou même basique (Na2HPO4), alors que la solution d’un sel « neutre » peut être : acide (NH4Cl), neutre (NaCl), basique (NaCH3COO). Une polybase peut de même donner plusieurs sels avec un monoacide.

La solubilité d’un sel dans un solvant dépend de nombreux facteurs, d’une façon difficilement prévisible : charge et dimension des ions, constante diélectrique du solvant, polarisation des ions du sel et des molécules du solvant, etc. À côté de sels très solubles dans l’eau, exemple NH4NO3, il en est de très peu solubles (BaSO4, 2,3 mg/l). Pour ces derniers, on définit dans un solvant un produit de solubilité résultant de l’application de la loi d’action de masse à l’équilibre diphasé : excès de sel solide-solution saturée du sel. Pour BaSO4 par exemple :

d’où Ps, fonction de la température, est le produit de solubilité du sel dans l’eau ; pour BaSO4 à 20 °C, Ps = 10–10 mole2.]–2.

Les sels sont des électrolytes forts. Leurs ions constitutifs sont, suivant les cas, simples (Na+, Cl), polyatomiques ou complexes*, alors formés d’un atome central associé par des liaisons de coordination à des ligands, molécules ou ions, qui dissimulent de façon plus ou moins parfaite l’ion central à ses réactifs habituels.

R. D.

sel

Substance cristallisée, friable, soluble dans l’eau, d’un goût piquant, d’un emploi universel pour l’assaisonnement.


Constitué de chlorure de sodium plus ou moins pur, le sel commun, ou marin, est très abondant dans la nature. L’eau de mer en contient 32 g/l. Celle-ci, au cours des temps géologiques, en a déposé d’énormes masses intercalées entre des couches imperméables, les protégeant de la dissolution.

Le sel de marais salants est obtenu par évaporation naturelle. L’eau salée est concentrée jusqu’à saturation et dépose une grande partie des impuretés. La saumure est alors envoyée sur des « tables » où a lieu la précipitation. Dans le Midi, le sel accumulé l’été est enlevé mécaniquement en septembre : le grain du sel produit est gros et résistant. Dans l’Ouest, le sel est recueilli chaque jour, par le paludier. Les cristaux forment des pyramides renversées : « trémies », fragiles et très solubles. En partant de saumure saturée naturelle ou de dissolution, après épuration éventuelle par la chaux et le carbonate de soude, l’évaporation par chauffage laisse déposer le sel. Le gros sel raffiné se forme en trémies par évaporation lente dans des « poêles » à une température de 80-90 °C. La production est faible, la vapeur ne peut être récupérée, d’où une grande consommation d’énergie. Les trémies ne prennent pas en masse et restent friables, ce qui convient à certains usages (cuisine, salage des peaux, déneigement). Le sel fin est constitué de petits cristaux cubiques qui se forment par ébullition tumultueuse dans un évaporateur clos, la vapeur produite étant récupérée pour être utilisée de nouveau, soit par recompression mécanique, soit dans un autre appareil à température plus basse. Il peut donc être produit en quantités industrielles. Il se dissout difficilement dans l’eau, aussi l’agglomère-t-on par compression en pastilles et granulés utilisés à la régénération des adoucisseurs d’eau.

Le sel est une matière première de base de la grande industrie chimique (sulfate, carbonate) et électrochimique (chlorate, soude, chlore), qui peut utiliser directement les saumures.

La production française était en 1972 : pour les marais salants, de 1 006 000 t ; pour le sel raffiné, de 1 291 000 t ; pour le sel en saumure, de 3 107 000 t.

J. G.

 J. Stocker, le Sel (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1949). / M. Schmid, Technologie der Steinsalzaufbereitung (Halle, 1951). / D. W. Kaufmann, Sodium Chloride (New York, 1960).