Schuman (Robert) (suite)
Le 9 mai, il rend public ce que l’on appellera par la suite le « plan Schuman » (bien que son inspiration soit due à Jean Monnet). C’est à la fois le coup d’envoi de la construction de l’Europe* et un exposé des principes qui doivent y présider : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » R. Schuman conçoit la construction de l’Europe « brique à brique », et son intention est de créer un état d’esprit européen en favorisant dans un premier temps le rapprochement franco-allemand. Ce projet prend forme avec la mise sur pied, en 1951, de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (C. E. C. A.), qui prévoit la mise en commun de la production de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, auxquelles d’autres pays européens pourront se joindre s’ils le désirent. À tous points de vue, l’entreprise est un précédent, d’abord du fait de l’abandon par des États européens d’une part de leur souveraineté au bénéfice d’un organisme supranational, la Haute Autorité de la C. E. C. A., et ensuite de par son succès qui préfigure la signature du traité de Rome (25 mars 1957) et la création du Marché commun.
Toutefois, lorsqu’il entreprend de faire passer la coopération avec l’Allemagne du simple domaine de la production de charbon et d’acier au domaine militaire, R. Schuman se heurte à l’opposition résolue d’une grande partie de l’opinion française, où se retrouvent mêlés aussi bien communistes que gaullistes du R. P. F., avec des motivations d’ailleurs totalement différentes. Il ne réussit pas à faire adopter le principe de la création d’une armée européenne, appelée Communauté européenne de défense (C. E. D.).
Lorsque l’Assemblée nationale rejette définitivement la C. E. D. (août 1954), il consacre déjà depuis deux ans une part essentielle de son activité à parcourir l’Europe et à y développer infatigablement des idées d’unification. Ce « pèlerin de l’Europe » trouve néanmoins le temps de participer aux travaux de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée et de présider la délégation française à l’O. N. U. (1955).
En 1955, il est ministre de la Justice dans le cabinet Edgar Faure, mais c’est la dernière fois qu’il occupe un fauteuil ministériel. En 1960, il renonce à présenter de nouveau sa candidature à la présidence du Parlement européen, dont il est le titulaire depuis la création de cet organisme (1958). Un an après son retrait de la vie parlementaire (nov. 1962), il meurt dans le village où il s’est retiré.
Cet homme d’allure humble, qui dissimulait sous une apparence contenue une grande fraîcheur d’esprit, était un orateur ennuyeux, mais qui convainquait ses interlocuteurs à force de persévérance et d’honnêteté. En butte tout au long de sa carrière ministérielle à l’hostilité tant de l’extrême droite que de l’extrême gauche, il a joui, en revanche, d’une grande estime dans les milieux du centre et des modérés. Il reste, aux côtés de Konrad Adenauer et d’Alcide De Gasperi, le « père de l’Europe », étranger à tout nationalisme, au point que l’on a pu le dépeindre en ces termes : « Luxembourgeois de naissance, germanique d’éducation, romain de toujours et français de cœur. »
C. M.
➙ Europe / Mouvement républicain populaire / République (IVe).
L. Hermann, Robert Schuman. Ein Porträt (Freudenstadt, 1968 ; trad. fr. Robert Schuman. Un portrait, Dalloz, 1969). / R. Hostiou, Robert Schuman et l’Europe (Cujas, 1968). / R. Rochefort, Robert Schuman (Éd. du Cerf, 1968).