Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Schinkel (Karl Friedrich) (suite)

Après avoir employé la fonte au Mémorial du Kreuzberg (1818-1821) et su traiter des programmes aussi fonctionnels qu’une école des beaux-arts ou le Packhofgebäude en 1826-1830, Schinkel restait hanté par la mégalomanie de son maître. Il aura le chagrin de ne pouvoir élever au roi de Grèce un palais sur l’Acropole ; et la mort l’empêchera de réaliser celui d’Orianda (Crimée) pour l’impératrice de Russie.

Art purement intellectuel, l’académisme devait trouver en pays germanique un terrain assez favorable pour resurgir jusqu’en plein xxe s. ; la sensibilité d’un Schinkel, jointe à son origine prussienne, n’y a pas peu contribué.

H. P.

➙ Allemagne / Berlin.

 J. I. Hittorff, Notice historique sur la vie et les œuvres de Charles Frédéric Schinkel (Firmin-Didot, 1857). / P. O. Rave, Karl Friedrich Schinkel (Berlin, 1953).

Schisme d’Occident (Grand)

Conflit qui divisa l’Église de 1378 à 1417 et durant lequel il y eut plusieurs papes à la fois.



La double élection de 1378

Le pape Grégoire XI, au prix d’une lutte violente en Italie, avait ramené la papauté d’Avignon* à Rome, mais à sa mort (27 mars 1378) des troubles graves éclatèrent, la population exigeant qu’un pape romain, ou tout au moins italien, fût élu par le collège des cardinaux. Un pape national serait, pensait-on, un gage contre un nouveau départ pour l’étranger et la garantie de conserver à Rome la cour pontificale, indispensable à la prospérité de la ville.

Le Sacré Collège finit par élire, sous la pression de la rue, l’archevêque de Bari, Bartolomeo Prignano, le 8 avril. L’élection du pape étant annoncée sans révéler son nom, l’émeute força les portes du conclave. Les cardinaux, pour sauver leur vie, firent croire qu’ils avaient élu un Romain, Francesco Tebaldeschi, en attendant l’acceptation de l’archevêque. Mais le lendemain, Bartolomeo Prignago donna son acceptation et prit le nom d’Urbain VI (1378-1389).

Ce choix était mauvais. Urbain VI se montra violent et brutal ; surtout, il s’en prit aux cardinaux qui l’avaient élu et voulut supprimer leur influence et leur train de vie. Ceux-ci, déjà divisés sur la légitimité de l’élection opérée dans un tel climat de violence, se laissèrent persuader par l’un d’eux, Jean de La Grange, le cardinal d’Amiens, de son illégitimité. Seuls les Italiens demeurèrent auprès d’Urbain VI, tous les autres quittèrent Rome et, réunis à Anagni, déclarèrent nulle l’élection d’Urbain VI (9 août). Ensuite, ils se rendirent à Fondi, dans les États de la reine de Naples, où les cardinaux italiens les rejoignirent. Ils y élurent (sauf les Italiens, qui s’abstinrent), le 20 septembre 1378, l’un des leurs, le Français Robert de Genève, qui prit le nom de Clément VII (1378-1394).

Ils pouvaient difficilement faire un choix qui mécontenterait davantage les Italiens, car Robert de Genève avait été dans le passé l’auteur de massacres dans les États du pape, au moment du retour de Grégoire XI. Pendant qu’on discutait de la validité des élections et que les deux papes s’excommuniaient mutuellement, tout en créant des cardinaux, le conflit prenait un tour de plus en plus politique avec la reconnaissance, par le roi Charles V, de Clément VII, malgré les résistances de l’Assemblée du clergé de France et de la Sorbonne (16 nov. 1378).

Aussitôt, les différents États se prononcèrent suivant leurs intérêts politiques. Les puissances francophiles comme la Savoie et l’Écosse (1378), puis la Castille et le Portugal (1381), l’Aragon (1387), la Navarre (1390) reconnurent Clément VII. Ce dernier, après avoir essayé de se maintenir en Italie, avait dû quitter la péninsule et, le 20 juin 1379, s’était installé en Avignon. De son côté, l’Angleterre, par hostilité envers la France, se prononça pour Urbain VI dès novembre 1378 ; elle fut suivie par l’empereur Charles IV, la Hongrie et les États scandinaves.


De la « voie de fait » à la « voie conciliaire »


Divisions politiques et spirituelles de la chrétienté

L’Europe fut partagée entre deux obédiences, et cette division politique se doubla d’une division spirituelle, les saints eux-mêmes prenant parti ; Catherine* de Sienne et Catherine de Suède pour Urbain VI, Vincent Ferrier, Colette de Corbie et Pierre de Luxembourg pour Clément VII. Théologiens et publicistes s’affrontèrent.

Mais dès cette époque on commença également à chercher les remèdes pour conjurer le schisme ; en 1381, l’université parisienne demanda la convocation d’un concile œcuménique pour le résoudre, et Pierre d’Ailly proclama que « ce moyen, seul efficace, procurerait bientôt l’élection d’un chef unique et la paix de la chrétienté ». C’était poser déjà le problème crucial de la prépondérance papale ou conciliaire.

Toutefois, avant d’adopter cette solution, chaque parti recourut à la « voie de fait », c’est-à-dire aux armes. La puissance de Clément VII reposait entièrement sur la force de la monarchie des Valois ; pour l’emporter, le pape d’Avignon devait conquérir Rome. Dans ce but, il suscita des troubles en Italie, où il soutint des princes français, les Anjou, dans leurs efforts pour s’emparer du royaume de Naples. Ces expéditions furent sans lendemain ; de même celle du duc d’Orléans, frère de Charles VI, que le pape maria à Valentine Visconti, fondant par là les futures prétentions françaises sur le Milanais.

De son côté, Urbain VI, essaya d’inciter l’Angleterre à une croisade contre la Flandre et contre la Castille ; toutes ces expéditions échouèrent ainsi qu’un grand projet de coalition anglo-impériale contre la France.

Le décès d’Urbain VI n’arrêta pas le schisme, les cardinaux de son obédience ayant élu le 2 novembre 1389 le Napolitain Pietro Tomacelli, qui prit le nom de Boniface IX (1388-1404). De même, à la mort de Clément VII, Pedro Martínez de Luna fut élu le 28 septembre 1394 sous le nom de Benoît XIII (1394-1423).