Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

scandinaves (musiques) (suite)

La musique danoise

Le Danemark a connu une attachante génération préromantique avec Friedrich Kuhlau (1786-1832), classique de la flûte, mais aussi auteur du premier et toujours populaire opéra national, Elverhøj [le mont des Elfes] (1828), ou Christopher Ernst Friedrich Weyse (1774-1842), auteur de nombreuses mélodies et cantates. Deux personnalités dominèrent de leur longévité le xixe s. danois : Johann Peter Emilius Hartmann (1805-1900), qui cultiva un style nordique puissant et sombre, faisant appel aux mythes et à l’histoire de son pays, voire à ses instruments traditionnels (harpes, lurs ou trompes de bronze) dans sa tragédie Yrsa (1883), et Niels Wilhelm Gade (1817-1890), romantique paisible, mais quelque peu académique, dont l’ouverture d’Ossian (1841) et les huit symphonies s’inscrivent dans le sillage de Mendelssohn. Il appartint à Carl Nielsen* (1865-1931) de secouer de sa puissante personnalité ce joug conservateur. Parmi les compositeurs du début du xxe s., certains, comme Knudåge Riisager (1897-1974) ou Svend Erik Tarp (né en 1908), se sont orientés vers l’esthétique française du groupe des Six, tandis que d’autres, comme Jørgen Bentzon (1897-1951) ou Hermann David Koppel (né en 1908), créèrent dans le sillage d’Hindemith. Le puissant et fécond symphoniste Vagn Holmboe (né en 1909), auteur de dix symphonies, de dix quatuors à cordes, de treize concertos, etc., domine cette génération. Son style concentré et austère doit à Sibelius, mais aussi à Chostakovitch. Niels Viggo Bentzon (né en 1919) a déjà accumulé plus de deux cents ouvrages, de valeur inégale d’ailleurs. Le compositeur danois le plus en vue de la jeune génération demeure Per Nørgaard (né en 1932), qui s’inscrit dans l’avant-garde internationale.


La musique norvégienne

L’isolement de la Norvège, qui n’a accédé à l’indépendance politique qu’en 1905, a retardé l’éclosion de sa vie culturelle savante, mais a permis à ce pays de préserver, en contrepartie, un folklore particulièrement riche et original, en particulier dans le domaine de la danse. L’esprit des trolls, démons familiers de la mythologie norvégienne, de pair avec les rythmes variés et capricieux des violoneux, revit dans l’œuvre d’Edvard Grieg* (1843-1907), le plus populaire chez nous de tous les compositeurs nordiques. Grieg fut avant tout un petit-maître, à l’aise dans l’expression intime et lyrique ainsi que dans les formes brèves. Ses successeurs immédiats, Johan Svendsen (1840-1911) et Christian Sinding (1856-1941), abordèrent les grandes formes de la musique instrumentale, et même l’opéra, mais avec des personnalités plus pâles et plus tributaires du postromantisme germanique. L’influence de ce dernier persista en Norvège plus longtemps que dans les pays voisins, ainsi qu’en témoignent les œuvres de Harald Saeverud (né en 1897), de Klaus Egge (né en 1906) ou de Geirr Tveitt (né en 1908), les plus représentatifs parmi les compositeurs norvégiens de la première moitié du siècle, en dehors de la personnalité exceptionnelle de Fartein Valen (1887-1952). Ce dernier fut un isolé, un indépendant, qui adapta librement le dodécaphonisme atonal aux exigences de son inspiration. À la fois mystique et visionnaire, son art, tout de contemplation de la nature et d’introspection, s’exprime dans des pages épurées et claires comme le Cimetière marin (1934) ou la Isla de las Calmas (1934) pour petit orchestre, pour s’épanouir dans les cinq symphonies et les concertos écrits à la fin de sa vie. Aucun de ses contemporains ni de ses cadets (parmi lesquels on citera Finn Mortensen, Egil Hovland [né en 1924] et surtout Arne Nordheim [né en 1940] et Edvard Fliflet Braein), ne s’en approche.


La musique finlandaise

Le clarinettiste Bernhard Crusell (1775-1838) fut le premier musicien de valeur issu de la Finlande. L’étape capitale franchie par le peuple finnois vers la prise de conscience de son patrimoine culturel fut le fait des travaux du poète Elias Lönnrot, l’« Homère finnois », qui recueillit et rédigea les poèmes de tradition orale, l’épopée mythologique du Kalevala et les poèmes lyriques du Kanteletar (le kantele est la cithare des anciens bardes). Le premier compositeur d’inspiration nationale fut, curieusement, un Allemand, Fredrik Pacius (1809-1891), suivi rapidement de Martin Wegelius (1846-1906), puis de Robert Kajanus (1856-1933), éminent chef d’orchestre. Mais ces compositeurs ne firent que préparer la venue de Jean Sibelius* (1865-1957), le plus grand de tous les compositeurs nordiques ; de son œuvre admirable, toute la dernière partie est le fait d’un véritable Debussy du Nord, affranchi de toute influence germanique. Sibelius a éclipsé ses contemporains et successeurs bien plus encore que Nielsen au Danemark. Parmi les premiers, on citera au moins son beau-frère Armas Järnefelt (1869-1958), Frans Oskar Merikanto (1868-1924), Erkki Melartin (1875-1937) et Selim Palmgren (1878-1951), le « Chopin du Nord », avec ses cinq concertos pour piano. Parmi les seconds, qui ont orienté de plus en plus l’intégration du fond populaire vers un postimpressionnisme, ni Toivo Kuula (1883-1918), prématurément disparu, ni Leevi Antti Madetoja (1887-1947), le plus puissant symphoniste finnois après Sibelius, ni Vaïnö Raitio (1891-1945), ni Aare Merikanlo (1893-1958), ni Uuno Klami (1900-1961), ni Sulho Veikko Ranta (1901-1960) n’ont franchi les frontières de leur pays, malgré une production abondante et souvent intéressante. Le seul compositeur à s’être acquis une réputation internationale depuis Sibelius a été Yrjö Kilpinen (1892-1959), grâce à ses quelque six cents lieder. Ce n’est qu’après la mort de Sibelius qu’a pu se manifester avec vigueur une nouvelle génération de compositeurs, que semblent dominer actuellement le nom de Joonas Kokkonen (né en 1921), tempérament austère et mystique, et surtout celui d’Einojuhani Rautavaara (né en 1928), librement sériel dans ses symphonies et ses quatuors, dans son opéra la Mine et dans toute une production récente, qui a achevé de le mettre au premier rang des compositeurs nordiques d’aujourd’hui.

H. H.