Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

scandinaves (littératures) (suite)

Le modernisme se fait sentir plus tard en Islande et se caractérise par une révolution des formes lyriques traditionnelles. Le père de la poésie d’avant-garde, Steinn Steinarr (1908-1958), montre dans son recueil l’Eau et le temps (1948) sa passion pour une langue et des structures nouvelles, sous l’influence de l’art abstrait. Ce bouleversement atteint aussi le plus célèbre des contemporains, Jóhannes úr Kötlum (né en 1899). Et parmi les « poètes de l’atome », il faut nommer Jón Óskar (né en 1921), auteur du recueil la Nuit sur nos épaules (1958).

J. R.

 J. H. E. Schück, Histoire illustrée de la littérature suédoise (en suédois, Stockholm, 1892-1896, 2 vol. ; 3e éd., 1926-1932, 7 vol.). / F. Bull, F. Paasche, A. H. Winsnes et P. Houm, Histoire de la littérature norvégienne (en norvégien, Oslo, 1924-1955 ; 6 vol.). / E. N. Tigerstedt, Histoire de la littérature suédoise (en suédois, Stockholm, 1948 ; 3e éd., 1967). / E. Bredsdorff et coll., An Introduction to Scandinavian Literature (Westport, Connect., 1951). / H. Beyer, Histoire de la littérature norvégienne (en norvégien, Oslo, 1952 ; nouv. éd., 1963). / H. Fonsmark, la Littérature au Danemark et dans les autres pays nordiques (en danois, Copenhague, 1954 ; 4e éd., 1967). / J. Bukdahl, la Poésie nordique de l’ancien temps à nos jours (en danois, Odense, 1956). / S. Einarsson, A History of Icelandic Literature (New York, 1957). P. H. Traudstedt, Histoire de la littérature danoise (en danois, Copenhague, 1964-1966 ; 4 vol.). / F. Durand, Littérature danoise (Aubier, 1968) ; les Littératures scandinaves (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1974). / M. Brøndsted, Littérature du Nord (en danois, Copenhague, 1972 ; 2 vol.).

scandinaves (musiques)

Relativement bien connue dans les pays anglo-saxons, moins déjà en Allemagne (malgré le voisinage géographique), la musique du nord de l’Europe n’a que peu pénétré en France. Certes, face aux grands foyers de culture du continent, les pays nordiques ont longtemps conservé une importance marginale ; il n’en demeure pas moins que leur musique, populaire ou savante, a enrichi le patrimoine européen d’un apport très original et qu’à l’heure actuelle ils possèdent une vie musicale prospère, voire florissante dans le cas de la Suède : partout, on rencontre une participation active et intelligente des pouvoirs publics sous forme d’édition, de diffusion, d’éducation.


Cataloguée une fois pour toutes au dictionnaire des idées reçues comme lourde, opaque, diffuse, germanique, la musique des compositeurs nordiques est en réalité tout autre. Les « brumes nordiques » ne sont qu’un mythe. Issue d’un folklore essentiellement diatonique et métrique, à la franche carrure, la musique du Nord affectionne au contraire la simplicité et l’énergie du trait, la clarté et la robustesse plus que les demi-teintes. Elle reflète la nécessité de l’essentiel dictée par la rudesse du cadre naturel, qui occupe dans l’inspiration de ses compositeurs une place essentielle.

En ce qui concerne le fond ethnique, il convient de distinguer la Finlande, ouralo-altaïque, de ses voisins germaniques. Comme eux, elle a subi la profonde empreinte, tant éthique que musicale, du choral luthérien, mais on y observe la permanence de structures mélodiques (pentaphonie) et métriques (fréquence du cinq temps, périodes irrégulières) révélant des racines asiatiques et essentiellement influencées par la langue finnoise. En ce qui concerne la superstructure socio-culturelle, le voisinage de la Russie (dont la Finlande fit partie politiquement pendant plus d’un siècle, jusqu’à son indépendance en 1917) a largement contribué, lui aussi, à donner à la création musicale en Finlande son visage distinct.

Au contraire, le Danemark, ce « midi du Nord », a toujours, par sa position géographique, bénéficié de liens privilégiés avec le reste de l’Europe. À une époque où les pays plus septentrionaux avaient une vie culturelle encore limitée, Copenhague accueillait Dowland et Schütz, et s’imposait comme un brillant foyer de culture. Et, alors que s’y installaient d’admirables orgues, le Danemark donna le jour à un des plus illustres prédécesseurs de J.-S. Bach : Dietrich Buxtehude*. Un peu plus tard, à l’époque précisément de Bach et de Händel, vécut Johan Helmich Roman (1694-1758), le « Père de la musique suédoise », dont la vaste production révèle l’influence féconde de Vivaldi.

Cependant, le véritable essor de la création musicale nordique date du xixe s. ; à cette époque, les pays du Nord participèrent activement à la grande vague de nationalisme musical issue de la première génération romantique. Si l’influence libératrice de Liszt se fit sentir ici moins vivement qu’ailleurs, au profit des tendances plus modératrices d’un Mendelssohn, voire d’un Brahms, le postromantisme wagnérien connut en Scandinavie une vogue relativement brève. Dès le début de notre siècle, une part importante de la vie culturelle nordique se tourna vers Paris, et Debussy joua également dans le Nord son rôle de libérateur. Nombreux furent les musiciens danois ou suédois qui choisirent la France entre les deux guerres, à une époque où l’Allemagne l’ignorait.


La musique suédoise

En Suède, le xixe s. est dominé par la personnalité très originale de Franz Berwald (1796-1868), dont l’œuvre était trop indépendante et trop audacieuse pour pouvoir être comprise de son vivant, ce qui l’obligea à exercer les métiers les plus divers (d’orthopédiste à directeur de verrerie), limitant ainsi sa production musicale. Celle-ci se situe pour l’essentiel entre 1840 et 1860, et comprend surtout quatre remarquables symphonies, qui soutiennent la comparaison avec celles de Mendelssohn ou de Schumann, leurs contemporaines. Berwald séjourna à Paris ; il y connut Berlioz, dont il fut l’un des premiers à assimiler intelligemment les conquêtes de langage. Tempérament fougueux, épris de concision et de vigueur, vif, spirituel, plein d’élan, il est la vivante antithèse des mythiques « brumes nordiques ». On lui doit aussi deux opéras, des poèmes symphoniques, des opérettes, des concertos et une admirable production de musique de chambre (trios, quatuors, quintettes), où s’affirment d’audacieuses conceptions cycliques, proches de Liszt. La majorité de ses œuvres ne fut exécutée et publiée qu’au xxe s. Parmi les postromantiques suédois, on citera avant tout Wilhelm Eugen Stenhammar (1871-1927), héritier très pur de Beethoven et de Brahms dans ses deux symphonies, ses deux concertos pour piano, mais surtout dans ses six quatuors à cordes, puis Hugo Alfvén (1872-1960), auteur de trois très populaires Rhapsodies suédoises et qui fut, comme son cadet Kurt Atterberg (né en 1887), un abondant symphoniste imprégné de folklore, tandis que Ture Rangström (1884-1947) s’orientait vers un expressionnisme tourmenté. Les doyens de la vie musicale suédoise sont avant tout Hilding Rosenberg (né en 1892), dont la fécondité égale celle d’un Milhaud, et Gösta Nystroem (1890-1966). Parti d’un néo-classicisme hindemithien, Rosenberg a ensuite pleinement assimilé le dodécaphonisme sériel, tout en demeurant fidèle aux grandes formes : sept symphonies, dont deux avec chœurs, douze quatuors à cordes, la gigantesque tétralogie Joseph et ses frères (1945-1948), opéra-oratorio d’après Thomas Mann, etc. Nystroem, tourné vers la France, déploie un généreux lyrisme honeggérien dans une remarquable série de symphonies. Les musiciens nés au début du xxe s., comme Dag Wiren (né en 1905), Lars Erik Larsson (né en 1908), Erland von Koch (né en 1910) et Gunnar de Frumerie (né en 1908), affectionnent un néo-classicisme élégant et décoratif, une esthétique d’hédonisme et de divertissement. Leur plume légère fait d’eux les homologues suédois d’un Francis Poulenc ou d’un Jean Françaix. La percée vers un langage vraiment contemporain a été le fait de quelques élèves de Rosenberg, membres du « groupe du lundi » : Karl Birger Blomdahl (1916-1968), dont la 3e symphonie (Facetter, 1950) et l’opéra « interplanétaire » Aniara (1959) sont des pages capitales ; Ingvar Lidholm (né en 1921), dont les pages orchestrales comme Ritornell, Mutanza, Motus-Colores ou Poesis per orchestra ont fait le chef de file de la musique suédoise entre 1955 et 1965, mais qui n’a que peu produit depuis ; Sven Erik Bäck (né en 1919), tourné vers l’expression religieuse ; Gustaf Allan Pettersson (né en 1911), auteur d’immenses symphonies d’un expressionnisme véhément... Quant à la jeune musique suédoise, elle s’oriente surtout vers la musique électro-acoustique, après avoir pris l’initiative de toute la spectaculaire renaissance de l’orgue dans la création d’avant-garde, grâce à Karl Erik Welin (né en 1934) et à un compositeur comme Bengt Hambraeus (né en 1928). Bo Nilsson (né en 1937), après un départ fulgurant qui le plaça très tôt au premier rang de la jeune musique européenne, a pratiquement cessé d’écrire. Parmi les plus jeunes compositeurs suédois, Jan W. Morthenson (né en 1943) semble le plus riche de promesses.