Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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scandinaves (littératures) (suite)

De nouveaux genres littéraires se développent alors en Scandinavie. Du xiie au xve s. naissent les chansons populaires, qui, à l’origine, sont accompagnées de danses, comme c’est encore le cas de nos jours aux îles Féroé. Ces ballades, que les frontières n’arrêtent pas, se regroupent par thèmes. On distingue, entre autres, des chansons historiques (en particulier au Danemark), des chansons héroïques et des chansons chevaleresques. L’Islande, elle, adopte une nouvelle forme de poésie épique, les rímur. La Suède, qui connaît également les chansons populaires, est le berceau de quelques chroniques rimées, dont la plus connue, Erikskrönikan, date d’environ 1330. La littérature religieuse suédoise est mise en valeur grâce aux Visions de sainte Brigitte (v. 1303-1373), qui fonde un cloître à Vadstena et dicte les principes selon lesquels doit vivre la communauté.


Le temps de la Réforme

Au début du xvie s., le courant humaniste atteint les deux pays qui dominent alors le monde scandinave, le Danemark et la Suède ; il entraîne avec lui la Réforme.

En Suède, Olaus Petri (1493-1552) aide le roi Gustave Vasa, qui, pour des raisons politiques, veut faire entrer la Réforme dans les mœurs. Il écrit une vingtaine d’ouvrages à caractère religieux, souvent polémiques, et une Chronique suédoise non dépourvue d’impartialité et d’esprit critique.

Au Danemark, la Réforme est introduite en 1536, et le début du xvie s. est marqué de pamphlets qui défendent ou attaquent le catholicisme. Christiern Pedersen (v. 1480-1554) publie une traduction danoise de la Bible (1550) ; auparavant, il a édité à Paris la Gesta Danorum de Saxo Grammaticus (1514). La langue danoise subit une évolution sans pareille.

Cependant, la Norvège a perdu non seulement son indépendance, mais aussi sa langue, que remplace peu à peu le danois, seule langue écrite et officielle. C’est en danois que le théologien Absalon Beyer (1528-1575) rédige Sur le royaume de Norvège (1567) et évoque les heures de gloire du passé norvégien, tandis que Peder Claussøn Friis (1545-1614) entreprend de traduire la Heimskringla de Snorri Sturluson.

Non moins sombres sont les temps que traverse l’Islande, atteinte par la Réforme vers 1550 : la première Bible islandaise est imprimée à Hólar en 1584 d’après la traduction de l’évêque Guðbrandur Þórlaksson (Gudbrandur Thórlaksson, 1571-1627).


Le baroque

Au xviie s., on s’efforce d’élever la poésie à la hauteur des modèles classiques tout en cultivant le mode d’expression en vers des langues maternelles respectives ; mais c’est avant tout la prose qui gagne ses lettres de noblesse.

Au Danemark, Anders Arrebo (1587-1637) traduit les psaumes de David et rédige les six chants de l’Hexaméron (éd. posthume 1661), épopée dans laquelle il décrit les jours de la Création. Autre grand poète, Thomas Kingo (1634-1703), tantôt profane, tantôt religieux, est célèbre par ses Chorals spirituels (1674 et 1681) et ses psaumes de l’Hiver (1689). Des œuvres en prose, il faut retenir la poignante autobiographie de la princesse Leonora Christine Ulfeldt (1621-1698) : ses Souvenirs de ma détresse (1673-74, publiés en 1869) rapportent son emprisonnement dans la tour Bleue de Copenhague, où elle resta vingt-deux ans, accusée à tort de haute trahison.

La Norvège, à cette époque, ne connaît guère que les psaumes de Dorthe Engelbretsdatter (1634-1716) et l’ouvrage au titre baroque du pasteur Petter Dass (1647-1708), la Trompette du Nordland (éd. posthume 1739), dans lequel l’auteur présente sa province natale, ses habitants et leurs coutumes.

En Suède, le baroque est aussi au goût du jour. Vers 1650, Stockholm devient la véritable capitale du pays grâce à l’influence de la reine Christine*. Le premier auteur dramatique, Johannes Messenius (v. 1579-1636), tire ses sujets de l’histoire de Suède ou de ses légendes (Disa, 1611). Lars Wivallius (1605-1669), dont la vie est fort aventureuse, compose des poèmes sur la nature empreints de sentiments religieux. Le philologue Georg Stiernhielm (1598-1672) est aussi un poète : son Hercule (1658) est une sorte d’épopée composée en hexamètres. À la même époque paraît un long poème à la gloire de la langue suédoise, d’un auteur non identifié qui utilise le pseudonyme de Skogekär Bergbo. Samuel Columbus (1642-1679) écrit en latin des Odes suédoises (1674) et compile le premier dictionnaire préconisant l’orthographe correspondant à la prononciation. Quant à Lars Johansson (1638-1674), connu sous le nom de Lucidor, il compose des chansons à boire et d’amour.

En Islande, la religion a une très forte emprise : ainsi, Hallgrímur Pétursson (1614-1674) écrit ses Hymnes de la Passion (1666). Par contre, Stefán Ólafsson (1620-1688) est l’auteur de poèmes profanes d’un grand lyrisme.


Classicisme et rationalisme

Au tournant du siècle, le classicisme à la française l’emporte sur le baroque. Holberg et Dalin fondent une nouvelle littérature danoise et suédoise, établissant des traditions littéraires durables, parallèles dans les deux pays.

Né en Norvège, Ludvig Holberg* (1684-1754) est de culture essentiellement danoise ; il est à la fois auteur dramatique et philosophe. Dans son poème héroï-comique Peder Paars (1719), il fait la satire de la société danoise ; il écrit de nombreuses comédies, dont Jeppe sur la montagne (1722) et Erasmus Montanus (1731), et doit beaucoup à la comédie italienne et à Molière. Il est aussi l’auteur d’ouvrages historiques (Histoire du royaume de Danemark, en trois volumes, 1732-1735) et d’essais (Pensées morales, 1744 ; Épîtres, 1748-1754). Il exerce une influence telle sur ses compatriotes qu’à la fin du xviie s. la littérature norvégienne gagne son autonomie.

La Suède a en Olof von Dalin (1708-1763) son premier véritable homme de lettres. Celui-ci publie un hebdomadaire, l’Argus suédois, dans lequel il satirise les différents aspects de la vie de son temps ; son célèbre Conte du cheval (1740) est une allégorie du peuple suédois. Dalin écrit aussi une tragédie en vers, Brynhilda (1738), ainsi qu’une Histoire du royaume de Suède en quatre volumes (1747-1762). C’est une place à part qu’occupe Emanuel Swedenborg (1688-1772), dont la plupart des ouvrages sont en latin ; il abandonne la science à soixante ans pour une philosophie religieuse qui le rendra célèbre dans toute l’Europe.