Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

saxophoniste de jazz (suite)

Au début des années 50, Sonny Rollins et John Coltrane vont infléchir de manière décisive l’évolution du ténor. Leurs styles seront les éléments principaux de toutes sortes de mélanges et de synthèses, dont témoignent les musiques de Yusef Lateef, Billy Mitchell, Wayne Shorter, Stanley Turrentine, Booker Ervin jr., James Clay, Bill Baron, Clifford Jordan, Walter Benton, Roland Kirk, Joe Henderson. Quelques-uns de ces saxophonistes ainsi que des musiciens plus jeunes, comme Billy Harper, Benny Maupin, John Klemmer, Tom Scott, nuanceront et actualiseront ce que l’on pourrait appeler l’héritage coltrano-rollinsien par divers emprunts au « free jazz* ».

Par l’étendue de son registre, sa puissance, ses possibilités de nuances et surtout son caractère très « vocal » (du chant le plus doux aux hurlements, sifflements et grincements), le ténor sera l’instrument favori des free jazzmen, pour qui la « liberté musicale » ne correspondra pas seulement à l’invention de sonorités inouïes. C’est en fait toute l’histoire de la musique noire et du saxophone que ces free jazzmen « reliront » et actualiseront dans leurs improvisations — des musiques de fanfares au cri en passant par le lyrisme de Coleman Hawkins et de Ben Webster, les audaces harmoniques de Parker, les incantations de Coltrane, les brisures de Dolphy et aussi tous ces sons parasites (sifflements d’anches, harmoniques, etc.) que l’on considérait jusqu’alors comme des « erreurs ». Par l’extrême diversité de leurs musiques, Albert Ayler, Archie Shepp, Pharoah Sanders, Gato Barbieri, Giuseppi Logan, Dewey Redman, John Gilmore, Frank Lowe, Sam Rivers, Frank Wright, Maurice McIntyre annonceront une pratique du ténor ouverte à tous les possibles, et aussi à ce que l’académisme occidental jugeait — et juge encore — « impossible » ou « incongru ».

P. C.


Quelques saxophonistes de jazz


Albert Ayler.

V. free jazz.


Leon Berry dit Chew Berry

(Wheeling West, Virginie, 1910 - Conneaut, Ohio, 1940). Pendant les années 30, il travailla avec Benny Carter, Fletcher Henderson, Cab Calloway, Count Basie, Lionel Hampton, Billie Holiday, Teddy Wilson... Avec Coleman Hawkins et Lester Young, il fut un des grands du ténor « classique ».

Enregistrement : Limehouse Blues (1937).


Harry Carney

(Boston 1910 - New York 1974). Baryton et aussi clarinettiste, il fit partie dès 1927 de l’orchestre de Duke Ellington. Sans doute influencé d’abord par Coleman Hawkins, il a fait du baryton un instrument à la fois de lyrisme et de vivacité rythmique, et surtout un élément essentiel du son ellingtonien.

Enregistrement : Sophisticated Lady (avec Ellington, 1956).


Benny Carter

(New York 1907). Saxophoniste alto, trompettiste, clarinettiste, arrangeur et chef d’orchestre, il a vécu toute l’histoire du jazz, des grands orchestres des années 20 et 30 (Duke Ellington, Fletcher Henderson, Chick Webb...) au be-bop et aux musiques de films hollywoodiens. Avec Johnny Hodges, il reste l’inventeur d’une conception de l’alto placée sous le signe de l’élégance et du swing.

Enregistrement : Cotton Tail (1961).


Ornette Coleman.

V. free jazz.


Eric Dolphy.

V. free jazz.


Stan Getz

(Philadelphie 1927). À la fin des années 40, il participa, dans le grand orchestre de Woody Herman, aux travaux des « Brothers », surnom donné à un groupe de saxophonistes qui tentèrent de réactualiser le style de Lester Young. Associé à la tendance « cool » (v. be-bop), Getz a peu à peu enrichi son travail d’éléments très divers, voire contradictoires ; d’où un discours ambigu où le doux — presque le mièvre — alterne avec une véhémence très « virile ».

Enregistrement : Summertime (1964).


Johnny Hodges dit « The Rabbit »

(Cambridge, Massachusetts, 1906 - New York 1970). À l’exception de quelques brèves interruptions, il a fait partie de l’orchestre d’Ellington de 1928 jusqu’à sa mort. Issu des styles de Sidney Bechet et de Louis Armstrong, son jeu à l’alto (il jouait aussi du soprano) a été déterminant pour tous les utilisateurs de ce saxophone, jusqu’à l’apparition de Charlie Parker.

Enregistrement : All of me (avec Duke Ellington, 1959).


Lee Konitz

(Chicago 1927). Aux côtés de Claude Thornhill, de Miles Davis, de Stan Kenton et sous l’influence, décisive, du pianiste Lennie Tristano, il a mis au point, au moment même de l’hégémonie de Charlie Parker, un style radicalement différent, qui le fit considérer comme un des chefs de file du jazz « cool ». Au contact des jeunes musiciens « free », il devait ensuite démontrer, au-delà des étiquettes et des modes, la parfaite actualité de son travail.

Enregistrement : Subconscious Lee (1949).


Gerry Mulligan

(New York 1927). En Californie, en 1952, il forma un quartette où la principale innovation est l’absence de pianiste, ce qui, à l’époque, bouleversa considérablement les rapports entre les fonctions respectives des instrumentistes. Avec le trompettiste Chet Baker ou le trombone Bob Brookmeyer, il développa ainsi un discours polyphonique marqué à la fois par les formes archaïques du jazz et par l’acquis du be-bop. Il est considéré avec Harry Carney comme un des meilleurs saxophonistes barytons.

Enregistrement : All about Rosie (1961).


Sonny Rollins

(New York 1929). Compagnon de Charlie Parker, de Bud Powell, de Miles Davis, de Fats Navarro, d’Art Blakey, de Max Roach, il a également enregistré avec Coleman Hawkins, le « père du saxophone ténor », et le trompettiste « free » Don Cherry. C’est dire l’exceptionnelle ouverture de son travail, aussi bien aux tendances les plus modernes qu’aux traditions les plus fortes de la musique afro-américaine. Improvisateur tout à fait remarquable, il apparaît — sans avoir droit pour autant à l’étiquette « free » ou d’« avant-garde » — comme l’un des musiciens les plus libres.

Enregistrement : Freedom Suite (1958).


Archie Shepp.

V. free jazz.