Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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savon (suite)

Les différents savons


Savons de toilette

La nécessité d’utiliser, pour leur fabrication, des matières premières qui fournissent des savons aussi peu colorés que possible impose l’emploi d’acides gras purifiés et fractionnés par distillation. On élimine ainsi les composés à « chaînes courtes », ce qui évite les odeurs désagréables rappelant celles du bouc et de la chèvre dans le produit fini. D’autre part, il est obligatoire d’utiliser un matériel de scission et de distillation ainsi que des pompes en acier inoxydable, alors que les conduites de circulation, les citernes destinées au transport et les tanks de stockage des acides gras peuvent être en aluminium. De plus, la masse doit être conservée à l’état fluide à une température de 40 à 50 °C, ce qui suppose une limitation de la durée des opérations à une ou deux semaines pour éviter la formation d’hydroperoxydes et l’apparition d’une coloration brun-rouge. En revanche, la transformation des acides gras en savons pourrait se pratiquer dans des cuves de fer, l’alcali en excès et le savon formé, déposés sur les parois du récipient, leur évitant tout contact avec la masse.

La coloration des savons de toilette est une mode relativement récente, uniquement destinée à orienter le choix de la clientèle. Les quantités de matières colorantes utilisées sont faibles, et, comme on élimine de leur choix les composés nettement toxiques, leur emploi est sans risque, sauf dans le cas particulier de certaines allergies. En France, il n’existe pas de réglementation à leur propos, bien que les États-Unis et l’Allemagne fédérale en aient établi une. On utilise soit des matières colorantes solubles dans l’eau, que l’on mélange à la masse fluide, soit des « colorants pigmentaires », qu’il faut disperser par un broyage au sein de la masse, ou bien encore des produits solubles dans les huiles ou dans les parfums.

L’introduction d’un parfum dans un savon est une opération délicate qui en modifie la structure et, par là même, peut exercer une influence considérable sur sa stabilité. De plus, le parfum au contact du savon peut se trouver profondément modifié en raison des réactions chimiques capables de se produire entre les deux séries de constituants antagonistes. La note olfactive se trouve parfois profondément affectée soit immédiatement, soit, ce qui est plus grave, plus ou moins rapidement.

De plus, l’odeur agréable du savon doit se transférer à la peau sans être trop envahissante. Seules des constatations empiriques ont servi de guide jusqu’ici.

Enfin, l’emballage peut aussi être le siège d’interactions, jouer le rôle de condensateur du parfum, s’enrichir en certains composants et altérer grandement l’odeur recherchée.


Savons médicinaux

Dès 1746, le savon était inscrit à la Pharmacopée française. Celle-ci en indiquait le mode de préparation à partir de l’huile d’amande douce ou de l’huile d’olive, qui étaient traitées par un mélange d’eau de chaux et du produit de lixiviation des cendres de « potasse espagnole ». Ce mode opératoire éliminait probablement une partie des acides gras sous la forme de sels calciques insolubles. Peu à peu, diverses formules ont été proposées ; elles reconnaissaient empiriquement que les propriétés ne sont pas identiques à elles-mêmes suivant les matières premières utilisées : origine de la matière grasse et nature de l’alcali. Les savons eurent leur place dans la préparation de certains médicaments destinés tant à l’usage externe (liniments, emplâtres, baumes) qu’à l’usage interne (pilules diverses) ; ils n’y jouaient pas un simple rôle d’excipient. Les éditions modernes du codex ont continué à inscrire le savon animal et le savon médicinal ainsi qu’un savon mou potassique, à l’huile de coco, destiné à l’usage vétérinaire et à l’obtention d’un savon liquide qui, additionné de glycérine, est réservé au lavage des mains. La valeur antiseptique est augmentée par l’addition de formol.

Préparés autrefois en officine, les savons officinaux sont aujourd’hui fabriqués à une échelle semi-industrielle par des laboratoires spécialisés dans la préparation des médicaments galéniques.

• Action germicide et antiseptique des savons. Les premières expériences sur le pouvoir antiseptique du savon sont dues à Robert Koch (1843-1910), qui, en 1881, chercha à déterminer l’action d’un savon de potassium ordinaire sur la bactérie du charbon ; il démontra la sensibilité de certains germes pour des concentrations de 1 p. 100, auxquels d’autres, tel le bacille typhique, sont réfractaires. Les recherches de Price ont été consacrées à la flore bactérienne de la peau, qui ne peut être éliminée que difficilement : six minutes de lavage énergique avec la solution savonneuse n’en détruisent que 50 p. 100. En revanche, la flore accidentelle constituée de microbes pathogènes disparaît plus facilement. Pour expérimenter des savons de formules variées, on opère sur un même sujet, une des mains étant lavée avec le savon témoin, l’autre avec le produit à étudier. On a pu ainsi comparer entre eux des savons industriels, des savons alcalins d’acides gras purs, des savons contenant des antiseptiques ou des substances médicamenteuses.

• La nature de l’acide gras joue un rôle important ; les savons d’acides saturés sont moins actifs que les savons d’acides éthyléniques, dont le pouvoir antiseptique croît avec le nombre de doubles liaisons.

Pour augmenter le pouvoir germicide des savons, on a d’abord proposé de les additionner d’antiseptiques tels que le borate de potassium, le biiodure de mercure, le polysulfure de potassium ou de sodium, le phénol ou la résorcine. Les progrès de la chimie de synthèse ont permis l’emploi d’antiseptiques modernes, tel l’hexachlorophène que les techniciens ont dénommé G 11, qui n’est irritant ni par lui-même ni dans le savon et qui est peu ou pas toxique, même par voie buccale et à dose élevée. L’emploi constant, pendant une semaine, de savon contenant 2 p. 100 de G 11 provoque la disparition de 94 p. 100 des bactéries. Des expériences menées sur 400 personnes pendant deux ans n’ont provoqué ni irritation ni dermatose. Ce savon est donc recommandé à ceux que leur profession oblige à de fréquents lavages et à une antiseptie rigoureuse. Les savons d’huile de foie de morue ont une action bactéricide marquée. La lyse du pneumocoque est déjà évidente au bout de vingt-quatre heures pour une concentration de 5.10–7. Elle est totale pour la solution à 1/150 000. On reconnaît encore aux savons des propriétés solubilisantes vis-à-vis de la lécithine, un pouvoir hémolytique plus intense pour les pH de la zone acide (de 5,8 à 6,2) et qui augmente en fonction du nombre de liaisons éthyléniques.