Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sardaigne (suite)

Vainement attaquée par la flotte française du cardinal de Sourdis en 1637, occupée en 1708 par les Anglais, hostiles à Louis XIV et à Philippe V d’Espagne, officiellement attribuée aux Habsbourg d’Autriche par le traité de Rastatt de 1714, la Sardaigne est finalement abandonnée en 1718 par le traité de Londres au duc de Savoie Victor-Amédée II en échange de la Sicile, mais contre l’octroi d’une couronne royale, ce qui permet à ce dernier de s’égaler désormais aux plus grands princes d’Europe. Le nouveau roi prend possession de l’île en septembre 1720.


La Sardaigne contemporaine

L’île est, de 1799 à 1814, le refuge des descendants de Victor-Amédée II, qui y abrogent la féodalité en 1835, mais qui ne peuvent lutter contre l’extension du système latifundiaire qui l’appauvrit. Elle est rattachée politiquement au Piémont en 1848 avant d’être incorporée au royaume d’Italie en 1861. En février 1948, elle est érigée en région autonome pourvue d’un gouvernement désigné par une assemblée régionale élue. Ainsi se trouvent créées les conditions favorables à la mise en place d’un programme économique destiné à moderniser l’appareil de production et à améliorer les conditions de vie des populations sardes.

P. T.


L’art en Sardaigne

À partir du IIe millénaire av. J.-C. fleurissent en Sardaigne une série de cultures qu’on englobe sous le nom de civilisation « nuragique ». Les nuraghi, longtemps considérés comme des tombes, sont en réalité des habitations fortifiées ; en forme de tours, ils sont construits au moyen d’énormes blocs de pierre souvent d’origine volcanique. On en connaît environ sept mille disséminés sur tout le territoire sarde, mais ils sont particulièrement nombreux entre Sassari et Oristano. De la même époque date un art plastique particulier, de petits bronzes votifs trouvés dans les tombes ou dans les restes d’habitations, qui nous donnent l’image d’un peuple guerrier, rude et austère (Musée national archéologique de Cagliari).

Assez peu importantes sont les traces des invasions successives des Phéniciens, des Carthaginois et des Romains (ruines de Tharros et de Nora ; objets au musée de Cagliari et au moderne musée national de Sassari).

Les premiers témoignages chrétiens sont fournis par les catacombes de l’église de Sant’Antioco (où l’on voit aussi une nécropole punique) et par l’église de San Salvatore près de Cabras, édifiée sur un hypogée païen. Une nette influence byzantine et orientale caractérise les constructions religieuses entre le ve et le xe s. La trace en est visible dans la monumentale basilique Santi Cosma e Damiano à Cagliari et dans l’église de San Giovanni in Sinis à Cabras. Ces deux églises ont subi au xiie s. d’importants remaniements en style roman primitif.

Des formes de ce roman archaïque apparaissent dans le sanctuaire de la Madone de Bonacattu à Bonarcado et dans l’église de Mesumundu à Siligo, aux absides tréflées. Dans l’église paroissiale de Sant’Antioco et dans celle de Sant’Efisio à Pula, on remarque quelques influences franco-provençales dues à des transferts de communautés monastiques. L’art sarde connaît son apogée avec la période romane proprement dite, qui se prolonge jusqu’à la fin du xive s. malgré l’apparition de traits empruntés au gothique.

Les premières églises romanes, jusqu’au milieu du xiie s., montrent les influences toscanes et lombardes, bientôt relayées par le style pisan. Minuscules d’abord (Bosa et Serdiana), elles deviennent ensuite plus monumentales (San Gavino à Porto Torres, basilique à deux absides opposées). Parmi les chefs-d’œuvre du style roman sarde, il faut citer les églises de Santa Giusta, Uta, Olbia, Borutta (San Pietro di Sorres), Ardara, toutes à arcatures pisanes, et la basilique de Tratalias ; l’église San Pantaleo, à Dolianova, offre des thèmes lombards mélangés à d’autres, d’origine nettement musulmane. À un type pisan plus évolué appartiennent notamment l’abbaye de la Santissima Trinità di Saccargia, très restaurée, Sant’Antioco di Bisarcio et San Pietro près de Bulzi. Peinture et sculpture sont peu développées, cependant que l’architecture militaire se signale par les fortifications de Cagliari et d’Oristano.

L’emploi de l’ogive caractérise les constructions du xive s., sans que l’on abandonne pour autant la tradition précédente. Ce gothique sarde se développe pendant la période aragonaise (xve s.) avec des églises larges, basses, presque toutes à une seule nef voûtée, avec des absides polygonales et d’élégantes chapelles latérales (San Francesco à Iglesias, restes de San Domenico à Cagliari, églises d’Atzara, de Bonorva, de Guspini...). Le style gothique ne subit guère de modifications jusqu’à la fin du xvie s. incluse, lorsque l’on construit l’important ensemble architectural d’Alghero (cathédrale avec son campanile, église et cloître San Francesco). À Cagliari aussi, le goût du gothique persiste jusqu’à la fin du xvie s. (église de la Purissima, chapelle du Rosaire à San Domenico, avec des éléments Renaissance). La maison baroniale des Alagon, à Villasor, est un rare exemple de demeure fortifiée. La sculpture gothique reste essentiellement décorative. Quant à la peinture, elle se signale par l’activité du Maître de Castel Sardo, à la couleur précieuse, du Maître d’Ozieri, de Giovanni Barcelo et de Giovanni Muru.

La Renaissance sarde, d’abord limitée à quelques éléments décoratifs, prend à partir du milieu du xvie s. un caractère propre : réminiscences gothiques et tradition populaire (celle du décor sculpté sur bois) s’y combinent aux formes toscanes, acceptées avec plus d’un siècle de retard. Santa Caterina de Sassari et l’église d’Escalaplano sont parmi les monuments les plus complets et suggestifs de l’époque. La peinture voit naître l’activité de l’« école de Stampace », avec des œuvres de Lorenzo, de Pietro et de Michele Cavaro, d’Antioco Mainas et d’Andrea Lusso, tous Sardes, et de Ursino Bonocore, de Bartolomeo Castagnola et de Girolamo Imparato, d’origine probablement napolitaine.