Saragosse (suite)
Après la reconquête de la ville par Alphonse Ier le Batailleur en 1118, les chrétiens transformèrent une mosquée en cathédrale. C’est seulement à partir de 1189 que fut édifiée la nouvelle cathédrale San Salvador, appelée la Seo. Ses deux éléments principaux sont une abside romane et une magnifique nef du type halle, lentement construite entre le xive et le xvie s. Le cimborio, ou tour-lanterne, refait dans les premières années du xvie s., perpétue la tradition des coupoles nervées sur arcs entrecroisés de tradition hispano-moresque.
D’un mobilier très riche se détache le retable du maître-autel, commencé en 1434 par le Catalan Pere Johan (v. 1400 - v. 1458) et continué en 1467 par l’Allemand Hans de Gmünd, puis par Gil Morlanes (v. 1450 - v. 1517), qui introduisit l’italianisme à Saragosse.
À l’extérieur de la cathédrale, la tour octogonale, dessinée en 1686 par l’Italien Giovan Battista Contini, et une façade néo-classique établissent un lien stylistique avec l’autre grand édifice religieux de Saragosse, la basilique Nuestra Señora del Pilar.
À son emplacement voisinaient deux monuments : une église gothique, Santa María, dont on conserve le grand et beau retable (1509-1515) du Valencien Damián Forment (v. 1480-1541), et un édifice commémoratif où l’on vénérait le pilier miraculeux sur lequel une image de la Vierge serait apparue à saint Jacques au cours de sa mission d’évangélisation en Espagne. Dans la seconde moitié du xviie s., on entreprit d’unifier les deux constructions dans un espace architectural unique, dont les plans furent fournis par Francisco Herrera le Jeune (1622-1685). Ce peintre de Séville, ayant longtemps vécu à Rome, était venu tard à l’architecture. Il proposa un parti des plus pittoresques, qui jouait, à l’intérieur, sur des effets d’ombre et de lumière et établissait à l’extérieur une savante hiérarchie entre les différents éléments de la construction. Ce projet fut malheureusement défiguré en cours d’exécution. Au siècle suivant, le grand architecte Ventura Rodríguez (1717-1785) dressa à l’intérieur de l’édifice un petit temple précieux, véritable écrin destiné à mettre en valeur le pilier miraculeux, grâce à d’habiles effets de perspective. Les coupoles du Pilar furent décorées par les peintres royaux, parmi lesquels Francisco Bayeu (1734-1795) et Goya* (la Vierge reine des martyrs, Regina martyrum, 1780-81).
L’architecture civile se développa surtout à Saragosse à l’époque de la Renaissance. Il s’agissait de sobres édifices de brique, du type de la Lonja (1541-1551). Le palais des Luna (aujourd’hui la Audiencia) se distingue par un portail très saillant, cantonné de deux atlantes.
On regrettera que Goya soit si peu représenté à Saragosse. Outre la coupole de la Regina martyrum, on ne peut guère citer que quelques portraits au musée et les peintures murales de la chartreuse d’Aula Dei, dans la banlieue, qui représentent des œuvres de jeunesse (v. 1772-1774), encore très italianisantes et par ailleurs passablement restaurées.
M. D.
➙ Aragon / Espagne.