Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Saladin (suite)

Puis Saladin s’attaqua au comté de Tripoli et à la principauté d’Antioche. En 1188, les Francs ne tenaient plus en Syrie que les villes de Tyr, de Tripoli et d’Antioche. Partout ailleurs, Saladin était le maître. Il commit sans doute l’erreur de ne pas s’emparer immédiatement des derniers ports encore aux mains des chrétiens, car, en Europe, le désastre de Ḥaṭṭīn provoqua une grande émotion et suscita le départ de la troisième croisade* commandée par les puissants souverains qu’étaient Philippe II Auguste, Richard Ier Cœur de Lion et l’empereur Frédéric Ier Barberousse.

Si l’armée impériale, qui avait emprunté la voie terrestre, fut arrêtée en Asie Mineure, Français et Anglais coopérèrent avec leurs frères d’Orient pour reprendre le 12 juillet 1191 Saint-Jean-d’Acre, assiégée depuis août 1189. Mais le départ de Philippe Auguste ne permit pas aux croisés d’exploiter ce succès, et Richard Cœur de Lion ne put parvenir à reprendre Jérusalem. Il se contenta de s’emparer de quelques places côtières (Césarée, Arsouf, Jaffa, Ascalon).

Finalement, Saladin signa avec le roi d’Angleterre, le 3 septembre 1192, une trêve de trois ans qui assurait aux chrétiens la possession de la côte depuis Tyr jusqu’à Jaffa. Si les Francs obtenaient le libre passage pour se rendre en pèlerinage à Jérusalem, Ascalon devait être démantelée. C’était un triomphe pour Saladin ; l’union de tous les musulmans avait, en effet, porté un coup mortel au royaume latin de Jérusalem. Richard Cœur de Lion, après la signature du traité, retourna en Europe, et Saladin revint à Damas, où il mourut peu de temps après, le 4 mars 1193, pleuré par le monde musulman à l’égal d’un prophète.

Saladin, remarquable stratège et grand politique, est, sans contredit, l’une des plus grandes figures de l’histoire de l’islām. Musulman convaincu, il lutta avec rigueur contre les envahisseurs francs de la Syrie, mais sut se montrer tolérant envers ses propres sujets chrétiens.

Après Ḥaṭṭīn, il n’hésita pas à tuer de sa main Renaud de Châtillon, ni à faire exécuter Templiers et Hospitaliers, mais, après la prise de Jérusalem, il traita avec bonté les captifs, et particulièrement les femmes et les enfants. Grâce à lui, les chrétiens ne furent pas molestés, et Saladin libéra sans rançon un grand nombre de pauvres gens.

Il refusa également, malgré les conseils de son entourage, d’abolir le pèlerinage chrétien et de raser le Saint-Sépulcre. « Pourquoi, s’écria-t-il, le détruire et le ravager, alors que l’objet de leur adoration est l’emplacement de la croix et du sépulcre et non pas l’édifice extérieur ? Imitons les premiers conquérants musulmans qui ont respecté ces églises. »

Pour toutes ces raisons, les chrétiens eux-mêmes se plurent à voir en lui un modèle de toutes les vertus chevaleresques et, dans sa Divine Comédie, Dante le plaça dans un lieu particulier de son Enfer, avec les grands hommes qui ne connurent pas le message du Christ.

Saladin ne fut pas, cependant, un homme d’État au sens moderne du mot, car il ne laissa ni loi ni constitution et ne fit rien pour empêcher le partage de son empire après sa mort. Intrépide général, il ne sut pas organiser ses armées, reconnaissant lui-même que ses soldats n’étaient redoutables que lorsqu’il était à leur tête.

P. P. et P. R.

➙ Ayyūbides / Croisades / Égypte / Fāṭimides / Jérusalem / Latins du Levant (États) / Syrie.

 R. Röhricht, Beiträge zur Geschichte der Kreuzzüge (Berlin, 1874-1878 ; 2 vol.). / S. Lane-Poole, Saladin and the Fall of the Kingdom of Jerusalem (New York, 1898). / W. B. Stevenson, The Crusaders in the East. A Brief History of the Wars of Islam with the Latin in Syria during the Twelth and Thirteenth Centuries (New York, 1907). / J. Hartmann, Die Persönlichkeit des Sultans Saladin im Urteil der abendländischen Quellen (Berlin, 1933). / R. Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem (Plon, 1935 ; 3 vol.). / A. Champdor, Saladin, le plus pur héros de l’Islam (A. Michel, 1956).

Salamanque

En esp. Salamanca, v. d’Espagne, dans le León, sur le Tormes ; 125 000 hab.


Salamanque symbolise le passé universitaire de l’Espagne. Son université est de fondation royale, puisqu’elle fut créée par Alphonse IX de León en 1218. Cependant, l’adoption du statut de l’université de Bologne lui assura une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir politique. L’université de Salamanque eut surtout son heure de gloire à l’époque de la Renaissance, lorsque le renouvellement de l’enseignement théologique lui permit de contribuer efficacement à la réforme de l’Église catholique.

Jusque-là, les bâtiments universitaires étaient demeurés fort modestes. La Renaissance* allait doter l’université de constructions majestueuses, destinées à conférer à l’enseignement une allure de cérémonie. La célèbre façade des Escuelas Mayores (entre 1513 et 1525) fut conçue en fonction d’une place qui constituait le cœur de la vie estudiantine. Sa composition, imitée des retables, fut reprise pour la façade des Escuelas Menores. Le vaste patio de ces dernières emprunte un certain air mudéjar à ses arcs curvilinéaires. Pour la bibliothèque, ouverte en 1495, le grand peintre Fernando Gallego (connu entre 1468 et 1507) avait conçu une vaste composition évoquant le zodiaque et les constellations.

Les locaux universitaires sont riches de souvenirs. On évoque la mémoire de l’illustre Fray Luis de León (1527-1591), théologien, poète et philosophe, dans une salle qui a conservé les bancs, la tribune et la chaire de l’époque.

C’est également à partir de la Renaissance que se développent les collèges. On peut suivre à travers leurs constructions l’histoire des styles artistiques du xvie au xviiie s. Le collège de l’Archevêque (ou des Irlandais) est d’allure toute classique. Les plans en furent fournis en 1529 par Diego de Siloé*, l’un des « aigles » de la Renaissance espagnole. L’art des Churriguera* a présidé à la naissance du collège de Calatrava (à partir de 1717). Enfin, c’est avec le néo-classicisme plein de charme du collège de San Bartolomé (ou d’Anaya, entre 1760 et 1768) que s’achève cette évolution.

Le passé universitaire, tout brillant qu’il ait été, ne doit pas faire oublier une vie religieuse, municipale et patricienne, qui s’exprime dans des monuments nombreux et de qualité.

Les deux cathédrales évoquent l’expansion de la ville. À la suite de la Reconquista et du repeuplement chrétien du début du xiie s., on bâtit une première cathédrale (Catedral Vieja), dont le transept est couronné d’une pittoresque tour-lanterne, ou cimborio, dénommée « Torre del Gallo ».

Toute une série d’églises romanes accompagnaient l’église mère du diocèse. On retiendra notamment San Martín et San Marcos, un édifice circulaire, orné de peintures murales.