Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sakhaline (suite)

La forêt mixte d’Extrême-Orient, peu défrichée, atteint 1 000 m, limite au-delà de laquelle commence une pelouse alpine, ou toundra ; la limite supérieure des résineux se tient à 800 m. La basse forêt, souvent humide, est riche en essences qu’on retrouve au Japon ou dans les vallées de l’Ossouri et de l’Amour : lianes, bambous, vigne sauvage. De 1905 à 1945, le 50e parallèle servit de frontière entre la partie nord de l’île, occupée par les Russes, et la partie sud, attribuée au Japon. Depuis 1945, le peuplement est presque exclusivement russe, à l’exception de quelques minorités autochtones. La région est riche de promesses. On y trouve quelques îlots de cultures céréalières (blé, avoine, orge, sorgho, un peu de maïs) et des prairies ou des cultures fourragères alimentant un cheptel bovin. L’Ouest contient des lignites et du charbon. La pêche, à l’imitation du Kamtchatka, s’est développée : on compte une vingtaine de sovkhozes spécialisés dans cette activité. Le renne a été répandu au nord d’Aleksandrovsk-Sakhalinski. Le pétrole commence à être exploité au sud-est et au nord-est, et le charbon, en plusieurs mines de la côte occidentale. Le pétrole est exporté par tankers vers Nikolaïevsk-na-Amoure et la raffinerie de Khabarovsk. D’autres métaux ont été repérés. Plus des trois quarts de la population se concentrent dans des villes de quelques dizaines de milliers d’habitants : au sud, Korsakov et Ioujno-Sakhalinsk ; au nord, Okha, à la hauteur de Nikolaïevsk-na-Amoure ; près de la côte ouest, Aleksandrovsk-Sakhalinski et Ouglegorsk.

Sakhaline offre l’exemple d’une région assez riche, mais au développement encore négligé. Le Japon a proposé son aide pour exploiter et transporter par méthaniers le gaz de l’île jusqu’à Honshū et même Tōkyō. La population augmente faiblement, et la majeure partie du ravitaillement vient par le Transsibérien (par Vladivostok).

A. B.

Saladin

En ar. Ṣalāḥ al-Dīn Yūsuf, premier sultan ayyūbide d’Égypte et de Syrie (Takrīt, Mésopotamie, 1138 - Damas 1193).


Son père, Ayyūb, et son oncle, Chīrkūh, étaient des officiers kurdes au service de l’atabek de Mossoul, Imād al-Dīn Zangī (1127-1146), qui avait été le premier à remettre en honneur la guerre sainte contre les envahisseurs « francs », les croisés, durant ses campagnes de Syrie (1135-1146).

À cette époque, l’empire des Seldjoukides* était, en effet, divisé entre de nombreux atabeks turcs. Le fils de Zangī, Nūr al-Dīn Maḥmūd (1146-1174), succéda à son père et acheva la conquête de la Syrie. Ayyūb, qui avait déjà reçu en 1139 Baalbek des mains de Zangī, se vit confier par Nūr al-Dīn le gouvernement de Damas en 1154. C’est dans cette ville, foyer le plus célèbre de la culture musulmane, que fut élevé le jeune Saladin.

En trente ans, de 1164 à 1193, Saladin allait contribuer puissamment à propager l’islām par ses conquêtes de l’Égypte, de la Mésopotamie et de la Syrie, par la destruction du royaume de Jérusalem et par ses guerres contre les chrétiens.


La conquête de l’Égypte* (1164-1174)

Nūr al-Dīn entreprit en 1164 la lutte contre les califes fāṭimides* d’Égypte, alliés occasionnels des Francs et qui menaçaient la puissance de son empire et, en tant qu’hérétiques, chī‘ites, l’orthodoxie islamique.

Le califat d’Égypte, alors en pleine décadence, était une proie facile pour ses voisins ; aussi le roi de Jérusalem*, Amaury Ier (1163-1174), se dirigea-t-il en 1163 vers Le Caire. En 1164, Chīrkūh fut envoyé en Égypte par Nūr al-Dīn et prit son neveu Saladin comme lieutenant. La guerre se circonscrit rapidement en un duel entre chrétiens et musulmans au cours des campagnes de 1164, de 1167, de 1168 et de 1169.

Les Francs, d’abord victorieux (prise du Caire par Amaury Ier en 1167), subirent ensuite de lourdes pertes, et, en mars 1169, à la mort de Chīrkūh, Saladin succéda à ce dernier au poste de vizir, avec le titre de « al-Malik al-Nāṣir ». Cette fonction, qui le rendait pratiquement maître de l’Égypte, allait lui permettre de réaliser son premier grand dessein. Proclamant l’obédience de l’Égypte au califat de Bagdad (1171), il mit fin au califat fāṭimide du Caire et écarta al-‘Aḍid (1160-1171) du pouvoir. L’orthodoxie sunnite restaurée en Égypte, l’islām était désormais uni contre la chrétienté.

Saladin entreprit ensuite la conquête de l’Arabie méridionale pour assurer ses arrières.


La conquête de la Syrie* et de la Mésopotamie (1174-1186)

La mort de Nūr al-Dīn en 1174 évita un affrontement entre lui et son trop puissant second. Les vassaux de Nūr al-Dīn s’étant révoltés contre son faible successeur, son jeune fils al-Malik al-Ṣāliḥ, Saladin vint au secours de ce dernier, s’empara de Damas, de Ḥamā et de Homs en 1174, de Baalbek et d’Alep en 1175, et, il se fit investir de la souveraineté sultanale (1175).

Il s’employa alors à soumettre à son autorité les petits princes seldjoukides de Mésopotamie et d’Asie Mineure. En 1186, il reçut l’hommage de l’atabek de Mossoul.

Sa puissance étant désormais incontestée parmi les siens, il s’attaqua alors aux chrétiens (v. latins du Levant [États]), qu’il voulait rejeter à la mer. Il pratiqua d’abord une stratégie d’offensives limitées, de razzias destructrices destinées à désorganiser les défenses des Francs et à démoraliser ceux-ci. Il sut mettre à profit l’anarchie qui régna dans le royaume de Jérusalem après la mort d’Amaury Ier en 1174, sous les règnes de Baudoin IV (1174-1185) et de Baudoin V (1185-86) et lors des luttes pour la succession de ce dernier, à propos de laquelle s’affrontèrent le nouveau roi Gui de Lusignan, Raymond III, comte de Tripoli, et Renaud de Châtillon.


La lutte contre les Francs et la destruction du royaume de Jérusalem (1187-1192)

En 1187, Saladin lança toutes ses forces contre les Francs et les battit près de Nazareth. Le 2 juillet, un petit corps de Templiers et d’Hospitaliers fut taillé en pièces à Tibériade, et, le 4 juillet, au nord de la ville, dans la plaine de Ḥaṭṭīn, les chrétiens subirent une terrible défaite. Le roi Gui de Lusignan et le grand maître du Temple furent faits prisonniers, ainsi que les plus grands seigneurs du royaume, et les chevaliers du Temple et de l’Hôpital furent mis à mort sur l’ordre de Saladin.

Durant le mois de juillet, le vainqueur de Ḥaṭṭīn s’empara tour à tour de Saint-Jean-d’Acre, de Nazareth, de Césarée, de Naplouse et de Sidon. En août, Beyrouth fut prise ; Ascalon, Gaza et Hébron tombèrent en septembre. En dévastant sur son passage les sanctuaires de Bethléem et de Béthanie, l’armée de Saladin s’avança vers Jérusalem, qui capitula le 2 octobre 1187.