Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saint-Just (Louis Antoine Léon) (suite)

Caveant consules ! Les chefs militaires savent ce qui les attend lorsqu’il arrive en mission avec Philippe Le Bas (1765-1794) dans les départements frontières. D’octobre à décembre 1793, il se trouve à l’armée du Rhin, puis à deux reprises (janvier-février et avril-juin 1794) à l’armée du Nord. Son premier but est de relever le moral des troupes en s’occupant de leur habillement et de leur ravitaillement. Mais il s’agit surtout d’épurer l’armée. Il dégrade les chefs coupables de faiblesse, nomme des cadres nouveaux. Les officiers ayant mal parlé de la République sont fusillés devant leurs hommes. Sa rigueur s’exerce aussi à l’égard des civils. Il lève des contributions extraordinaires : à Strasbourg, les riches devront payer une taxe de 9 millions ; à Nancy, 5 millions. Sur son ordre, on réquisitionne des millions de manteaux, de lainages, de paires de chaussures. Partout où il passe, il sème l’effroi, mais cet effroi produit son effet. La victoire ou la mort, telle est l’alternative. Son énergie permettra la victoire de Fleurus (26 juin 1794).

Entre-temps, à Paris, il continue avec la même ardeur à mener son combat révolutionnaire. En février 1794, il présente un rapport sur les décrets de ventôse, selon lesquels les biens des riches convaincus d’incivisme doivent être mis sous séquestre et distribués aux indigents. Mais surtout, il soutient Robespierre dans sa lutte contre les « factions ». « Pour sauver la République qu’il avait rêvée, écrira René Levasseur (1747-1834), député de la Sarthe à la Convention nationale, il aurait donné sa tête, mais aussi cent mille têtes d’homme avant la sienne. » En attendant ce sacrifice final, il rédige des rapports contre les hébertistes (13 mars), contre Hérault de Séchelles (17 mars), contre Fabre d’Églantine, Danton*, Camille Desmoulins (31 mars). Il empêchera les dantonistes de se défendre en mettant « hors débat des prévenus ayant insulté à la justice nationale » (4 avr.).

Parallèlement à ces combats, Saint-Just réfléchit sur l’avenir. Des notes seront publiées après sa mort sous le titre de Fragments sur les institutions républicaines. Ce jeune homme de vingt-six ans a des idées sur tout et en particulier sur l’éducation des enfants. Selon lui, les gardons doivent être élevés de cinq à seize ans par la patrie et recevoir, à partir de dix ans, une éducation militaire. Les filles resteront auprès de leur mère, elles ne pourront paraître en public qu’encadrées par leurs parents. Ébauchant l’édifice d’une république idéale, Saint-Just rêve d’une démocratie composée de paysans vertueux et de soldats héroïques. Sur le plan économique, il prône avant tout l’agriculture : « Il ne peut exister de peuple vertueux et libre qu’un peuple agriculteur. » Il estime du reste qu’il faut donner des terres à tout le monde, « détruire la mendicité par la distribution des biens nationaux ».

Mais la « force des choses » va couper court à ces envolées. Lorsqu’il regagne Paris après Fleurus, il trouve les comités divisés. Depuis quelque temps, il semble d’ailleurs s’être détaché de Robespierre. Cependant, au soir du 8 thermidor, après le discours de l’Incorruptible à la Convention, il sent le danger qui menace et prépare un rapport pour l’Assemblée. Le lendemain, dans une salle houleuse, il commence son exorde : « Je ne suis d’aucune faction, je les combattrai toutes... » Jean Lambert Tallien (1767-1820) lui coupe la parole. Saint-Just ne proteste pas, il se tait. Son silence étonne l’assistance, comme il étonnera la postérité. L’« Archange de la Terreur » laisse la tragédie s’accomplir. Décrété d’arrestation avec Robespierre, puis délivré par la Commune, il n’essaie pas de résister à l’Hôtel de Ville, où Barras envoie des troupes contre les hors-la-loi. Jusqu’au bout, il reste fidèle à sa pensée : « Je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle, mais je défie qu’on m’ôte cette vie indépendante que je me suis acquise dans les siècles et sous les cieux. » Il ira à la guillotine muet, froid, impassible.

A. M.-B.

➙ Convention nationale / Danton / Jacobins / Révolution française / Robespierre / Terreur.

 C. J. Gignoux, Saint-Just (la Table ronde, 1947). / A. Ollivier, Saint-Just et la force des choses (Gallimard, 1955). / A. Malraux, le Triangle noir. Laclos, Goya, Saint-Just (Gallimard, 1970). / M. Dommanget, Saint-Just (Éd. du Cercle et Éd. de la Tête des feuilles, 1971).

Saint-Laurent

Fleuve d’Amérique du Nord.


Émissaire direct du lac Ontario et indirect des quatre autres Grands Lacs, le Saint-Laurent comprend une partie proprement fluviale et une partie d’estuaire. De Kingston à la pointe nord de l’île d’Orléans, le fleuve mesure 570 km de longueur. Sa largeur est très variable : des étroits (à peine 1 km à Québec même et au pont de Québec, 1 500 m entre Longueuil et Montréal) alternent avec des expansions lacustres (lac Saint-François, lac Saint-Louis, lac Saint-Pierre, ce dernier mesurant 15 km d’une rive à l’autre). Le fleuve est généralement peu encaissé, sauf dans son cours inférieur, incisé de près de 100 m dans la « plate-forme de Québec ». Des îles rocheuses (archipel des Mille-Îles à la sortie du lac Ontario, île d’Orléans à la tête de l’estuaire) divisent le fleuve en plusieurs bras. En amont de Montréal, le profil en long est accidenté de rapides : rapides Internationaux, à la traversée d’une apophyse du Bouclier canadien (28 m de dénivellation), rapides des Cèdres (25,5 m), rapides de Lachine (14,5 m). Les affluents de droite, Richelieu, Saint-François, Chaudière, sont peu importants, comparés aux puissants tributaires de la rive gauche, Outaouais (ou Ottawa) et Saint-Maurice.