Saint-John Perse (suite)
Pour Saint-John Perse, quelles que soient les vicissitudes, le spectacle de la nature, celui des hommes sont un perpétuel sujet d’émerveillement. Il les loue sans réserve et sans cesse. Sans doute l’exubérance de la terre, riche en couleurs, en matières (minérales, végétales), assourdie par le soyeux de la neige (Neiges, 1945) ou portée par le souffle des vents (Vents, 1946), la cadence de la pluie (Pluies, 1945) ou le rythme de la mer (Amers, 1957), est une source intarissable d’inspiration.
À l’encontre du courant de la poésie moderne qui blasphème et vitupère le monde, Saint-John Perse consent à la vie, l’approuve et l’éprouve avec une ferveur que le poème intensifie et exalte. Celui-ci, cependant, se garde dans la rigueur d’un verbe qui s’interdit de faire du beau sans fondement, même si, par ailleurs, le chant du monde encourage un éloge inconsidéré. La phrase persienne, caractéristique, faite de longs vers cadencés (octo- et décasyllabes), prend ce mouvement du monde et de l’homme le parcourant avec un rythme analogue à celui de la mer. « Mais de la mer il ne sera question, mais de son règne au cœur de l’homme. » La poésie est ce mouvement, elle « devient la chose qu’elle appréhende ». Et la phrase elle-même est suffisamment « grande » pour tenir l’ampleur d’un souffle qui s’impose avec majesté, renaissant en permanence, avant que de s’abolir dans les excès de sa luxuriance. La réalité, qui n’est pas toujours digne d’éloge, est cependant envisagée, mais, lorsqu’elle intervient dans des images évoquant le quotidien, elle se trouve aussitôt vaincue par le poème qui la transfigure. « Et le poète ainsi est avec nous sur la chaussée des hommes de son temps, allant le train de notre temps, allant le train de ce grand vent. »
Prix Nobel de littérature (1960), Saint-John Perse, qui partageait son temps entre son domicile de Washington et sa maison en Provence, recherchait tout autant un monde à sa mesure, sans limites, qu’un langage pour en donner la grandeur.
M. B.
M. Saillet, Saint-John Perse, poète de gloire (Mercure de France, 1952). / R. Caillois, Poétique de Saint-John Perse (Gallimard, 1954). / P. Guerre, Saint-John Perse et l’homme (Gallimard, 1955). / C. Murciaux, Saint-John Perse (Éd. universitaires, 1960). / J. Charpier, Saint-John Perse (Gallimard, 1962). / A. Loranquin, Saint-John Perse (Gallimard, 1963). / A. Knodel, Saint-John Perse. A Study of his Poetry (Édimbourg, 1966). / E. Noulet, le Ton poétique. Mallarmé, Verlaine, Corbière, Rimbaud, Valéry, Saint-John Perse (Corti, 1971). / Hommage à Saint-John Perse, numéro spécial de la N. R. F. (Gallimard, 1976).