Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Saint Empire romain germanique (suite)

L’action de Frédéric Barberousse ne peut être poursuivie par ses successeurs. Son fils, Henri VI (1165-1197, empereur de 1190 à 1197), rêve de nouveau d’un empire universel, mais sa politique d’installation en Italie de seigneurs allemands mécontente gravement la population italienne. Le fils d’Henri VI et de Constance de Sicile, Frédéric, n’était âgé que de six ans à la mort d’Henri VI. Les princes allemands ne peuvent alors se mettre d’accord pour élire un nouveau monarque ; un Welf, Otton de Brunswick, et un Staufen, Philippe de Souabe, se disputent le trône. Le pape Innocent III, à la suite de l’échec des deux rivaux, favorise l’accession à l’Empire du fils d’Henri VI, Frédéric* II, qui est couronné empereur en 1220, non sans que le pape lui ait fait prendre divers engagements pour tenter de séparer le royaume de Sicile de l’Empire. Frédéric II reprend à son compte la théorie de la supériorité impériale sur un empire universel dont l’Italie serait le centre. Toute l’action politique de Frédéric II est dès lors centrée sur l’Italie ; l’empereur néglige ainsi le gouvernement de l’Allemagne. Appuyé sur le royaume de Sicile qu’il organise pour se donner les moyens d’une grande politique, Frédéric II se heurte de nouveau aux communes italiennes et à la papauté, qu’il combat avec âpreté. Sa longue absence d’Allemagne permet aux princes territoriaux d’organiser et de fortifier leurs principautés. À sa mort, en 1250, Frédéric II laisse un empire affaibli : l’Italie est en proie aux luttes de factions (guelfes et gibelins) ; l’Allemagne est désormais morcelée en de multiples territoires autonomes. L’Empire, tel que l’avaient conçu les Ottoniens puis Frédéric Barberousse, avait vécu. L’Allemagne et l’Italie, longtemps associées, devaient suivre désormais leur propre destin.


L’Empire allemand


Le repli sur l’Allemagne

À la mort de Frédéric II, le royaume de Germanie est disputé entre deux rois, Guillaume de Hollande (1227-1256) et Conrad IV de Hohenstaufen (1228-1254), qui ont tous deux leurs partisans et dominent l’un la Rhénanie, l’autre la Souabe. La papauté semble d’abord soutenir Guillaume de Hollande. En fait, toute la politique pontificale vise à écarter systématiquement de l’accès au trône impérial les descendants des Staufen. Pendant vingt-trois ans, aucun des candidats à l’Empire ne peut ainsi être élu. Au cours de cette période du « grand interrègne », villes et princes consolident leurs avantages acquis et accroissent la large autonomie dont ils jouissent. En Italie, la mort de Frédéric II entraîne l’écroulement de la domination des Hohenstaufen. Le pape Urbain IV négocie avec Charles Ier d’Anjou, frère de Saint Louis, et l’investit du royaume de Sicile en juin 1263. Le 26 février 1266, Charles d’Anjou triomphe à Bénévent de Manfred, bâtard de Frédéric II. La mort en 1272 d’un des deux candidats de la diète de 1257, Richard de Cornouailles, amène une nouvelle élection (1273). Les princes choisissent alors Rodolphe de Habsbourg, un comte de la région de Zurich, au détriment du plus puissant prince de Germanie, le roi de Bohême Otakar (ou Ottokar) II. Cette élection inaugure une nouvelle phase de l’histoire allemande.

L’Empire se réduit désormais au royaume de Germanie. Certains empereurs, successeurs de Rodolphe, tel Henri VII de Luxembourg (v. 1269-1313, empereur de 1308 à 1313), n’en poursuivent pas moins des ambitions irréalistes dans la péninsule italienne. Si en 1330 l’empereur Louis IV de Bavière (1287-1347, empereur de 1328 à 1346) tente de déposer le pape, il trouve trop peu d’appuis en Italie pour mener à bien sa politique. Mais, en Germanie, Louis IV de Bavière est soutenu par les Électeurs, qui affirment avec force la légitimité de son pouvoir face au pape Jean XXII et proclament le droit absolu des Allemands de prendre pour empereur et roi le prince de leur choix. Le pape Clément VI, avec l’appui des archevêques rhénans, obtient l’élection de Charles IV de Luxembourg (1316-1378), fils de Jean de Bohême, en 1347, à la mort de Louis IV de Bavière. Le 5 avril 1355, Charles peut venir recevoir à Rome la couronne impériale, mais il se garde désormais de toute intervention en Italie. Le 25 décembre 1356, Charles édicte la Bulle d’or, qui fixe les règles de l’élection royale et impériale. Le nombre des Électeurs est désormais de sept : les archevêques de Mayence, de Trêves et de Cologne, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg et le comte palatin du Rhin. Les sept Électeurs élisent le roi de Germanie et roi des Romains, mais aucune allusion n’est faite à une quelconque intervention du pape. L’Empire est devenu une royauté purement allemande, et l’empereur porte désormais un titre honorifique, creux, qui l’élève cependant au rang de chef théorique de la nation germanique. La Bulle d’or déclare en outre les électorats indivisibles et leur réserve des droits régaliens. L’Empire se confirme ainsi comme un conglomérat de principautés.

L’Empire, ou plutôt les Allemagnes, est devenu une mosaïque de petites principautés où les seigneurs de la terre se sont emparés de ce qu’ils ont pu saisir de la puissance publique et des domaines du fisc. Mais, au milieu du xive s., aucun État territorial princier n’est encore véritablement constitué : « Le prince précède la principauté. » Des potentats de cet Empire se dégagent quelques princes plus puissants, tels les trois archevêques électeurs, des ducs (Brunswick), des comtes palatins, des margraves (Brandebourg, Bade), des landgraves (Hesse, Thuringe) et surtout le roi de Bohême, héritier d’une dynastie germanisée qui possède, outre la Bohême, la Styrie, la Carinthie, la Carniole ainsi que l’Autriche. L’affaiblissement du pouvoir royal, propice à l’ascension des princes, autorise l’émancipation des villes, d’une part villes d’Empire qui dépendent sans intermédiaire de l’empereur, d’autre part villes libres. Quant aux territoires occidentaux, de l’ancienne Lotharingie ou de l’ancien royaume de Bourgogne, ils ne sont plus rattachés à l’Empire, au Reich, que par une vague tradition d’obédience. Sur l’ensemble de ces territoires, l’empereur ne dispose d’aucun pouvoir que lui conférerait l’élection. Ses qualités personnelles peuvent seules lui permettre d’imposer de temps à autre son prestige : en 1414, l’empereur Sigismond de Luxembourg (1368-1437, roi des Romains de 1411 à 1433, empereur de 1433 à 1437) convoque le concile de Constance pour mettre fin au Grand Schisme* d’Occident.