Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Saint Empire romain germanique (suite)

Otton Ier apparaît à son époque comme le souverain le plus puissant de l’Europe occidentale. Le roi de Francia occidentalis Lothaire en 965, le roi de Bourgogne Conrad en 967, les ducs de Bohême et de Pologne en 973 paraissent à sa cour comme ses obligés. Otton Ier fait désigner de son vivant son fils Otton (Otton II) comme souverain associé afin de garder la couronne dans sa famille. Otton II (955-983, roi de Germanie en 961, empereur de 973 à 983), qui lui succède, doit d’abord rétablir l’autorité impériale en Allemagne avant d’entreprendre la conquête de l’Italie du Sud, pensant ainsi parachever l’œuvre d’Otton Ier . L’entreprise tourne malheureusement au désastre en 982.

Son fils Otton III étant âgé de trois ans à la mort de son père en 983, la régence est exercée par Théophano, sa mère, et Adélaïde, sa grand-mère, qui maintiennent intact l’héritage d’Otton Ier. Otton III poursuit le rêve d’établir un empire universel dont Rome aurait été la capitale. Le pape et l’empereur résidant tous deux à Rome auraient été les chefs de cet empire universel, dont l’empereur aurait été comme Charlemagne ou Constantin le véritable maître. La réalisation d’une semblable politique exigeait que l’Italie devînt le centre du monde, le royaume de Germanie perdant sa place privilégiée au sein d’un Empire romain restauré. La domination d’Otton III sur l’Italie était trop fragile pour le succès d’une semblable entreprise. Dès février 1001, Otton III doit quitter Rome ; il meurt en janvier 1002, après avoir erré près d’un an en Italie. La mort d’Otton III marque la fin d’un rêve d’empire universel s’étendant à toute la chrétienté.

La mort prématurée d’Otton III rend à la Germanie sa place de premier plan au sein de l’Empire. Le nouveau souverain élu, Henri de Bavière (Henri II, 973-1024, empereur de 1002 à 1024), cousin d’Otton III, est un esprit réaliste, imprégné d’une profonde piété. Il abandonne les rêves d’Otton III et borne presque exclusivement son activité à l’Allemagne, où il favorise systématiquement l’Église.

À la mort d’Henri II en 1024, une nouvelle dynastie, issue de Franconie, accède au pouvoir. Suivant le procédé des Ottoniens d’associer au trône leur fils de leur vivant, les Franconiens se transmettent le pouvoir de père en fils entre 1024 et 1125. Un historien qualifie leur période d’« ère du progrès et de la promesse », signifiant par là que ces empereurs s’efforcent d’affermir la puissance impériale, tout en jetant les bases d’une nouvelle ébauche d’empire universel. Très prudent, Conrad II (v. 990-1039, roi de Germanie en 1024, empereur de 1027 à 1039) s’engage timidement dans les affaires italiennes ; en Germanie, il s’appuie sur les comtes et la petite noblesse contre les ducs, qu’il estime dangereux pour la monarchie. Il accorde à la petite et moyenne aristocratie l’hérédité des charges et prépare ainsi le morcellement des petites unités territoriales.

Henri III (1017-1056, empereur de 1039 à 1056), imbu d’une haute idée de la dignité impériale, entend se faire obéir de tous, clercs et laïques. Il établit une étroite collaboration avec l’épiscopat et la papauté et favorise l’action réformatrice au sein de l’Église.

Henri IV (v. 1050-1106, empereur de 1056 à 1106) renforce la position des empereurs franconiens en Germanie. Il prend appui sur les membres de la moyenne aristocratie, à qui il concède de hautes dignités : le bénéficiaire le plus important de cette politique est le seigneur de Beuren, de Waiblingen et de Staufen (v. Hohen-Staufen), qu’Henri IV investit du duché de Souabe. Il s’efforce de créer en Allemagne et en Italie un domaine foncier propre à la monarchie. La réforme grégorienne et la querelle des Investitures*, qui en résulte, entraînent la rupture avec le pape Grégoire VII, qui refuse toute intervention laïque dans les élections épiscopales. Le système ottonien s’en trouve dès lors détruit.

Le fils d’Henri IV, Henri V (1081-1125, empereur de 1106 à 1125), après avoir poursuivi la lutte commencée par son père contre la papauté, signe en 1122 le concordat de Worms qui laisse à l’empereur l’investiture temporelle des évêques et donne au pape l’investiture spirituelle.

Le règne d’Henri V est suivi d’une période de troubles en Allemagne, où s’opposent les familles des Welfs (ou Guelfes) et des Staufen, d’abord sous Lothaire de Supplinburg (v. 1060-1137, empereur de 1125 à 1137), allié aux Welfs, puis sous Conrad III, un Staufen (1093 ou 1094, empereur de 1138 à 1152) [v. guelfes et gibelins]. À la mort de Conrad III, les princes électeurs portent au trône le duc de Souabe, Staufen, Frédéric* Ier Barberousse, allié par sa mère à la famille des Welfs. Sitôt élu, le nouveau souverain entreprend la restauration de l’autorité impériale. Poursuivant la chimère d’un empire universel, il tente d’établir solidement son autorité en Italie, où il fait reconnaître ses droits par les communes italiennes à la diète de Roncaglia en 1158. Il ne peut cependant obtenir la soumission de la commune de Milan, qu’il fait raser en 1162. Mais le système despotique qu’il instaure par l’intermédiaire de ses podestats provoque le soulèvement des communes italiennes, soutenues par la papauté, inquiète des théories de Frédéric sur la domination universelle du monde. La longue lutte qui résulte de cette situation mène Frédéric Barberousse à reconnaître l’autonomie des communes italiennes. Dans le royaume de Germanie, Frédéric Barberousse favorise la haute aristocratie en créant de nouveaux duchés qu’il distribue à de puissants vassaux (l’Autriche à Henri Jasomirgott) ; il cherche à se constituer un domaine, sur lequel il puisse fonder sa puissance au cœur de l’Allemagne. Le règne de Frédéric Barberousse est sans nul doute le plus glorieux des règnes des empereurs allemands du Moyen Âge ; mais le mirage italien lui a vraisemblablement masqué les voies d’une politique réaliste. Frédéric Barberousse enlise la politique impériale en Italie, où il fait épouser à son fils Henri l’héritière du trône de Sicile. En Allemagne, Frédéric Barberousse favorise la constitution de principautés territoriales par sa politique de faveurs à l’aristocratie.