Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saint-Denis (suite)

Il n’est donc pas étonnant qu’à partir du début du deuxième tiers du xixe s. Saint-Denis devienne peu à peu le plus important centre d’industrie lourde de la banlieue parisienne. Il s’y établit, surtout au sud (La Plaine-Saint-Denis) et à l’ouest (carrefour Pleyel) de la commune, la très importante usine à gaz du Landy, de nombreuses entreprises de grosse métallurgie et de chimie lourde, etc. La Première Guerre mondiale accentue encore cette industrialisation.

Aujourd’hui, le métro arrive jusqu’à la basilique ; de grands ensembles d’habitation sont construits, surtout au nord et à l’est de la commune ; l’autoroute du Nord facilite les relations avec Paris, mais aussi avec toute la banlieue nord-est et au-delà avec le nord de la France, puis la Belgique, mais elle constitue également une coupure pour la commune. Une opération de rénovation urbaine est entamée près de la basilique. Une certaine désindustrialisation se traduit par des fermetures d’usines, tandis qu’augmentent en contrepartie les emplois du secteur tertiaire. Saint-Denis reste le centre le plus important et le plus actif de la banlieue nord.

J. B.


L’art

Saint Denis, premier évêque de Paris, fut enterré au iiie s. à l’endroit même où s’est élevée la basilique érigée en son honneur. Une église et une abbaye existaient déjà à l’époque mérovingienne, et Dagobert fut le premier roi franc à y recevoir sa sépulture. L’église fut reconstruite sur un plan plus vaste au début de l’époque carolingienne par l’abbé Fulrad. Elle fut consacrée en 775 en présence de Charlemagne. Pépin le Bref et Charles le Chauve y furent enterrés. Les fouilles de Summer McKnight Crosby et de Jules Formigé ont permis de restituer une partie de l’église et de la crypte.

En 1122, Suger (v. 1081-1151) fut élu abbé de Saint-Denis. Il joua un rôle considérable tant dans la politique du royaume que dans l’histoire de l’abbatiale.

C’est au xiie s. que s’affirme la vocation de nécropole royale de Saint-Denis et que débute la construction de l’église actuelle. Suger fit d’abord élever la façade occidentale, consacrée le 9 juin 1140 et raccordée à la nef carolingienne par des travées charpentées. Les portails ont été mutilés à la Révolution, et la tour nord a été démolie en 1847, mais l’essentiel subsiste. C’est la première façade gothique, avec celle de Chartres*, à deux tours élevées au-dessus de trois portails ornés de statues-colonnes (détruites). L’intérieur est voûté sur croisée d’ogives. Suger refit ensuite le chevet, consacré solennellement le 11 juin 1144. Il en reste la crypte et le rez-de-chaussée. À travers le double déambulatoire et la couronne des chapelles rayonnantes s’affirme le nouvel art gothique, avec ses volumes intérieurs intégrés dans un même espace grâce à la légèreté des supports et à la virtuosité du voûtement, avec une conception particulière de la lumière grâce aux vastes fenêtres colorées de verrières. De précieux témoins des vitraux de Suger pour les chapelles de Saint-Denis montrent l’importance de cette peinture translucide et de son iconographie au xiie s. Suger a d’ailleurs décrit lui-même ces verrières lumineuses, et celle de l’Arbre de Jessé a eu une longue postérité. Suger avait prévu de réunir le chevet à la façade par un transept non saillant et une nef à doubles collatéraux, qui eussent préfiguré le plan de Notre-Dame de Paris*, mais les ressources vinrent à manquer et le projet resta en plan.

En 1231, les travaux reprirent grâce au mécénat de Blanche de Castille, puis de saint Louis. On reprit le chœur de Suger dans ses parties hautes, puis on édifia un transept d’une ampleur exceptionnelle pour qu’il pût accueillir les sépultures de la famille royale et on termina par la nef, qui remplaça la vieille nef carolingienne et qui fut raccordée à la façade du xiie s. Les gros travaux étaient terminés en 1265 et conféraient à l’église son aspect actuel. La construction du xiiie s. n’est pas moins intéressante que celle de Suger, car elle est un des premiers exemples du gothique rayonnant, avec son triforium ajouré, ses hautes fenêtres composées et ses minces supports le long des parois. Le nom de Pierre de Montreuil, architecte qui mourut en 1267, y est associé de façon certaine, bien que son rôle, surtout dans les parties orientales de l’église, fasse l’objet de controverses. De cette époque datent plusieurs retables de pierre sculptée, qui ont été placés dans les chapelles du chevet. C’est aussi au xiiie s. que le tombeau sculpté de Dagobert fut érigé dans le chœur, et saint Louis fit placer dans le transept, en 1264, les gisants de ses prédécesseurs carolingiens et capétiens.

Par la suite, l’église s’enrichit de nombreux tombeaux sculptés, et des chapelles latérales furent ajoutées au nord de la nef pour les abriter. À la Révolution, les sépultures royales furent violées, mais une partie des sculptures fut recueillie par Alexandre Lenoir pour son musée des Monuments français à Paris. Depuis, ces monuments funéraires, qui ont perdu une partie de leur décor, ont regagné Saint-Denis et on leur a adjoint des tombeaux de diverses origines, si bien que l’église est devenue un véritable musée de la sculpture funéraire du xiie au xvie s. Les gisants de Childebert Ier et de Frédégonde, sculptés au xiie s. pour Saint-Germain-des-Prés, y ont pris place. Du xiiie s. datent le tombeau de Dagobert, ceux de la commande royale de 1260-1264 et les sépultures des enfants de saint Louis, rapportées de Royaumont. Parmi les sculptures du xive s., il faut mentionner le gisant de Robert d’Artois par Pépin de Huy, ceux de Jeanne d’Évreux et de sa fille Blanche de France par Jean de Liège, celui de Charles V par André Beauneveu* et celui de Du Guesclin par Thomas Privé et Robert Loisel. Du xve s. date l’admirable effigie d’Isabeau de Bavière par Pierre de Thury. L’art de la Renaissance est particulièrement bien représenté par le tombeau de Louis XII et d’Anne de Bretagne, œuvre due en grande partie à Jean Ier Juste, sculpteur d’origine italienne établi à Tours, par le mausolée en forme d’arc de triomphe de François Ier et de Claude de France, dessiné par Philibert Delorme*, sculpté par Pierre Bontemps, François Marchand et d’autres artistes. L’urne du cœur de François Ier, par Philibert Delorme et Pierre Bontemps, a été aussi placée à Saint-Denis depuis la Révolution. Le monument funéraire commandé par Catherine de Médicis pour elle-même et son mari Henri II aurait dû prendre place dans une chapelle à plan centré, la rotonde des Valois, qui fut entreprise au nord de l’église abbatiale par Jean Bullant, puis par Jean-Baptiste Androuet Du Cerceau, mais qui resta inachevée par suite des guerres de Religion et fut démolie au xviiie s. ; monument et sculptures, aujourd’hui dans le bras nord du transept, sont l’œuvre de Germain Pilon* et de son atelier.