Saenredam (Pieter Jansz.) (suite)
Peu de peintres ont poussé aussi loin l’honnêteté artisanale et la rigueur du dessin, qui paraît s’accentuer à la fin de la carrière du peintre (dessins des églises d’Utrecht, musée Teyler, Haarlem). Le respect de l’exactitude est absolu dans le tracé des ogives, des supports, des dallages d’un intérieur d’église. L’éclairage est plus arbitraire ; Saenredam le fait souvent jouer par des passages subtils sur l’arrondi des piliers. La palette oppose des gris et des bruns, renforcés aux premiers plans, à des blancs crème plus lointains, sur lesquels se concentre l’œil. L’austérité de cet accord est allégée par la présence de petits personnages — dus sans doute à la main d’Adriaen Van Ostade* —, par les ors et les couleurs vives d’un polyptyque, d’une bannière ou d’un buffet d’orgue (Intérieur de l’église Saint-Bavon de Haarlem, Rijksmuseum, Amsterdam ; Église Saint-Laurent d’Alkmaar, musée Boymans-Van Beuningen, Rotterdam). Par contre, bancs et chaises sont, en général, supprimés, afin de mettre en valeur la grandeur ou le charme délicat des architectures.
À la profondeur des lieux clos correspond la limpidité atmosphérique des extérieurs. Ici se manifeste l’apparentement de l’artiste à la lignée de ces « topographes » hollandais qui exécutent pour toute l’Europe des vues de châteaux et de villes fortifiées et dont l’exemple aidera, à travers l’œuvre de Caspar Van Wittel (1653-1736), à la naissance du « vedutisme » vénitien. Un dessin de Saenredam représentant en enfilade l’hôtel de ville et la tour de la Domkerk d’Utrecht (1636, archives de la ville) révèle l’aptitude de l’artiste à la mise en page vivante, à la modulation par la lumière et l’ombre.
Saenredam tourne le dos aux virtuosités maniéristes, aux architectures fantastiques qu’aimaient les peintres italianisants du siècle précédent. Ce retour à l’ordre, avec toute la silencieuse poésie que l’artiste en tire, exprime fidèlement un certain état d’esprit de la Hollande calviniste du xviie s. Célèbre en son temps, puis oublié, Saenredam connaît aujourd’hui une faveur nouvelle : sa tendance à l’abstraction en fait pour certains critiques contemporains un ancêtre de Mondrian*. Parmi les artistes du Siècle d’or hollandais, des peintres d’églises comme les Berckheyde (Job [1630-1693] et Gerrit [1638-1698]) et Emanuel de Witte (v. 1617-1692) ont une manière moins rigoureuse, moins noble. Le plus profile de Saenredam par le style serait plutôt Willem Claesz. Heda (v. 1594-1680), le peintre des natures mortes.
E. P.
➙ Haarlem.
CATALOGUES D’EXPOSITION. Catalogue raisonné of the Works of Pieter Jansz Saenredam (Utrecht, 1961). / Saenredam, 1597-1665, peintre des églises (Institut néerlandais de Paris, 1970).